« Âme vagabonde, mélancolique, chamboulée,
Temps qui gronde, esprit chaotique, des souvenirs refoulés »
La première fois qu'ils s'étaient disputés, elle était partie de chez lui en claquant la porte et en hurlant à qui voulait l'entendre qu'elle ne voulait plus jamais le revoir. Il avait couru pour la rattraper et s'était excusé pour tout. Mais têtue comme elle était, elle n'avait rien voulu entendre. Il l'avait alors pris dans ses bras, l'avait serrée de toutes ses forces craignant qu'elle ne s'échappe et lui avait susurré à l'oreille « Je t'aime mon amour, pour toujours ». À l'entente de ces quelques mots, elle s'était calmée, il dégageait une telle fragilité rien qu'à l'idée de la perdre, et elle l'avait remarqué. Ils étaient restés un moment dans les bras de l'un l'autre, sous ce beau ciel étoilé, un vent frais venant dévoiler leurs courbes. La lune était belle et rayonnante, tout comme elle.
Il reprit une clope et un verre par la même occasion. L'alcool lui brûlait la gorge, le faisant grimacer. La serveuse qui devait enchaîner les nuits de boulot pénible ne cessait de lui lancer des regards inquiets. Elle paraissait jeune, peut-être qu'elle travaillait pour payer ses études. Elle avait le visage cerné, ce qui dévoilait toute sa fatigue qu'elle avait essayé de masquer derrière une couche de fond de teint et d'un simple trait d'eye-liner. Ses cheveux, d'un noir de jais, étaient relevés en une queue de cheval. Sa frange lui retombait dans ses yeux en forme d'amende et ils clignaient très souvent. Son regard se reposait sur lui entre deux clients. Il n'avait cessé de boire depuis qu'il était assis là, sur cette chaise haute.
Dans une vie, chaque personne a le droit à son lot d'émotions. Beaucoup se trimballent une valise cadenassée beaucoup trop lourde. Et certains tentent d'échapper à tout ça en venant seul dans un bar tard dans la nuit pour noyer leurs maux. Cela permet-il réellement de tout oublier ?
La musique lui paraissait maintenant lointaine. Il n'entendait plus que ses souvenirs fredonner dans sa tête, lui rappelant qu'autrefois lui aussi était bien vivant. Il avait vu toute sa vie se métamorphoser depuis son départ, et il n'avait pas la force d'avancer. Du moins, pas sans elle.
Il avait bu plusieurs verres depuis qu'il s'était retrouvé ici, peut-être cinq ou six, à vrai dire, il ne les comptait plus. Peut-être qu'il ne pouvait plus les compter sur les doigts car il ne supportait plus cette musique assommante, ces gens heureux, cette chaleur étouffante, cet alcool qui lui donnait l'impression que le monde tournait autour de lui, cette vie dépourvue de sens... Tout se mélangeait dans sa tête : la musique, ces rires, ces voix, ses souvenirs, ... C'est les yeux larmoyants qu'il paya ses consommations et se rua jusqu'à la sortie avec beaucoup de mal.
Il sortit une clope et l'alluma, il n'en restait plus qu'une dans son paquet. Il se rappelait qu'elle détestait le voir fumer. Elle disait que ça le consumait à petits feux, c'est pourquoi il avait arrêté.
Il marchait sans destination précise, il irait là où ses pas l'emmèneraient. Il regarda le ciel, la nuit était voilée. Il rêvait d'évasion, d'un monde où il pourrait la retrouver, elle et ses beaux yeux. Il s'arrêta quelques instants, il avait des hauts le coeur. Il vomit tout ce qu'il put avant d'essuyer sa bouche avec sa manche. Il soupira tout en s'asseyant un peu plus loin. Tout cela, lui montrait qu'il était bien vivant, d'ailleurs, il ne s'était pas senti aussi vivant depuis ces dernières semaines.
La nuit s'écroulait de plus en plus sur cette ville qui avait vu ce couple naître, s'aimer, éperdument, et s'éteindre, doucement. Elle était tout pour lui et peu importe où il allait, son image lui apparaissait constamment. Elle le hantait jour et nuit. Elle était une obsession.
Il se releva, continuant sa quête.
Ses souvenirs volaient autour de lui, comme s'ils étaient prêts à s'échapper de leur cage qu'est sa mémoire. Il aimait tout particulièrement celui-là qui venait de lui passer sous les yeux. Le tout se faisait emporter par le vent.
Sa vue se brouillait de plus en plus, l'alcool qu'il avait ingurgité commençait à faire effet. Il suait, des gouttes de transpiration dégoulinaient de son front. Il se mit à rigoler sans réellement savoir pourquoi. D'autant plus qu'il n'avait pas le coeur à rire. L'euphorie sûrement. L'ivresse a tendance à rendre les gens euphoriques, du moins, il paraît.
Il ne pouvait s'arrêter de marcher. Ses jambes étaient lourdes, mais il voulait avancer, quelque chose le guidait. Comme si, à la fin de cette promenade il pourrait la serrer dans ses bras musclés et lui murmurer son amour. Peut-être finirait-il par la revoir un de ces jour ?
Ce jour-là, elle a emporté une partie de lui avec elle. Elle l'avait abandonné, laissé seul face à la vie. Il n'était plus lui même, il était là sans l'être réellement. Peut-être était-il quelque part là-haut dans ses bras ... ? Il aurait voulu vivre plus longtemps à ses côtés, respirer son air une nouvelle fois, vivre dans son coeur battant, ... Il n'avait rien oublier d'elle. Il n'arrivait pas à oublier. Elle était arrivée dans sa vie comme une claque en pleine face, et un jour, elle l'avait forcé à avancer sans elle. Chose qu'il ne voulait pas. Mais elle était décédée. Il pleurait à chaudes larmes, l'air frais de la nuit venant caresser ses joues, lui amenant un certain réconfort mais il était toujours seul...

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To fall in love
Short Story« Tout avait commencé là, à cet endroit où il errait en ce moment même dépourvu d'âme. Il perça la foule d'un pas lourd pour s'installer au comptoir. Arrivé, il demanda à la serveuse un verre d'alcool fort (...) »