Le mauvais pari

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Dans un mouvement brusque, je regarde la montre en cuire attachée à mon poignet droit. 23h54. Dans 6 minutes, j'aurais réussi le pari et je pourrai enfin me barrer de ce cimetière flippant et rentrer chez moi.

La faible lueur de la lampe torche de Mathieu éclaire mes jambes tremblantes de peur. Pourtant mon visage lui, reste impassible. Pas question de montrer à Mathieu que j'ai peur alors que lui semble si confiant. Un bruissement sur ma gauche attire mon attention et je tourne rapidement ma lampe dans cette direction, mais je ne remarque rien, absolument rien.

Mathieu ricane :

- Alors on a peur des bêtes sauvages, dit-il en imitant un ours.

Je ne le regarde pas. Il sait qu'il a raison et malgré tout, je prends la voix la plus sûre possible et lui réponds :

- Plutôt de tes blagues pourries.

Il se renfrogne et murmure dans sa barbe quelque chose que je ne parviens pas à déchiffrer.

Nous continuons à avancer et je finis par m'asseoir sur le premier banc venu. Mathieu me suit et prends place à côté de moi. Nous restons silencieux quand je me décide à regarder ma montre. 23h59.
Je me penche vers lui et murmure à son oreille :

- C'est le moment.

Il hoche la tête et sort son caméscope. Une brise fraîche me caresse le corps Je frissonne et me frictionne les bras énergiquement.

Mathieu tourne la tête et mes yeux rencontrent les siens. Ils sont bleu clair, je le sais. Mais la nuit leur donne une teinte sombre, marine. Ses yeux brillent, je m'avance et il lâche son caméscope qui filme encore. Tandis qu'il pose délicatement sa main sur ma hanche, je m'avance encore un peu. Son parfum mentholé assaille mes narines et j'inspire son odeur encore un peu, profitant de notre rapprochement. Mon cœur bat à mille à l'heure. Je sens son souffle chaud sur mes lèvres et alors que mes mains rencontrent ses épaules, je sens un liquide visqueux recouvrir mes doigts. Je retire ma main et recule brusquement.

Un cri plein et aigu sort de ma poitrine et je sens la terreur me glacer chaque membre. Je recule encore, cherchant à fuir l'horrible spectacle qui s'offre à moi. Des larmes salées roulent sur mes joues mais je n'y fait pas attention, je sens une présence derrière moi, une présence effrayante. Et j'oublie une seconde la gorge tranchée de Mathieu et son corps encore chaud sous mes doigts.

Je me retourne mais ne vois que les tombes malmenées par le temps et des arbres s'attirant jusqu'au ciel. La panique me gagne, je deviens folle. Je peine à avancer et ma respiration est saccadée. Les larmes coulent toujours tandis que je cours plus vite possible, que je tente d'échapper à ce monstre, cette chose qui m'est inconnue.

Et quand j'arrive enfin à la porte de sortie, un spectre noir, cauchemardesque surgit des buissons. Ses yeux vides sont blancs, seule touche de clarté dans ce corps monstrueux et pourtant, son regard tranchant n'a rien d'un soulagement. Une odeur pestilentielle me parvient et la bile me monte à la gorge. Ce n'est pas le moment de vomir.

Je suis figée, mes membres ne réagissent plus devant cette chose. Elle prend de la place, s'incruste dans mon esprit, je la sens s'introduire en moi, déchiquetant tout sur son passage. Un voix rauque résonne dans ma tête et m'intime de me mettre à genoux. Mes jambes s'exécutent sans me demander quoi que ce soit et je me retrouve par terre, soumise à cette créature terrifiante.

Soudain, une douleur atroce me vrille le crâne, réduisant toute pensée en poussière. Je me roule sur le sol, crie à m'en briser les cordes vocales. J'agonise. Et alors que je pense être morte, le douleur se tait, laissant place à un doux silence.

J'ouvre les yeux et je suis tout de suite attirée par une feuille aux extrémités brûlées qui tombe du ciel lentement. Je l'attrape et l'ouvre. Un message est inscrit :

Ce sera bientôt ton tour.

C'est tout. Mais cela me suffit pour comprendre. Comprendre que rien de tout ceci n'était un rêve, que Mathieu est mort et que ce sera bientôt moi.

Je tremble de peur. Je ne veux pas mourir. Des milliers de questions m'assaillent. Et si je n'atteignait pas mes 18 ans ? Et si on retrouvait le corps de Mathieu ?! Il faut que je le fasse disparaître.

Je me lève, bien décidée à oublier cette affreuse nuit et cours en direction du banc. A mon plus grand désarroi, le banc est vide. Mathieu n'est plus là, il a disparu. Pas une trace de sang, rien ne peut témoigner de sa présence ici, même pas le caméscope qu'il a laissé tomber.

Je secoue la tête frénétiquement. Ce n'est pas possible. Est-ce que tout ça s'est vraiment passé ? Et si c'était une mauvaise blague ?

Oui ! Ça ne peut être que ça ! Une de ses blagues pourries. Je m'obstine à penser ça pourtant, je sais que c'est impossible. Mais je m'accroche à ce rêve comme à une bouée de sauvetage.

Ce soir, il ne s'est rien passé, je suis rentrée chez moi puis me suis endormie, comme tout les soirs.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 30, 2019 ⏰

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La Faucheuse. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant