11 juillet 2024 | WESTBROOK, TOME 1 : Ton sang est le Mien

IV - Jayla

[ Oh Woman oh Man - London Grammar ]

Quelques jours plus tard, j'ai décidé de sortir un peu de chez moi pour profiter un peu du soleil et découvrir les établissements du coin.

Au programme: aller au restaurant, puis à la bibliothèque emprunter un livre, chercher les offres d'emploi, me promener, peut-être même aller me baigner, il faisait très chaud depuis quelques jours. C'est donc ce qui m'a conduite à midi à Smithfield, près de Rushmere, au Wharf Hill Brewing, une brasserie que j'avais vue en arrivant, un peu "écossaise" sur les bords. Oui, tout ce qui avait des briques, et qui était à la fois vert et rouge, était écossais pour moi.

En entrant, je fus happée par l'esprit détendu de l'endroit et la rumeur des voix, mes baskets foulant le parquet neuf de l'établissement visiblement rénové depuis peu. Si j'arrivais à me détendre et occulter ces visages qui m'observaient avec curiosité et cette gêne d'être seule dans un endroit où tout le monde, visiblement, était venu accompagné, alors la première partie de mon plan qui visait à me faire accepter dans cette région serait déjà de la tarte, si je pouvais m'exprimer de cette façon.

Aller, Ly. Tu as vécu pire.

- Une table pour une personne?

Je me tournai vers la rouquine dont les cheveux longs étaient ramenés en un chignon qui me souriait avec son calepin dans ses mains. Elle était vêtue d'un t-shirt blanc, d'un tablier et d'un short noirs. Une sobriété qui s'accordait avec l'endroit branché, sans être trop branché justement. Ce genre très décontracté qui donnait envie de revenir. Je lui souris à mon tour et rougis, brièvement gênée, parce que c'était l'une des premières personnes à qui je parlais en face à face plus de deux minutes. Je la trouvais également jolie et elle semblait aussi l'être de l'intérieur. Mais comme je ne la connaissais pas, je n'allais pas conclure d'opinions hâtives.Je m'étais déjà suffisamment fourvoyée dans le passé. Je me méfiais de tout le monde. J'avais promis à Reed de l'être un peu plus.

- Oui.

- Suivez-moi.

Elle me conduisit à une table en bois de forme carré où se trouvaient une serviette bleue, des couverts, un verre et une chaise. Il y avait des gypsophiles dans un vase allongé et des livres, de la littérature anglaise et américaine encastrés dans le mur.

Bon. Je vais revenir.

- Je vous laisse regarder ce qui vous fait plaisir.

Elle me tendit la carte. Sur son badge, inscrit à la craie sur une ardoise, je vis son nom: Jayla Briain.

Je la pris et lui souris. Je la vis ensuite s'éloigner auprès d'une autre table, une famille qui avait l'air de la connaître. Et lorsque je levai les yeux dans la salle, je me rendis compte que plusieurs familles se connaissaient dans cet endroit et discutaient entre elles. Des enfants chahutaient dans le fond de l'établissement. Des ados en groupe se parlaient à travers les banquettes. C'était peut-être et sans doute parce que Rushmere n'avait rien d'impressionnant en terme de superficie, et que le village voisin, Smithfield était tout aussi insignifiant. Je la vis complimenter le dessin d'un petit garçon mais aussi lever les yeux au ciel quand un homme d'une vingtaine d'année ricana lorsqu'elle passa près de lui sans se montrer pour autant vindicatif.

Tout le monde se connaissait-il vraiment ici?

Je décidai de regarder les plats de la carte, histoire de me dire que je l'avais regardée.

J'aimais bien cette ambiance. Le bourdonnement des conversations, les exclamations parfois vives, l'odeur alléchante provenant des cuisines, cette musique de fond, ce genre de liberté si bonne. Autrefois j'étais serveuse, alors je servais les autres, je ne prenais pas beaucoup de temps pour m'asseoir, je n'étais pas là pour ça mais je faisais attention à bien des détails. Je me rappelle que j'appréciais l'échange...jusqu'à ce que je devienne serveuse au club. Parce qu'être serveuse dans un club de bikers était bien différent que de l'être dans un bar comme un autre.