Chapitre 77 • Se reconstruire

4.5K 428 112
                                    

Comme tous les matins depuis un mois, je déjeune alors qu'il fait encore nuit et je pars de chez moi quelques heures avant le début de ma journée de cours. L'hôpital de la ville ne se trouvant qu'à dix minutes à pieds de ma résidence, je fais le trajet en marchant dans le froid, mon écharpe autour du cou et mes mains dans les poches de ma veste.

Étant donné que la chambre attribuée à Izzie est située au troisième étage, je m'apprête à monter la rejoindre avec l'ascenseur. Quand les portes de ce dernier s'ouvrent, je suis surprise de voir sa mère en sortir. Il n'est même pas 6h du matin, pourtant elle est comme à son habitude tirée à quatre épingles. Je n'avais jamais vu cette femme avant que sa fille ne soit victime d'un traumatisme crânien, mais elle est exactement telle que je l'imaginais : froide comme le marbre qui recouvre le sol de son salon. Elle m'adresse un simple signe de tête avant de se diriger vers la sortie, et je la gratifie d'un « bonjour » en prenant sa place dans l'ascenseur.

Lorsque j'arrive devant la chambre d'Izzie, je toque doucement à la porte. J'entends comme tous les matins sa voix crier « Entre ! », sans que cela ne perturbe jamais le sommeil de Jay, et je fais donc ce qu'elle me dit.

- Tu es en retard aujourd'hui. (Elle me fait ce reproche avant même de tourner la tête vers moi, occupée à zapper avec la télécommande de la petite télé accrochée au mur.) Tu as de la chance, ma mère est passée pour signer les papiers de ma sortie avant d'aller au travail, elle m'a tenu compagnie en t'attendant.

- Désolée, j'ai eu du mal à sortir de mon lit ce matin. (J'enlève mon manteau et le met par dessus celui du métis, au pied du lit d'Izzie.) Voila pourquoi je l'ai croisée dans l'ascenseur. Alors, quand seras-tu enfin libre de quitter ce lieu qui « sent la mort » ?

Le coin de ma lèvre s'étire légèrement en reprenant ses mots, qui m'avait néanmoins fait froid dans le dos la première fois qu'elle les a prononcés.

- Le 2 ! s'exclame-t-elle, heureuse de connaître la date. Il me reste quand même plus d'une semaine à passer entre ces quatre murs, alors que mon dernier scanner n'a rien montré d'inquiétant.

- Certes, mais je te rappelle que tu as des maux de tête et même des nausées. (Je m'assois sur le tabouret qui se trouve près d'elle et j'ôte mon écharpe à carreaux.) Ils ont raison de te garder ici encore quelques temps, juste au cas où.

Contrairement à ce que les médecins avaient envisagé, son traumatisme crânien ne lui a causé ni séquelles neurologiques importantes ni trous de mémoire à répétition. Le soulagement de sa famille et de ses amis a été immense quand, à son réveil, elle a été capable de parler et de bouger chacun de ses membres. J'ai été tout aussi soulagée d'apprendre qu'elle avait des souvenirs de la soirée, et même des jours qui l'ont précédée, et que ces derniers ne lui revenaient pas uniquement sous forme de flashs de temps à autres, ce qui est fréquemment le cas suite à un choc de cette violence. Elle se souvient donc que je suis sortie avec son meilleur ami, qu'elle était en froid avec nous à cause de ça, qu'elle a avoué avoir des sentiments pour moi devant la bande et que mon couple a volé en éclats par sa faute le soir où elle a été blessée. Et heureusement, car je n'aurais pas eu la force mentale de lui en faire le résumé.

- Eh, tu t'es coupée les cheveux ! remarque-t-elle enfin, me tirant de mes pensées. J'avais même pas vu à cause de ton écharpe, mais ça te va trop bien. Tu fais plus... femme.

Elle tend sa main perfusée vers moi pour toucher mes pointes, admirant le résultat de mon passage tardif chez le coiffeur hier soir. Alors que j'attendais le bus pour rentrer chez moi après ma longue journée de cours, l'envie de me faire un carré m'a prise d'un seul coup. Comme à mon habitude quand je me retrouve seule avec mes pensées ces derniers temps, j'ai commencé à m'apitoyer sur mon sort, hantée par mes souvenirs avec mon ex petit ami, et changer de tête m'a sur le moment paru être une excellente idée pour marquer une sorte de tournant dans mon existence.

Le PhénixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant