Les maisons ont une âme

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Je levai la tête sur la façade en face de moi. Je devais avoir l'air un peu bête à rester sur le perron, ma valise à la main. Les fenêtres avec leurs vitres qui laissaient passer tout le vent froid en hiver allaient peut-être finalement me manquer. Je ne pensais pas non plus que cette porte grinçante me manquerait aussi. La porte avait souvent claqué sous le coup de nos disputes. Elle avait résisté à tous les claquements qu'elle avait subis, malgré leur violence parfois exagérée. C'est vrai qu'on s'était aussi beaucoup disputés dans cette maison. Cependant, je finissais toujours par revenir. Mais aujourd'hui c'était la dernière fois. Je n'allais plus jamais revenir. Je jetai un œil au crépi défraichi de la façade. Les fissures parcourant le mur me paraissaient bien plus grandes qu'avant, je ne saurais pas expliquer pourquoi. Peut-être que le mur était triste et déçu, comme moi. Cette histoire aurait pu mieux finir, mais aujourd'hui c'est l'heure de partir. Je sais que j'aurais pu faire un effort. Mais Félicie aussi aurait pu.

Je levai la tête et aperçus la cheminée toujours en équilibre sur le toit. Elle aussi avait résisté à bien des intempérie. Elle nous avait réchauffés pendant bien des hivers, et aurait peut-être mérité un petit ramonage. Mais à l'époque, nous n'en avions à peu près rien à faire. Le foyer ardent nous réchauffait et ça suffisait bien. L'odeur du feu de cheminée me manquera peut-être. Mon esprit divagua à l'intérieur de la maison. Dans l'entrée, à gauche, on pouvait voir un petit guéridon avec un pot-pourri dessus, qui prenait la poussière. A côté, il y avait la porte du salon. En y entrant, on pouvait voir que ses murs étaient entièrement recouverts d'une tapisserie rayée rouge et verte. A cette époque, la décoration non plus n'était pas notre préoccupation principale. Sur le mur d'en-face, il y avait évidemment la fameuse cheminée, et un étagère remplie de livres et de bibelots poussiéreux : des héritages, des souvenirs de voyages il y a longtemps, et des cadeaux de Féli. Je me rends compte qu'il n'y avait pas beaucoup de cadeaux de moi. Au centre de la pièce, trônaient deux imposants canapés de velours vert, qui invitaient à s'y asseoir.  Chaque meuble, chaque mur, chaque lame de parquet me rappelle des souvenirs. Mais il est trop tard.

Dans cette maison, on avait quand même passé de bons moments. Je repensais à toutes les soirées passées ici, sur le perron, à regarder les étoiles. A défaut d'un jardin, on avait quand même le ciel. Des gouttes d'eau me surprirent et tombèrent sur mon chapeau. Il ne pleuvait pas pourtant.

Soit c'était la gouttière qui fuyait, soit c'était la maison qui pleurait.

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