Les collecteurs

Chapitre 4 : L'intrus

Au petit matin, Anzu s'étira et alla réveiller ses compagnons. Sa courte nuit pesait déjà dans son esprit, et il glissa sur la fine couche de neige s'étant déposée pendant sa veillée. Le jeune elfe pensait pouvoir parcourir la distance qui les séparait du prochain lieu de campement, cependant, scruter ses environs ou déployer efficacement sa magie en cas de besoin serait une autre paire de manches. Ses efforts ne furent pas vains. A travers ses yeux embrumés, sa sœur lui apparaissait en pleine forme, et Volonario plutôt vif dès l'éveil. Vincent s'occupait déjà de préparer une collation pour le groupe.

Le petit déjeuner fut entaché par l'intensification des chutes de neige. Cette nouvelle difficulté passa de flocons éparses à un véritable rideau blanc qu'il était bien difficile de percer du regard.

— La progression n'en sera que plus ardue dans les sommets, commenta Volonario, redoutant déjà les effets d'une telle ascension sur ses jambes.

— Le vent s'est calmé, ajouta Homa. Même avec la neige, le froid ne sera plus aussi éreintant.

— Prenons tout de même des pauses régulières pour nous réchauffer, et sécher nos extrémités, conseilla le mage. Homa, nous manions tout deux facilement le feu. Nous nous occuperons chacun de notre tour de prévenir d'éventuelles engelures.

— Bien, accepta la jeune elfe, qui se tourna vers le feu de camp.

Elle y trouva Vincent, occupé à ranger leur matériel, et Anzu, tête baissée. Homa décida d'apporter une attention toute particulière à son jeune frère aujourd'hui. Entre ses échecs nocturnes, son manque de sommeil et son caractère taciturne, elle craignait que ses pensées se laissent emporter dans une spirale de négativité.

Cette aventure était l'une des dernières occasions de Homa de s'occuper de lui. Elle serait mise enceinte lors du prochain rituel de vie, et deviendrait ainsi la matriarche de sa propre famille. Ses rapports avec lui changeraient, pour une relation de l'ordre de celle qu'elle entretenait avec Volonario. Des connaissances, pas plus.

"Je vais me sentir seule..." Pensa Homa, alors qu'elle attrapait la main de son frère.

— Allez, nous repartons, encouragea-t-elle.

— D'accord... Répondit mollement le garçon, faisant un signe à Isil pour lui indiquer la reprise du voyage.

La visibilité réduite, les collecteurs n'apercevaient plus les montagnes de Khazdon à l'horizon. Ils ne craignaient pour autant pas de se perdre dans le blizzard, car un unique sentier grimpait jusqu'aux montagnes, et en sortir signifiait se retrouver au milieu de bois si épais qu'il serait difficile de s'y mouvoir. Encore une journée de marche, une nuit de repos, puis ils atteindraient les galeries naines, où le minerai foisonnait.

Vincent prit de nouveau la tête du groupe, à l'affut du moindre danger. Il profitait de la chaleur de son manteau de fourrure, imperméabilisé à l'aide d'un enchantement pour que l'eau ne s'y infiltre pas. La magie fonctionnait à merveille avec la neige, si bien que le froid lui-même s'en trouvait repoussée.

Ses maitres prenaient décidément soin de lui, et il avait failli. Sa maitresse avait subi une terrible blessure la veille, car il s'était montré trop lent. Le temps de se lever, d'allumer une torche sur le feu, et d'accourir. Bien trop tard. Homa excellait dans l'art du duel, être prise par surprise par une seconde bête avait mis sa vie en danger. Vincent ne comptait plus laisser pareille chose se reproduire, il en allait de son propre avenir.

Homa participerait au prochain rituel de vie, et deviendrait la chef d'une famille composée uniquement d'elle-même pour commencer. Avant que ses futurs enfants soient en âge de peser dans la communauté, ce sont sur ses esclaves que l'elfe devra se reposer. Vincent souhaitait se mettre à son service, pour son propre bien. Homa n'avait pas hérité de l'impatience de sa mère, et se montrait moins violent que la plupart des elfes. Sous ses ordres, il ne risquerait pas qu'un châtiment tourne mal, ou qu'elle lui demande de sacrifier sa vie pour ses ambitions. Cependant pour que la jeune elfe décide de le racheter à sa mère, il devait prouver sa valeur.