Chapitre 4

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Héléna se saisit de sa cape et se la drapa sur les épaules. Elle jeta à peine un regard à son reflet dans la glace qui ornait le mur de sa chambre et marcha d'un pas déterminé vers la porte d'entrée. Elle sortit sur le parvis et fit mine de clore la porte, mais elle se ravisa et passa sa tête dans l'entrebâillement pour s'exclamer :

- Mère, je sors !

Sans attendre la réponse de celle qu'elle avait interpellée, elle sortit définitivement et se rendit d'un pas leste à la forêt, se retenant à grand-peine de courir, malgré son impatience de démêler le vrai du faux. À n'en pas douter, un tel comportement aurait suscité à son égard une méfiance accrue des villageois... Voire même une certaine suspicion. Mais une fois pénétrée sa chère forêt, ses craintes se dissipèrent, et elle parcourut au pas de course le chemin qui la séparait de son vieil ami.

Celui-ci en vue, elle ralentit le pas et inspecta attentivement le tronc à sa base, cherchant quelques plants de menthe. Elle avait peu d'espoir mais, après tout, elle ne perdait rien à essayer, pensait-elle. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle trouva contre toute attente l'objet de ses recherches ! Un petit parterre de la plante odorante s'étendait sur un carré d'environ un mètre de côté, éclairé par la lumière du soleil matinal. Retenant son souffle, la jeune fille se pencha lentement vers la menthe.

Elle cueillit quelques brins de la plante et les porta à son nez pour s'imprégner de l'odeur parfumée, les yeux fermés. La forte odeur lui rappela des souvenirs, lorsqu'elle et sa mère allaient ramasser des herbes dans la forêt, celle-ci lui enseignant les vertus de chacune des plantes et la fillette s'efforçant de mémoriser chacune de ses paroles.

- Mère ? Quelle est cette cette plante ?

- Ça ? C'est de la menthe, Héléna. Tu te souviens ? Je te l'ai montrée hier.

La petite fille hoche la tête, les yeux écarquillés.

- Et tu t'en sers pourquoi ?

- Je peux utiliser la menthe pour en faire des infusions. Ces infusions servent à apaiser, et aident à dormir. Si tu veux, je t'en ferais une, ce soir.

- Oh, je veux bien ! Ça a quel goût ?

- Tu veux le savoir ? Alors, prends une feuille, comme ça, et froisse-la entre tes doigts.

Tout en disant ces mots, la mère s'était accroupie et avait illustré avec des gestes ses paroles. La fillette l'imita.

- Ensuite, poursuivit-elle, porte-la à ton nez. Tu sens cette odeur ?

La petite fille acquiesce :

- Ça sent bon !

- Et après, tu peux la mettre dans ta bouche !

Elle s'exécuta, les yeux rivés sur sa mère, puis fait une grimace :

- C'est fort !

Mais malgré cela, elle ne peut s'empêcher d'en reprendre.

Une brusque bourrasque emporta une cosse de caroubes, qui vint frapper le visage d'Héléna, la rappelant à la réalité. Elle observa le carré de terre et soupira. N'ayant emporté aucun outil pour creuser, elle se résolut à utiliser ses mains, non sans avoir auparavant déraciné avec maintes précautions les plants de menthe.

Après dix minutes passées à retourner la terre fraîche, ses ongles salis par la terre rencontrèrent enfin une surface rugueuse. N'osant croire à sa trouvaille, la rouquine entreprit de dégager l'objet du sol. Les angles libérés, il devint évident qu'il s'agissait d'une boîte. En tirant un peu, la gangue de terre céda sans effort, laissant Héléna extirper facilement le petit coffre. Elle le posa délicatement devant elle et s'assit en tailleur pour l'observer, le cœur battant.

Les rainures du bois étaient comblées par de la terre séchée, et, à certains endroits, le matériau pourrissait, s'effritant parfois. Le couvercle bombé était relié au reste du coffre par des charnières de métal doré, qui - curieusement - n'était pas oxydé. Est-ce de l'or ? s'interrogea Héléna, fascinée par le métal précieux. Elle gratta soigneusement la couche de terre durant de longues minutes, jusqu'à ce qu'il n'en reste que peu de résidus.

Malgré son apparence antique, la jeune fille ne doutait pas de sa splendeur passée. Il semblait avoir été conçu avec soin, et joliment ouvragé par un ébéniste doué ; en témoignait la maîtrise avec laquelle les arabesques avaient été gravées, sans à-coups ni dérapages. Il était parfaitement identique à celui de son rêve, à ceci près que ce-dernier était flambant neuf.

Malgré la sécurité qu'elle éprouvait dans sa sylve, Héléna avait le pressentiment qu'elle devrait plutôt ouvrir le coffre dans sa demeure. Elle recouvrit donc de terre le trou qu'avait libéré la boîte et replanta tant bien que mal la menthe qu'elle avait mis de côté, espérant dissimuler qu'elle l'avait creusée. Elle dissimula le coffre dans les larges pans de sa cape, secoua ses vêtements pleins de terre et, en se donnant l'air aussi naturel que possible, elle traversa à nouveau le village aux maisons de pierre.

Dans sa chambre, elle se débarrassa de sa cape, posa le coffre sur son lit de paille et de plumes et s'agenouilla en face de celui-ci. Elle le défia du regard.

- Voyons voir quels secrets tu renferme donc...

Ce ne fut qu'à cet instant qu'elle vit la serrure.

La Malédiction de l'OlivierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant