Volutes violettes

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Cet endroit, Misha m'en avait parlé. Un endroit sombre où la gravité semble s'être arrêtée, où le monde semble être mis en pause. Un endroit où aucune personne saine d'esprit et de corps ne devrait se trouver.


Et voilà que je m'y trouvais, sans savoir comment, sans savoir pourquoi. La dernière chose dont je me souvenais était plutôt vague, j'avais le souvenir de larmes, d'alcool, de ce salon dans lequel j'étais seul avec mon chien. Je me souvenais d'une immense douleur dans ma poitrine qui n'était rien d'autre que l'héritage d'une vie guidée par la haine et le désespoir.

J'étais là, seul, allongé, flottant, tout était noir hormis des centaines de volutes de fumée de couleurs violettes. Elles semblaient danser autour de moi, me narguant, elles avaient quelque chose de magnifique mais elles m'apportaient à la fois un sentiment de terreur indescriptible.

Misha m'avait parlé de ces volutes, il m'avait expliqué que seul un homme perdu, pris d'une profonde tristesse et ayant un cœur entièrement couvert de blessures pourrait les apercevoir un jour, mais je me souviens de sa mise en garde, le simple fait de les admirer lui ôterait une partie de lui qu'il ne pourrait jamais récupérer.


Suis-je cet homme ? Quelle partie de moi allais-je perdre ?

Je flottais dans ces abysses, tout paraissait si doux, si paisible, j'ai même tendu le bras pour attraper une de ces volutes qui avait presque une forme de méduse. Elle a atterri délicatement dans le creux de ma main, elle est repartie tout aussi vite vers le haut avant de disparaître comme des centaines d'autres avant elle, mais ce n'était pas grave, d'autres arrivèrent d'en bas.

A cet instant, je me sentais bien, je ne ressentais plus rien. Si seulement je savais en ce moment précis ce qui m'attendais...

J'ai compris que je ne flottais pas quand mon dos toucha le sol, il me fallut un moment pour me remettre debout.

Ce qui était étrange, c'est que les volutes continuaient de venir d'en bas, c'est comme si je me tenais debout dans le vide, sans peur, habillé d'un simple t-shirt noir, d'un pantalon de jogging de la même couleur, d'une paire de Nike abîmée par le temps et ma fidèle casquette.


Je suis resté immobile l'espace d'un moment, admiratif face à l'étrangeté de cet endroit.

Tout y était plongé dans l'obscurité, les seules sources de lumière étaient ces volutes qui venaient du bas pour continuer leur route vers le haut jusqu'à perte de vue. Quelques montagnes se dessinaient au loin, et le sol bien qu'invisible semblait onduler à chacun de mes pas, comme s'il était faits d'un liquide quelconque, comme si je marchais sur une fine et lisse feuille d'eau.

Au bout d'un moment, je me suis mis à avancer de manière nonchalante sans savoir où j'allais, sans savoir où j'étais ni même pourquoi j'y étais.


Au loin un phénomène particulièrement intriguant se dessinait, comme une scène de vie dont on aurait réduit l'opacité, la rendant presque transparente, elle semblait figée, mais j'y distinguais deux enfants, un salon, quelques meubles flottant tout comme moi dans le vide, perdue elle aussi dans les limbes du temps et de l'espace.

Arrivé assez proche, la scène s'anima comme un film. Je n'éprouvais aucune terreur a la vue de ce spectacle des plus perturbants, j'y jetai un coup d'œil attentif, j'y vis un petit garçon jouer avec une petite fille, sautant de divans en divans, marchant sur la table pour ne pas toucher le sol. Je les regardais attentivement, un petit sourire se dessinait sur mon visage, je reconnus assez vite ma petite sœur, cette petite fille qui rigolait à pleins poumons et par déduction, le garçon devait être une version plus jeune de ma personne. J'avais l'air heureux à cette époque.

Volutes violettesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant