Ever [Publication en pause]

Chapitre 1 - Il ne manque que toi

Les cartons s'empilent dans la salle à manger, mes parents ont décidé de se débarrasser du maximum d'affaires, pour tourner la page. Je ne vois pas ça de la même façon, mais je n'ai pas mon mot à dire. Je fixe l'horloge, neuf heures quarante-cinq, chaque seconde semble durer une éternité. Plusieurs inconnus traversent ma maison comme on traverserait une station de métro. Ils sont tous là pour aider, c'est ce qu'ils disent. Je suis sûre qu'ils ne connaissaient rien de lui. Qui le connaissait vraiment ?

On a décidé de donner les vêtements aux sans-abris qui vivent sous le pont en dessous de Palm Street, ils en ont plus besoin que nous. De toute façon, il n'y a plus personne ici pour les porter. La collection de DVD, qui prenait la poussière sur l'étagère en face de son lit va être vendue aux enchères. On a jeté ses cours, ses dessins ; on a donné ses livres. Le seul souvenir que j'ai de lui demeure dans le dessin que j'ai accroché au-dessus de mon lit : Il m'avait peint un lion, pour qu'il me 'protège' quand je serai plongée dans le noir.

Je rentre, dans ce qui sera appelé pour la dernière fois la chambre de mon frère. Elle est terriblement vide. Vide de sens, vide d'Amaury. Tout a été décroché : ses posters, ses dessins, tout ce qui faisait de mon frère quelqu'un de spécial. Il ne reste plus que quelques cartons ''Photos souvenirs'' ''À jeter'' ''chaussures''...

-Meili ? demanda ma mère, tu peux aider à ramener ces cartons dans le salon ? On a besoin de bras pour se débarrasser de toutes ces affaires.

J'acquiesce sans grand enthousiasme. ''Débarrasser''. Comment peut-on se débarrasser de la vie de quelqu'un ? Comment peut-on faire comme si les 17 dernières années ne comptaient pas ?

Les larmes me montent aux yeux, je ne peux pas faire comme si, comme si tout allait bien. Je ne peux pas accepter que tout sera brûlé, sans même qu'on regarde ces photos une dernière fois. La porte est fermée, alors j'ouvre le carton et prend un des albums. ''Plage 2010''. On n'allait pas souvent à la plage avec papa et maman, cette fois-là c'était pour notre anniversaire. Je feuillette et trouve une photo. C'est Amaury, avec une couronne en papier sur la tête, qui souffle ses bougies, je suis en arrière-plan en train d'applaudir. J'enlève la photo de l'album. Il y a aussi une clé USB glissée entre 2 pages. Je la prends aussi. Je prends d'autres photo, mets tout ça dans un tiroir de ma chambre et  ramène tous les cartons dans le salon.

-Prête à repartir sur de nouvelle base Mei' ?

Je regarde mon père mais ne lui réponds pas.

-Chéri, il faut être à la décharge avant 18h, il faut mettre les cartons dans la voiture, tu viens Mei' ? Demanda ma mère.

-Non, je préfère rester à la maison et faire une sieste.

Je regarde à ma fenêtre. Les Chase's ne sont pas là, les volets de la chambre de Maya sont fermés. La voiture de mon père démarre, et disparaît dans le bruit des autres moteurs de la ville de Peminton. Je regarde la rue, plutôt calme, qui débouche sur le pont de PalmStreet : Peminton est une grande ville, séparée en deux parties : Les riches, et les autres. La ville de l'ouest, est principalement résidentielle, de grandes maisons, avec d'immenses jardins. La partie Est de la ville, de l'autre côté du pont, est composés de grands immeubles, avec des appartements étroits, ou vivent souvent plusieurs générations. Cette séparation m'a toujours étonnée.

Je suis en deuxième année au lycée de Thornhill, l'école côté Ouest du pont. J'ai toujours été dans la classe d'Amaury, dans celle de Maya aussi, ma voisine et meilleure amie. Après l'événement, je ne suis pas venue les deux premiers jours, toute la première semaine, les élèves de ma classe se sont murés dans un silence imperturbable : La table vide au fond à gauche de la classe est resté en place, Am' y avait gravé son nom en début d'année avec son compas. Depuis, tout le monde refuse de s'y installer, c'est devenu, "La place du disparu" et j'ai écopée du surnom : "La sœur du disparu'": Mon frère et moi, sommes devenue le nouveau sujet de conversation de Thornhill. J'étais observée, on venait me parler pour me dire "Je suis désolée, je comprends" alors qu'ils ne comprennent rien, ils ne savent rien...