Guillaume marchait dans le couloir de l'hôpital d'une démarche confiante et un sourire sur les lèvres. Aujourd'hui c'était son premier jour de boulot, en tant qu'infirmier. Il avait enfin réussi à décrocher son diplôme et il avait hâte de commencer à travailler ici. C'était le premier vrai boulot qu'il décrochait depuis de nombreuses années après avoir enchaîné quantité de petits boulots minables, histoire de pouvoir remplir le frigo et de payer le loyer.
Il était perdu dans ses pensées et en tournant au coin du couloir, il rentra dans quelqu'un violemment. Il attrapa l'autre personne par le bras par pur réflexe, essayant de lui éviter ainsi de tomber.
« Je suis désolé. » s'excusa-t-il précipitamment en posant les yeux sur le jeune homme dans lequel il venait de rentrer par inattention.
Ce dernier était plus petit que lui en taille et ses cheveux étaient noirs comme l'ébène. Le jeune homme ouvrit la bouche légèrement et avança une main dans sa direction, touchant doucement son torse sur la blouse blanche, ce qui le surpris. Guillaume fronça les sourcils, confus de son geste et le vit regarder fixement son torse sans jamais le regarder directement.
« Vous allez bien ? demanda-t-il, intrigué. Je suis désolé, je ne vous avais pas vu.
— Moi aussi, je ne vous avais pas vu, dit le jeune homme en souriant doucement comme s'il lui avait raconté une histoire drôle. Excusez-moi. »
Le jeune homme se recula légèrement et le contourna par la gauche avant de s'éloigner, une main posée délicatement sur le mur à sa droite. Guillaume le suivit des yeux un moment avant de hausser les épaules et de continuer son chemin.
***
Il le revit plusieurs jours plus tard lorsqu'il passa près de la bibliothèque de l'hôpital où il travaillait maintenant. Il le vit à travers la vitre transparente regarder fixement devant lui sans faire un seul geste et il se demanda ce qu'il pouvait bien être en train de faire. Poussé par la curiosité, il s'approcha de la vitre et l'observa attentivement. Il vit avec stupeur qu'il avait un livre posé sur la table devant lui et qu'il avait une main posée par dessus celui-ci, suivant les phrases du bout des doigts. Du braille, pensa-t-il soudain, en compréhension. Le garçon était aveugle ? Il resta un instant à l'observer en silence et vit qu'en effet, il lisait en déchiffrant des caractères écrits en braille. Il tourna les talons, subjugué par sa découverte.
***
« Aurélien, lui dit la jeune infirmière en mâchant vulgairement son chewing-gum.
— C'est son nom ? demanda-t-il, un poil anxieux.
— Ben je sais pas, mais je suppose que tu parles de lui. On l'a admis ici il y a quelques semaines, en vue d'une opération, expliqua la jeune femme en regardant ses ongles.
— Une opération ? répéta Guillaume, curieux.
— Oui, afin de réparer ses yeux. Tu vois ?
— Mais... Il est aveugle, non ? demanda Guillaume d'un air confus.
— Ben ouais, lui répondit-t-elle en haussant les épaules. Mais on a fait des progrès dans la matière, hein. Pourquoi tu demandes après lui ?
— Euh... Je sais pas trop... Parce que je l'ai rencontré au détour d'un couloir. Je lui ai foncé dedans.
— Ah ouais, chaud. » répondit seulement la jeune femme en rigolant et il lui sourit nerveusement avant de tourner les talons.
Il ne savait pas bien pourquoi mais il était complètement fasciné par ce jeune homme aveugle depuis qu'il l'avait rencontré pour la première fois. Il décida qu'il devait essayer de lui parler.
***
Il entra prudemment dans la chambre qu'on lui avait indiquée comme celle d'Aurélien et fit quelques pas à l'intérieur avant de s'arrêter, l'apercevant en train de lire comme la dernière fois. Il s'approcha doucement de son lit et Aurélien tourna la tête vers lui, l'ayant sûrement entendu.
« Euh... Bonjour... » le salua-t-il ne sachant pas vraiment comment entamer la discussion, embarrassé.
Aurélien ne répondit rien, attendant sûrement qu'il développe et il se mordit la lèvre.
« Je m'appelle Guillaume, se présenta-t-il. Je suis nouveau dans cet hôpital et à partir d'aujourd'hui je vais venir toutes les semaines regarder l'avancement de votre vision. »
Il vit Aurélien sourire tout à coup et il ressentit une petite chaleur dans son abdomen en apercevant ce sourire.
« Je vois... dit doucement Aurélien. C'est donc vous qui allez m'examiner ?
— En quelques sortes, oui... répondit Guillaume, troublé.
— C'est vous qui m'êtes rentré dedans il y a une semaine, non ? J'ai l'impression de reconnaître votre voix, sourit Aurélien.
— Oui, c'était moi, rougit Guillaume, gêné. Je m'excuse encore pour ça.
— C'est pas grave, rit Aurélien. Je m'appelle Aurélien. Mais vous pouvez m'appeler Orel. Et me tutoyer aussi. J'apprécierai beaucoup.
— Euh... d'accord, bafouilla Guillaume en s'approchant du lit. Pareil pour vo-toi, alors. »
Aurélien lui décocha un petit sourire et il en fut troublé. Il le vit se redresser et s'asseoir sur le bord de son lit en tâtonnant et il se positionna devant lui.
« Comment on procède alors ? demanda Aurélien. Qu'est-ce que je dois faire ?
— Juste... Je vais allumer une lumière et la faire passer devant tes yeux. Tu vas me dire si tu arrives la voir et je regarderai la direction que prennent tes yeux.
— Mmh, ok. »
Il alluma la lampe et posa une main sur sa joue pour l'aider à écarquiller les yeux. Il passa le faisceau lumineux plusieurs fois devant ses yeux avant de l'éteindre et de le regarder tristement, sa main toujours sur sa joue.
« Alors ? demanda-t-il.
— Rien, dit simplement Aurélien.
— C'est bien ce que je pensais... Nous recommencerons dans plusieurs jours. Tu as une visite pré-opération après-demain si je me rappelle bien ?
— Oui, dans le but d'entraîner ma vision. J'en ai déjà eu deux depuis que je suis arrivé ici.
— D'accord, sourit Guillaume. Alors à bientôt, Orel. Et bonne chance.
— Merci, Guillaume. Et puis... sourit doucement Aurélien. Tu es plus doux que l'ancien infirmier qui venait s'occuper de moi. C'est agréable.
— Ah ben... De rien, Orel. C'est normal... À très vite. »
Il le vit lui sourire en hochant la tête et il tourna les talons. Il se retourna une dernière fois vers lui avant de s'éloigner et le vit se frotter les yeux en soupirant. Peut-être que la lumière lui faisait mal finalement ? Signe que cela servait à quelque chose tous ces petits exercises que les docteurs lui faisaient faire avec différents infirmiers. Il s'éloigna, un fin sourire sur les lèvres. Orel.