Chapitre 3

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Le chagrin est une émotion que les vampires n'ignorent pas entièrement ; mais il leur fait plutôt l'effet d'un glissement, ou d'un changement dans la direction du vent. C'est une palpitation muette, un rappel parasite des douleurs emboîtées à l'infini qui définissent l'univers vampirique.

Ce que je vivais était tout à fait différent.

Au matin de la mort de Zayn, je versai les cendres étincelantes dans une urne que je posai sur le bureau. Zayn avait rapporté mon coffret à bijoux d'Hathersage : je n'eus aucun mal à y trouver un vieux flacon de sang pour le remplir d'un peu de ses cendres. Je l'accrochai à une chaînette que je passai à mon cou.

En me détournant du bureau, je trouvai une lettre sur la table basse. J'ouvris l'enveloppe à l'aide d'un coupe-papier en argent et me mis à lire. Il était presque midi quand je relevai la tête. La lettre contenait des instructions concernant ma nouvelle vie, les usages du XXIe siècle et ce que je devais faire de mes journées en attendant la rentrée. Le début m'informait que je devais commencer par une nourriture simple, mon corps n'étant pas habitué à ingérer et à digérer. Je posai la lettre sur mes genoux puis la repris. Je ne pouvais m'empêcher de relire sans cesse le dernier paragraphe :

Tout cela en valait-il la peine ? Nous avons eu nos moments de grâce, n'est-ce pas ? Tu es libérée de la souffrance involontaire. Trouve la paix dans ma mort, Verse des larmes. Tu n'as plus que la liberté. Si Liam et ton cercle reviennent, tu sauras que faire. N'oublie jamais, Lenah.

Honni soit qui mal y pense. Courage,

Zayn.

Une sensation de manque me tenaillait. Au plus profond de moi, là où je ne pouvais la combler. Pour tenter de me distraire, j'observai le campus. De mon balcon, j'avais vue sur un bâtiment  de pierre nommé Foyer des élèves. Sur la droite, juste derrière, un autre édifice flanqué d'une haute tour. La diversion ne fonctionna pas: mon regard retourna se poser sur les papiers que Zayn m'avait laissés.

Une chose était certaine : ses économies excédaient largement le nécessaire pour survivre dans la société actuelle. Le problème ? Je ne pouvais pas y toucher. Quant à mon propre argent, il était resté sous le contrôle de Liam et du cercle. Je ne pouvais accéder ni à l'un ni à l'autre, car mes poursuivants m'auraient immédiatement localisée. J'ignorais le fonctionnement précis des banques et des "virements", mais comme me l'expliquait Zayn dans sa lettre, je ne devais traiter qu'en liquide, sauf cas d'extrême urgence. Il m'en avait laissé un plein coffre.

Ses instructions étaient claires. Je devais travailler et éviter de dépenser ses fonds. "Tu pourrais en avoir besoin un jour", tels étaient ses mots exacts. "L'immersion est le secret de la survie", précisait aussi sa lettre. L'idée de ce que Liam risquait de faire en me voyant, moi, son ancienne amante, son ancienne reine, dans cet état vulnérable, m'envoyait des frissons dans l'échine. Liam, comme tous les vampires, avait le goût de la tragédie, le désir des larmes, du sang et du meurtre. La plupart des vampires n'ont qu'un souhait : infliger à autruit la douleur qui les hante constamment, la déverser dans l'autre. En dépit de mes hésitations, j'imaginais facilement le scénario. Ce que Liam pourrait me faire, en tant qu'humaine... Je secouai brièvement la tête pour chasser cette pensée.

J'allais me plonger dans le mode d'emploi d'un ordinateur portable lorsqu'un coup frappé à la porte m'arracha à ma méditation. Un pull noir, tout simple, qui avait appartenu à Zayn, pendait à un bras du fauteuil. Je le passai par-dessus mon débardeur avant de m'enfoncer dans les profondeurs de l'appartement.

- Révèle toi ! ordonnai-je à la porte fermée.

- Euh... me répondit timidement une voix masculine.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 14, 2014 ⏰

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