-Je n'y arrive pas.
-Il faut que tu essaies encore.
-Je n'y arrive pas, insisté-je, et même si c'est involontaire, la colère est audible dans ma voix. Sauf que je ne sais même pas contre qui je suis en colère. Contre mon coach, qui me pousse toujours à faire plus que je n'arrive à faire, ou contre moi, moi qui n'arrête pas de me blesser, moi qui n'ai pas joué depuis des mois parce que je me suis blessé avant même que la saison ne commence.
-Très bien, on arrête pour aujourd'hui, décide Jason, et je me ne me fais pas prier pour ramasser mes affaires et filer vers la douche.
Mais quand je reviens, plus de vingt minutes plus tard, Jason m'attend, et je sais avant même qu'il n'ouvre la bouche qu'il va me faire des reproches.
-Écoute, Alec...si tu veux revenir sur les terrains, tu dois te donner à fond dans la rééducation.
Je ne réponds pas, et il soupire.
-T'as pas pu jouer un seul match cette saison, ton équipe a besoin de toi. T'es leur capitaine.
-Ils vont devoir s'habituer à vivre sans moi de toute façon, j'ai eu vingt ans et ça s'appelle pas "u19" pour rien.
Jason soupire encore une fois : ce n'est clairement pas la réponse qu'il attendait. Lui, il voulait entendre un Alec motivé lui dire que oui, bien sûr qu'il allait se donner à fond maintenant parce qu'il voulait retourner sur les terrains. Le problème, c'est que je suis fatigué de tout ça.
-On en reparlera demain, me dit Jason, espérant sûrement que mon moral sera revenu demain, et je lui dis au revoir avant de partir. Mon chauffeur m'attend devant la porte, et une fois monté dans la voiture, je réalise à quel point le pauvre Jason n'a rien demandé tandis que moi, je lui mène la vie dure.
Dix minutes plus tard, mon téléphone se met à vibrer, et je ne suis pas surpris de voir le nom de mon agent s'afficher.
-Alec, tu as intérêt à bien dormir cette nuit et à corriger ton attitude, me dit-il, et je lève les yeux au ciel. Jason est là pour t'aider et il n'a pas à supporter tes petites remarques. Je croyais que tu étais content d'être revenu de prêt cet été.
-Je suis content.
-Alors prouve-le en te donnant à 200 % dans ta rééducation. Je veux que tu prennes une photo et je veux la voir poster sur tes réseaux ce soir avec une petite légende montrant à quel point tout se passe parfaitement bien.
Et il raccroche.
...
-Alec, tu me prêtes ta tablette ?
-Non, répondis-je sans même relever la tête vers mon petit frère, qui soupire.
-Mais tu t'en sers pas.
-Et alors ? Avec quel argent je l'ai payé ?
-Je vais le dire à ma maman, décide-t-il, et voyant que ça ne me fait toujours pas relever la tête de mon téléphone, il y court.
Je souffle et poste la photo que j'ai prise ce matin avec une légende plus que positive, qui raconte que je suis très motivé et d'autres trucs qui feront plaisir à tout le monde--mon agent, le club, et les gens qui suivent mon parcours. Comme à chaque fois, je prends le temps de liker tous les commentaires et de répondre aux gens que je connais, et en fin de compte, ça me remonte un peu le moral. Je n'arrive à rien en ce moment, mais il y a toujours des gens qui sont là, derrière moi, et qui veulent me revoir sur le terrain.
-Maman a dit que tu devais me passer ta tablette où sinon t'as pas le droit d'aller chez Amélia ce week-end.
Je le fusille du regard et lui tends ma tablette, ce qui le fait sourire.
-Merci Alec !
...
Le lendemain, je ne suis pas plus motivé que la veille.
Tout se passe bien, au début : j'arrive à faire les exercices de Jason sans grande difficulté, et je suis moins bien pénible que la veille. Mais il n'empêche qu'arrive un moment où ce que je dois faire me demande trop d'effort, et encore une fois, je n'y arrive pas.
Sauf qu'au lieu de m'énerver comme la veille, mon corps décide que pleurer est la meilleure solution à mon problème, et c'est comme ça que je me retrouve à pleurer comme une madeleine, prenant vraiment Jason de court.
Il m'apporte des mouchoirs sans rien dire, et c'est seulement une fois que je me calme qu'il prend la parole.
-Ça va aller, Alec, je sais que c'est pas facile.
-Désolé, marmonné-je, la gorge sèche, et il sourit.
-C'est rien. Je préfère ça que quand t'es désagréable, rit-il, et je ris avec lui. On s'arrête pour aujourd'hui, ok ? Tu te reposes, ce weekend, hein ?
-Ouais, ouais. Je vais chez ma grande soeur.
Il hoche la tête.
-Profite bien.
...
-Je vais faire une story.
-Encore ? râle Amélia, s'asseyant en face de moi. Tu t'arrêtes pas en ce moment.
-T'as pas Insta, qu'est-ce que t'en sais ?
-J'ai un mari qui a Insta, hausse-t-elle les épaules, attrapant la carte du restaurant. Il m'a dit que tu postais tous les jours.
-J'ai mon agent sur le dos. Il veut que j'aie l'air motivé.
-Ça veut dire quoi, ça ? Que tu l'es pas ? sourit-elle, et je hausse les épaules.
-Si.
-Alec...t'as que vingt ans tu sais, si le foot est finalement pas fait pour toi, tu peux toujours changer de voie. C'est pas parce qu'on a un frère footballeur que tu dois faire pareil.
-Je veux être footballeur. Vraiment. C'est juste difficile en ce moment. Depuis l'opération, murmuré-je, et elle posa sa main sur la sienne.
-Ça va aller. T'as juste besoin d'une motivation. D'un ikigai.
-D'un quoi ? répété-je, rigolant.
-Un ikigai. C'est la chose qui nous donne envie de se lever le matin.
-Oh, hoché-je la tête. C'est le foot, normalement, je fronce les sourcils. Pas en ce moment, je réalise tristement.
-Trouve un autre ikigai et vite.
-Pas la peine de me mettre la pression.
Mais au fond, je sais qu'elle a raison. Peut-être que si j'avais vraiment une raison de me lever le matin, je serais plus motivé et je reprendrais ma vie normale plus vite que prévu.
...
L'appartement que Amélia partage avec son mari me fascine. Il n'est pas particulièrement grand, et je n'aime pas particulièrement la décoration, mais je le trouve accueillant. Je suis probablement influencé par le fait que ma grande soeur y vit, et que je n'ai toujours pas accepté qu'elle avait quitté la maison. Je m'entends très bien avec notre petit frère--en temps normal--, mais j'ai grandi avec ma grande soeur et mon grand frère, alors sans eux, c'est différent.
Alors quand je dois la quitter, lundi matin, je suis déçu.
-Tu reviendras, fais pas cette tête, me sourit Amélia. On invitera nos deux autres frères la prochaine fois.
-Comment t'as survécu avec nous ?
-J'me demande aussi. Allez bouge-toi, ton chauffeur t'attends.
-À bientôt, je prends ma grande sœur dans mes bras, fermant les yeux.
-Salut p'tit frère. Prends soin de toi et arrête de faire chier tous ces gens qui mettent toute leur énergie à t'aider.
![](https://img.wattpad.com/cover/169954993-288-k764855.jpg)
VOUS LISEZ
IKIGAI » GEORGEN ✓
FanfictionIkigai (生き甲斐) : notre raison de se lever le matin. Ou quand May-Ly demande à Alec Georgen de l'épouser sous une de ses photos Instagram (et qu'il accepte.) janvier 2019┊février 2019.