Au delà de tes yeux

Chapitre 3

Chapitre 3 – PDV Sam

Pendant un instant, un bref instant, je perdis de vue ma mission et la raison pour laquelle j'avais les lèvres de ce garçon sur les miennes. Un seul instant qui avait bien failli détruire mes chances de liberté. Sa main glissa sous mon manteau et je le repoussais. Brutalement. Un peu plus et il mettait la main sur mon arme et s'en aurait été fini. J'aurai été obligé de l'abattre, là, comme un chien. Comme je l'avais fait de si nombreuses fois, avec de si nombreuses personnes. Je revoyais encore leur sang couler sur le sol, accompagné de l'odeur acre qu'il dégageait. Je revoyais la vie disparaître de leurs yeux alors que leurs corps étaient encore chauds.

- Sam ? T'es avec moi ?

Revenant à la réalité, j'aperçus Ethan me fixait avec inquiétude.

- Je... Désolé, ça va un peu trop vite entre nous.

Il s'écarta de moi, et je me détendis.

- Désolé... Je sais que je n'aurais pas dû mais comme hier tu...

- Je quoi ? M'énervais-je. Il n'y a rien entre nous et il n'y aura jamais rien !

- Je vois... Tu es ce genre-là de mec.

- Quel genre ?

- Le genre à ne pas assumer ce qu'il ressent vraiment. On est attiré l'un par l'autre. Je ne te parle pas de sentiment, mais d'attirance physique !

- Je n'ai ni l'un, ni l'autre !

- Bien !

Il m'écarta sans douceur de la porte, l'ouvrit et sortit en prenant bien soin de refermer violemment derrière lui.

Je fus tenté de le rattraper. Pour le bien de ma mission, c'est ce que j'aurai dû faire. Pourtant, je restais planté là, fixant bêtement ma porte d'entrée. Je ne cessais de me répéter que c'était ma dernière mission, la toute dernière, et je pourrais enfin être libre. Libre d'aller où je veux, de faire ce que je veux. D'aimer qui je voulais... Fermant les yeux, le visage, qui me hantait depuis des années, apparut devant mes yeux. Si j'avais su pleurer, je me serai sûrement effondré sur le sol de marbre froid. Mais aucune larme ne venait. D'aussi longtemps que je me souvienne, je n'avais plus jamais pleuré. Pas depuis ce jour-là. Ce jour où tout a basculé...

Lorsque l'alarme de mon portable se mit à sonner, je l'éteignis instantanément. J'étais installé à la table du salon de la maison. Cette maison qui ne m'appartenait pas. Ni à moi, et encore moins à mes parents. Je souris à cette idée. Pour ça, il aurait déjà fallu que j'en ai. J'avais reçu l'ordre de venir vivre ici. On m'avait donné de faux papiers, une fausse identité. J'avais appris par cœur une vie inventée de toutes pièces par mes supérieurs. Une vie qu'ils avaient minutieusement inventée au détail près. Il ne fallait rien laisser au hasard, disaient-ils. A côté de ça, j'avais pour ordre de me fondre dans la masse, de me faire le plus petit possible. Ethan avait tort de dire que ma façon de m'habiller attirait le regard. Aux yeux de tout le monde, je passais pour un looser. Et personne n'avait envie d'approcher les loosers. Sauf lui apparemment... Mais pour le coup, c'était plutôt une bonne chose...

Flash Back – 3 mois plus tôt

Immobile au centre d'une pièce sombre, éclairée par une seule petite fenêtre dégageant un faible faisceau lumineux, les bras le long du corps, j'attendais les ordres. Voilà à quoi se résumait ma vie. Le visage masqué, un homme me tendit la photo d'un adolescent. Approximativement, il devait avoir dans les 16/17 ans. Mon âge...

- Ethan Vassingeur. 17 ans. Né à Horsens au Danemark. Son père, Erick Vassingeur, travaille en tant que concepteur de centrale hydraulique. Sa mère, Sofia Hernandez, est directrice au lycée de son fils. Lorsque Ethan fut âgé de 5 ans, ils partent vivre à la Nouvelle-Orléans. Ils n'y resteront que 5 ans. Aujourd'hui, ils vivent à Whitehorse, au Canada. Les parents sont en instance de divorce. Visiblement, l'homosexualité de leur fils a eu raison de leur mariage. M'annonça l'homme au visage masqué.

Je lui fis un signe de tête pour lui signifier que j'avais compris et enregistré les informations qu'il m'avait transmises.

- Que dois-je faire ? Demandais-je.

- Ethan Vassingeur détient des informations qui nous intéresse et dont il est vital que nous récupérions. Gagne sa confiance. Fais-toi aimer de lui s'il le faut, mais ramène nous ces informations. Ensuite, élimine toute la famille. Il ne doit rester aucune trace de la famille Vassingeur.

- Compris.

- Et comme d'habitude, tu ne...

- Poses pas de question. Le coupais-je. Oui, je sais.

Présent

Oui, je savais. Combien de personnes avais-je fait exécuter pour la seule raison qu'on m'en avait donné l'ordre ? Je n'avais peut-être que 17 ans, mais j'avais plus de sang sur les mains que quiconque. Il y avait des jours où je n'arrivais pas à me regarder dans une glace, mais lorsque je trouvais le courage de le faire, tout ce que je voyais c'était un inconnu. Un être froid, dénué d'âme. Mon alarme sonna une deuxième fois. Je jetais un rapide coup d'œil à l'écran de mon téléphone : 8h30. Il était temps que je m'en aille. C'était la rentrée, et arriver en retard attirerait l'attention sur moi, et ça, ce n'était pas envisageable. En attrapant mon sac de cours, je sortis dans l'air froid de l'hiver. La neige avait entièrement recouvert le sol et la température avait chuté de plusieurs degrés en quelques jours, passant largement au-dessous de 0°. Pour moi, ça n'avait pas grande importance, on m'avait entraîné à résister aux températures les plus extrêmes. J'arrivais au lycée une vingtaine de minutes plus tard. Désireux de maintenir le plus possible mon anonymat, je ne prenais pas le bus et faisais le chemin à pied. Cela me permettait également de réfléchir à la suite du plan. Depuis notre dispute, je n'avais pas revu Ethan. C'était il y a une semaine... Autant vous dire que mes supérieurs n'étaient pas très satisfaits. Il fallait donc que je me rattrape et que je leur donne des résultats rapidement. Rejoignant la salle de cours, je le cherchais des yeux. Absent. Je m'installais au fond de la classe, et attendis. Les élèves arrivèrent les uns après les autres, mais aucune trace de lui. N'arrivait-il donc jamais à l'heure ?! Visiblement, être le fils de la directrice avait ces avantages. Le professeur commença son cours ( un cours d'histoire des plus ennuyeux), alors que je fixais toujours l'entrée. S'il ne venait pas, je n'avais rien à faire ici, mais comment partir sans attirer l'attention sur moi ? Non, j'étais coincé ici. Il n'y avait pas de solution... Je serrai les poings. Vivement que je colle une balle entre les deux yeux de ce mec et que je puisse reprendre une vie normale, ou à défaut, une vie sans cadavre. Perdu dans mes pensées, je ne m'aperçus pas immédiatement que l'attention de la classe n'était plus portée sur le professeur mais sur le nouvel arrivant. Je haussais les sourcils. Le cours avait commencé il y avait une bonne demi-heure mais il osait tout de même se pointer, un sourire moqueur accroché à ses lèvres. Il tapa dans la main de son meilleur ami, deux rangs devant moi, avant de s'installer à la table à côté de lui et de lui murmurer quelque chose. Si je n'entendis pas leur conversation, je le vis se retourner vers moi. Il me lança un regard de dégoût mais alors que je pensais qu'il détournerait ensuite les yeux, il n'en fit rien.

- Vassingeur ! L'interpella le professeur. Vous arrivez en retard, vous ne prenez même pas la peine de vous excuser (il m'enlevait les mots de la bouche), la moindre des choses serait que maintenant vous me faisiez au moins face, à défaut d'écouter mon cours !

Ethan me fit un sourire mauvais et je me tendis. Je sentais qu'il allait faire quelque chose qui risquait de compliquer quelque peu ma mission.

- Désolé, Monsieur, mais les odeurs dégagées par le nouveau me dérange !

Sa remarque fit rire la classe alors que je me retenais pour ne pas réagir. En temps normal, ta remarque n'aurait fait que te mener immédiatement au cimetière, pensais-je.

- Vassingeur ! Le rappela à l'ordre le professeur. Tu ne crois pas que tu t'aies assez fait remarquer cette année ?!

- Désolé, Monsieur. S'excusa-t-il.

Cependant, il n'y avait aucune sincérité dans sa voix. Il me jeta un dernier regard de dégoût avant d'enfin se retourner. Si le cours repris ensuite normalement, le mal était fait. Il avait attiré l'attention des autres sur moi...