La danseuse

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(Je l'ai écrite en écoutant "Burn" d'Elie Goulding :))

Longueur imposée : Fiction soudaine (750 mots)

Mot du jour : Danse

C'est son moment préféré. Se mettre en position, le dos droit, la tête haute, attendre que le rideau se lève. Sentir ce nœud au creux de son ventre qui voudrait nous faire quitter la scène pour nous réfugier loin de ces centaines de visages qui nous fixent ; mais elle n'a pas envie de quitter la scène. L'excitation est bien trop grande. La lumière braquée sur elle est comme une protection face aux spectateurs. Elle ne voit que des taches blanches étincelantes. Elle n'entend que la musique.

Lorsque celle-ci démarre, plus rien n'existe. Son corps sait ce qu'il doit faire, elle connaît les pas, les mouvements de ses bras par cœur. Elle ne fait qu'un avec la scène, le décor, la musique. Elle évolue, gracieusement, en rythme avec les autres danseurs. Les spectateurs ne prêtent alors plus l'oreille à ce qu'ils entendent, leur regard est fixé sur elle. Ses mouvements sont rapides mais souples, précis mais délicats. Elle ressemble à une flamme dansante au milieu d'un amas de bois. Tout ce qu'elle touche, tous ceux qu'elle approche, s'embrasent aussitôt.

Quand elle tourne sur elle-même, le temps semble aussitôt se suspendre. C'est ce qui l'a rendu célèbre. Le nombre de tour qu'elle peut effectuer sur pointe sans être déstabiliser est impressionnant. Le regard figé au loin, un sourire inaltérable sur le visage, elle nous emporte dans un tourbillon ardent.

Elle ne fait pas simplement partie de la scène, elle domine la scène. Elle domine le moindre élément présent avec elle sur la scène. Les autres danseurs ne sont là que pour mettre encore plus avant l'incroyable facilité avec laquelle elle enchaîne chacun des mouvements. Même son costume semble glisser sur sa peau finement sculptée comme une goutte d'eau sur une feuille. Lorsqu'elle pose enfin le pied au sol après son dernier tour, son regard se pose sur le public, ensorcelé. Ses yeux sont doux, son visage est fier, son cœur est heureux.

La danse est sa vie. Rien au monde ne lui procure plus intense satisfaction que de monter sur scène et danser, danser à en perdre haleine, à en perdre la tête. Le monde se fige autour d'elle en cet instant, plus rien n'existe, même la musique ne lui parvient plus. Elle se sent comme les petites danseuses des boîtes à musique : sa fonction, son but est de danser. Son corps est fait pour ça. C'est comme un feu qui la consume dans son entièreté. Mais au lieu de la brûler, ce feu fait battre ses ailes.

Son rêve est de monter sur les plus grandes scènes du monde, d'interpréter les plus grands rôles de ballets et un jour peut-être, elle montera sa propre école de danse et créera à son tour de somptueux spectacles dansants. Ce désir de se révéler au monde entier brûle en elle comme le feu dans le foyer d'une cheminée.

Le final. Un seul faisceau de lumière l'éclaire. Ses mouvements sont toujours aussi doux, aussi légers. Elle donne l'impression de ne pas subir les lois de la gravité. De nouveau sur pointes, elle défait lentement son chignon et commence à tourner, doucement d'abord, puis de plus en plus vite. Ses cheveux tournent autour d'elle, sans la gêner. La salle retient son souffle. Elle va dépasser son propre record. Encore un tour...

Elle pose enfin le pied à terre, toujours aussi gracieusement, un immense sourire sur le visage. Le public ne peut qu'applaudir. Les autres danseurs aussi. Ses cheveux tombent en cascade sur son visage brillant, ses yeux pétillent d'excitation. Elle est essoufflée, mais ce qu'elle vient d'accomplir en valait la peine. Le rideau se baisse lentement. Les lumières se rallument dans la salle. Tout le monde est debout, ne cesse d'applaudir. Certains sifflent d'admiration. Des petites filles en tutu tirent les manches de leurs parents, elles aussi veulent devenir comme la jolie dame.

Lorsque les danseurs viennent tous saluer le public, c'est elle qui rayonne le plus. On devine que, si son regard est posé sur les spectateurs, son esprit est déjà loin. Elle est probablement en train de penser à son prochain spectacle, à la prochaine scène qui l'accueillera.

Tous quittent définitivement la scène et la salle se vide petit à petit. Le silence revient progressivement. Elle revient s'asseoir sur le devant de la scène, observant l'immense salle vide. Elle se promet qu'un jour, elle remplira des salles encore plus grandes que celle-ci. Et elle leur montrera qu'une étoile n'a pas besoin d'être accrochée dans le ciel pour briller aussi fort que le soleil.

100 jours d'écritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant