IX

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JADE

Seule au bar, je regarde Perrie s'éloigner, irritée par mes paroles mais, honnêtement, cela ne me faisait aucun effet : les gens qui ne supportent pas d'entendre la vérité, je les évite. C'est les plus dangereux. 

Au bout de quelques heures - sans doute deux, mais qui compte, pas vrai ? - et de quelques rencontres, je retourne au bar, fatiguée. A vrai dire, cette ville, qui ne me plaît pas du tout, regorge tout de même de quelques surprises. Jesy est la première d'entre elles qui me vient à l'esprit; notre amitié est devenue très forte en quelques semaines seulement, et cela fait du bien d'avoir une vraie amie, ce qui ne m'était jamais arrivé. D'un autre côté, Leigh est aussi quelqu'un que j'apprécie, même si nous parlons nettement moins. Les seules fois, nos goûts musicaux et des blagues nous ont suffit. 

Plongée dans mes pensées, je ne vois pas la blonde s'approcher à nouveau.

"Tu as raison" une vois dit derrière moi.

Je sursaute, avant de faire volte-face et de voir Perrie. Elle semble assez ivre, mais pas assez pour se ridiculiser devant ses parents. Sans demander cette fois, elle s'assied à mes côtés, commandant un verre d'eau. 

Je fronce les sourcils. 

"Em... Je sais ?"

"Pas besoin de faire la maligne" elle dit sèchement, avant de serrer la mâchoire. "Tu me fais penser à une ombre qui se faufile partout, sans qu'on puisse jamais l'attraper. T'as aussi quelque chose à cacher, sinon tu ne m'aurais pas percée à jour aussi rapidement." 

Ses paroles me transpercent alors, et je commence à me sentir angoissée. Je croise son regard, et le bleu azur de ses yeux retient les miens pendant quelques secondes. Je hoche la tête lentement et à plusieurs reprises, en faisant une tête 'bluffée'.

Je craque un sourire. 

"C'est ce que tu penses, vraiment ?"

"Tes paroles viennent de tourner en boucle dans ma tête pendant des heures" elle m'avoue, quelque peu surprise elle même. "Donc, oui, j'ai eu le temps d'y réfléchir. Et je t'avoue que tu m'intrigues beaucoup, Jade."

"Oui ?"

Elle se contente de hocher la tête.

Je sens ma gorge devenir sèche : elle est très, très belle. Et brillante. Ce qui, en réalité, n'aide pas vraiment. Pour une fois, je suis à court de réponse. Mais cela ne semble pas la déranger, ce silence, elle semble même à l'aise en son sein. 

J'essaye de m'en sortir.

"En quoi suis-je intrigante, alors ?" je demande, comme dans un souffle. 

Elle prend quelques secondes pour réfléchir, avant de dire :

"Mh, je dirais que j'ai vécu ici toute ma vie, ai côtoyé ta chère tante, Charlotte, depuis mes plus jeunes années, dans des évènements plus ou moins formels, et pourtant, je n'avais pas connaissance ni de l'existence d'une soeur ou d'un frère, ni d'une nièce. Et voilà que tu débarques ici, seule, alors que tu viens sans doute d'une grande ville ou personne ne connaît ton nom, j'en déduis que, soit tu as pété les plombs ou fuit quelque chose, soit perdu quelqu'un de cher et t'es vue condamnée à venir ici, ou les deux, tout bonnement."

Impressionnée, je dis seulement :

"Mes parents sont morts il y a un mois et demi, d'où mon arrivée dans ce bled. Bravo, tu m'as percée à jour, satisfaite ?"

Elle baisse les yeux un instant. 

"Toutes mes condoléances, Jade. Sincèrement" elle avance, avant d'ajouter : "Et non, pas satisfaite, car, depuis ce soir, tu es devenue mille fois plus intéressante, mais à la fois difficile à déchiffrer."

Peu sûre de ce que cela voulait dire, je demande simplement :

"Et toi alors ? Est-ce que j'avais raison, tout-à-l'heure ?"

Je sens de la peine dans ses yeux - première fois qu'autre chose que du dédain ou de l'énervement les traverse - et regarde mes mains à la place. Elle pousse un long soupir, redressant son regard sur moi. 

Ma bouche se fait sèche. 

"Absolument." elle avoue, secouant la tête. "Ma famille est un cauchemar."

"J'ai l'impression que c'est un mal-être encore plus profond" je dis, pensive. Elle semble une fois de plus mal à l'aise, comme si ses genoux flanchaient lentement. "J'ai l'impression de le voir dans tes yeux."

"Sans doute parce qu'ils sont le miroir de l'âme, à ce qu'on dit" elle lâche, pensive à son tour. 

J'esquisse un sourire.

"Yves Le Guern" je cite. 

Perrie me lance un ultime regard, souriant malgré elle, avant de me dire d'une voix neutre et presque douce :

"Au plaisir de te revoir, Jade."

Ceci dit, elle fait volte-face et rejoint ses parents. Je la regarde s'éloigner, pensive une fois de plus : voilà ce que cette fille me fais faire, penser. 

Je fronce les sourcils. 

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