Chapitre 5. Violence.

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Carnet de pensées de Cassidy Greywolf.

Je veux être un harceleur. Son harceleur. Est-ce que ce n'est pas pour ça que je suis revenu ? Pour faire de ma vie un enfer. Faire de la sienne ce qu'elle aurait dû être. J'ai souhaité revenir pour le dégoûter de moi, pour qu'il puisse vivre. J'ai fait tout le contraire. Pour son bien. Parce que j'avais besoin de lui comme de l'air que je respirais.

Son visage qui s'éclaire provoque des soubresauts chez moi. Une faille dans mon cœur. Une crevasse. Un vertige. Un espoir de remonter, aussi. Faut-il le combattre ? Quand j'essaie, j'ai cette douleur dans le torse. Le mal de lui.

Autrefois, j'ai fait toutes ces conneries, en espérant que ce chaos me guérirait de lui. Quand j'y réfléchis, que je n'ai pas su saisir plusieurs chances, et pourtant, Hamilton avait insisté, persisté, à l'époque.

Il y avait les insultes des autres envers Hamilton et mon mutisme, sous le prétexte qu'il se défendait très bien face aux moqueries ou aux insultes homophobes. Une heure après les cours, nous nous embrassions. En forêt, derrière un rocher ou chez lui, comme si de rien n'était, sans qu'Hamilton m'en tienne rigueur.

Puis il y a eu le chien, cet après-midi-là. Nous nous étions isolés entre les arbres émeraude, entrelacés, quand l'animal est apparu brusquement. Un grand chien gris, efflanqué, sans race déterminée, mais surtout, blessé à la cuisse. Le sang avait souillé et collé son pelage. Il nous a suivis, tandis que nous cherchions son ou ses maîtres. Il avait probablement été perdu par un randonneur, par accident ou pas.

J'ai plongé mes yeux dans ceux de l'animal, comme pour y découvrir sa vérité. Je n'y ai vu que l'espoir d'être aidé, secouru.

— Le chien apprivoise le loup, a fait remarquer Hami avec un grand sourire.

C'était un chien sans attaches, face à un loup qui peinait à garder les siennes. Ma mère et ses rêves, si proches de ceux d'Hamilton, me manquait atrocement. Je compensais n'importe comment et Hami était le seul qui n'était pas une erreur. Qui pouvait me sauver.

Mon portable a sonné. C'était Brian. J'avais promis et je devais les rejoindre, même s'ils avaient avancé l'heure.

— Je dois te laisser, Hami.

Oh, ce regard. Je n'y lisais aucun reproche, juste le triste constat que j'allais faire une connerie. Ses beaux yeux noirs me laissaient libres de faire le bon choix. Pire que s'il m'avait engueulé. Si seulement j'avais fait passer Hami et le chien avant la bande, je n'aurais pas enclenché le reste, ni scellé mon existence à celle de connards.

Le lendemain, au lycée, Hami avait les yeux rouges et gonflés. Bien sûr, ça mettait en joie les abrutis qui se poussaient du coude. Sa sensibilité était une faute à leurs yeux. On ne console pas. On n'allège surtout pas le chagrin. Je suis rentré avec lui sans qu'on nous voie, je l'ai écouté. Hami avait emmené le chien à la clinique vétérinaire. Après les premières injections, l'animal avait eu l'air d'aller mieux. Il avait même mangé. Hami l'avait laissé pour la nuit, sans savoir que l'infection gagnerait du terrain. Au matin, le véto avait appelé pour prévenir juste avant qu'Hamilton parte au lycée. Il avait passé la journée à s'inquiéter. Il appréhendait son retour à la clinique.

— Tu es là, au moins, a dit Hamilton, sans revenir sur mon abandon de la veille.

— En fait, je ne peux pas t'accompagner ce soir non plus, ai-je avoué, et il a hoché la tête, sans répondre.

J'ai serré ses doigts. Cette main désormais paralysée, insensible. Passé, présent. Après avoir fait ce que j'avais à faire avec Cole et les autres, j'ai téléphoné à Hami en soirée. Il m'a appris que le chien allait mieux.

Dans un coeur gravé, Roman Édité, 5 chapitres disponibles. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant