IMANE

Chapitre 2 : Le bonheur qui n'en était pas un

La villa de la famille Ake apparaissait comme étrangère dans le décor de Louado. Il était vrai que la ville se modernisait pourtant nulle bâtisse ne rivalisait encore avec le luxe de cette maison. Elle régnait en maître dans une partie du centre ville tandis que ses voisines faisaient pâle figure à côté. Le centre ville était, on pouvait le dire, le seul endroit véritablement bondé de monde à Louado. Les enseignes des magasins, hôtels et restaurants presques tous récemment ouverts formaient un champ moderne de couleurs. Les gens se bousculaient pour sortir ou entrer de tels ou tels endroits. Les voitures défilaient sans discontinuer et participaient au carnage avec les appels des commerçants et les enfants qui couraient entre les pieds des passants. La plupart des touristes logeaient ici avant d'entreprendre une visite plus large de Louado et bon nombre des hôtels qui les recevaient appartenaient à Monsieur Ake. On comprenait dès lors son habitation et sa richesse, il était qui plus est patron de deux grandes entreprises de communication situées à la capitale ce qui faisait de lui l'un des hommes les plus influents de la Côte des Ébènes.

Lorsque le taxi déposa Simon devant la villa, son stress s'accentua. Une longue et haute clôture, envahie par les lierres et couronnée de barbelés, entourait la demeure. Le grand portail lui faisait face. Il fit quelques pas pour aller vers la bicoque du gardien qui le fixait de sa fenêtre.

- Bonsoir, Monsieur Ake est passé à notre menuiserie ce matin et m'a fait venir pour me montrer le travail.

Le gardien, un viel homme assez bien conservé, continua de le fixer d'un air dédaigneux. Simon réalisa alors que c'était sa tenue qui n'allait pas. Il regretta de n'avoir pas pensé à mieux se présenter dans un tel endroit. Le gardien disparu de la bicoque pendant un moment et le portail s'ouvrit.

- Tu peux entrer, autorisa t-il.

Simon entra d'un pas hésitant et regarda le viel homme fermer la porte.

- Suis le chemin, une domestique te recevra, lui indiqua t-il après avoir fini.

Simon le remercia et avança sur le chemin de dalles en pierres qui coupait le jardin en deux. Ce jardin disposait d'une variété de plantes fleuries qui l'emerveillèrent. Une présence vint perturber sa contemplation, celle d'une jeune femme étendue sur une chaise pliante entre les hibiscus rouges. Elle tenait un téléphone portable à la main qu'elle parcourait des yeux sous son chapeau blanc. Simon s'immobilisa sans trop savoir pourquoi, ne détournant pas les yeux d'elle. Puis peut-être parce qu'elle s'était sentie observée, elle éteignit son téléphone et regarda dans la direction de Simon qui fut quelque peu gêné.

Elle se leva et se rapprocha de lui. Son teint s'apparentait à celui d'une metisse. Sa courte robe jaune épousait son corps svelte. Elle retira son chapeau, libérant ainsi ses mèches longues et frisées.

- Vous êtes le menuisier ? demanda t'elle d'une voix terne.

- Oui

- Ce vieillard n'a t-il pas eu l'obligeance de vous montrer le chemin ?

- Il m'a dit de suivre celui-ci, pardon de vous avoir fixé ainsi. Vous êtes la domestique ?

Elle se met à rire à gorge déployée.

- Enfin voyons, ai-je l'air d'une domestique ?

Elle n'avait clairement pas l'air d'une domestique et sa réaction fit réaliser à Simon la bêtise de sa question.

- Venez je vais vous conduire, proposa t-elle.

- Merci, murmura t-il en la suivant.

Il l'observait de dos, sa démarche était légère et raffinée. Ils arrivèrent à la terrasse de villa, une grande surface recouverte de carreaux blancs luisants. Elle accueillait une magnifique table en bois et trois fauteuils gris. Les portes en verre qui s'ouvraient sur le salon étaient grandes ouvertes et dévoilaient déjà l'intérieur de la maison. Une servante vêtue d'une robe noire vint tenir quelques mots à l'oreille de la jeune femme qui la congédia d'un simple geste de la main. Elle passa l'entrée mais Simon resta immobile.