Chapitre 1

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La pièce était plongée dans le noir, d'un froid glacial et presque vide. Les murs, le plafond et le sol étaient d'un lacté tous neuf, et de mêmes nuances. Dans cette chambre trônaient seulement un lit, une commode de trois tiroirs, et une table de chevet blanc. Aucune couleur différente ne se trouvait présente pour donner un peu de réconfort, de chaleur et de vie. Cela était exactement ce que voulait la propriétaire de cet endroit.

En parlant de celle-ci, elle gisait sur son matelas avec une couverture remontée jusqu'à ses épaules depuis deux jours. Une serviette pliée en quatre était placée sur son front. Son visage demeuré toujours aussi ferme, malgré le fait qu'elle était endormie. Sa chevelure brun cachou perdait peu à peu sa coloration, devenant ainsi plus fade.

De l'autre côté de l'appartement se situait le salon. Deux adultes étaient assis autour d'une table ronde en bois sombre. L'un avait tout juste trente ans. Il possédait une crinière ténébreuse, des iris bleus, un nez en trompette, et un teint assez blanc. Sa carrure paraissait imposante en étant habillée en un homme d'affaires avec son costard.

Sa femme âgée de vingt-sept ans à peine, avait un chignon d'un brun bistre, et tombant. Son nez grec était légèrement rouge à force de se moucher. Sa peau, prise d'une pâleur due à sa fatigue, s'accumulait durant ces deux jours, et ses yeux gonflés trahissaient les dernières heures à pleurer au pied de sa sœur.

Remarquant que la grande aiguille se rapprochait du douze, Marc se leva de sa chaise et se dirigea vers sa bien-aimée.

« – Je dois y aller ou je risque d'être en retard, commença-t-il. Repose-toi, Élisée va revenir demain, et elle n'aimerait pas voir sa mère dans cet état-là.

– Si elle ne s'éveille toujours pas, comment va-t-on expliquer ce qui se passe ?

– Audrey se réveillera. Le médecin l'a confirmé. Faisons-lui confiance, d'accord ? »

La jeune femme fixa son conjoint d'un air mélancolique et hocha sa tête lentement. Son mari déposa un tendre baiser sur ses fines lèvres et il partit pour son boulot.

Son épouse se redressa et se dirigea dans la chambre de sa frangine, endormie depuis déjà deux jours. En ouvrant la porte blanche, elle aperçut directement le lit de celle-ci dans le coin en face. Elle balaya la pièce sombre du regard et soupira.

Elle s'avança vers l'unique fenêtre à la française présente et tira les rideaux afin de laisser passer les premiers rayons du soleil. Cela illumina aussitôt cet endroit où quelques minutes auparavant, tout était obscur.

Elle prit ensuite place aux côtés de la malade et saisit sa main droite et pâle.

« – Je suis si désolée, grande sœur, déclara-t-elle peiner. Cela doit être... si compliqué pour toi de vivre avec ce fardeau. Si... si seulement ils étaient encore en vies..., elle commença à sangloter. Ils me manquent terriblement. Lucien, maman et papa... »

La dextre d'Audrey se resserra sur celle d'Angela. Elle ouvrit ses paupières, lentement et avec difficulté. Elle avait l'impression d'avoir des étourdissements, et un coup de froid la fit frissonner malgré l'épaisse couverture qui la protégeait. Elle s'humecta sa bouche toute sèche et prononça d'une voix très étouffée :

« – Ne pleure pas. Je suis là, moi. »

Elle essaya de se relever afin de s'asseoir et s'adosser contre l'en-tête du lit. Elle avait peu d'énergie, et c'était à peine si elle pouvait sourire ou se mettre en colère. C'est seulement avec l'aide de la benjamine qu'elle réussit.

« – Je... suis désolée pour tous les torts que je vous cause, s'excusa la malade.

– Pourquoi as-tu encore fait ça ? demanda la jeune mère.

– Je... voulais juste vous protéger...

– Nous protéger ? répéta-t-elle en fronçant des sourcils.

– Pour une fois, fait réfléchir ton cerveau, lança Audrey dans le but de la taquiner. »

Celle qui avait la crinière bistre foudroya du regard sa sœur qui se moquait d'elle. À force de rire, elle lâcha une grimace. Ses iris se revêtirent en une nuance bleutée et sa chevelure céda à un azur clair.

« – Tu devrais te conduire plus comme cela. Ça illumine ton visage.

– Merci. Si seulement je le pouvais sans risquer de me faire... »

Elle s'arrêta, baissa sa figure, et se mordit la lèvre inférieure. Ses yeux devinrent noirs et sa tignasse prit une teinte aile de corbeau.

« – Audrey..., souffla la benjamine.

– Je vais bien, la benjamine releva sa face. J'ai faim ! Elle changea de sujet avec une voix éclatante. Tu pourrais me faire du porridge s'il te plaît ? »

Angela hocha la tête et sortit de la pièce. Elle jeta un dernier regard à sa sœur qui se forçait à sourire. Elle s'inquiétait énormément de son état, et de ce qui pourrait lui arriver.

Une fois la porte fermée, celle qui se trouvait toujours assise sur le lit fixa le ciel bleu à peine nuageux de l'été. Elle perdit aussitôt toute trace de joie, et de la tristesse envahit sa mine.

Le violet prit la place du noir dans ses iris, et la lilas remplaça celle de l'aile de corbeau.

Les deux femmes avaient passé le reste de la journée à dormir, récupérant peu à peu de la force.

Lorsque le soir arriva, l'homme de la maison pénétra dans sa demeure. L'odeur de la nourriture vint lui chatouiller les narines. Son ventre vide gargouilla simultanément dû aux gaz qui s'y trouvaient.

Son épouse se tenait dans la cuisine tandis que sa belle-sœur était assise sur le canapé beige du salon, lisant pour la énième occasion un ouvrage classique de Maupassant.

« – Je vois que tu te sens mieux par rapport à ce matin, remarqua-t-il en prenant place à ses côtés.

– Je t'arrête tout de suite, elle ferma son bouquin et fixa son beau-frère. Je sais où tu veux en arriver. Si c'est dans le but de me dire encore la même chose que la dernière fois, tu peux directement aller ailleurs.

– Je commentais juste ce que je percevais, se défendit-il. N'empêche... ça t'apprendra à cacher tes émotions alors qu'il y a de lourdes conséquences. En espérant que tu ne commets plus cette erreur pour la troisième fois, dit-il en souriant de toutes ses dents.

– Tu... ! »

Ses cheveux se changèrent en un écarlate et ses iris en rouge. Elle brandit le livre en direction de celui-ci, prêt à le frapper. Cependant, il anticipa sa réaction et s'enfuit en courant vers le seuil de la pièce et la nargua.

« – Dommage pour toi ! Il tira sa langue. Mais..., continua-t-il d'une expression plus sérieuse, écoute-nous un peu. On dit cela, car on s'inquiète pour toi, et on ne veut que ton bien. Après tout, nous sommes une famille, et nous devons nous entraider, n'est-ce pas ? »

Audrey se sentit touchée par les paroles de Marc. Comme pour approuver les pensées de la jeune femme, ses cheveux prirent une nuance des mers du sud et ses yeux devinrent un mélange de bleu et de vert. Un sourire de soulagement apparut sur le visage du trentenaire et il s'éclipsa dans la cuisine pour couvrir sa conjointe de baisers.

Elle resta un certain moment à fixer le vide avant que son smartphone ne la prévienne d'un nouveau message. Elle le déverrouilla et le lut. Aussitôt, elle fronça des sourcils ; la couleur rougeâtre reconquit les iris et sa crinière se changea en un degré de grenadine.

« – Impossible, chuchota-t-elle éperdue. »

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Si vous voyez un quelconque problème, merci de me prévenir. Je ferai en sorte de changer le plus rapidement possible.

Lyce Hionha

Le Syndrome du ChapelierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant