Jeudi

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Deux grands yeux blancs la fixaient. La nuit qui tombait était déjà dense, mais ces halos de lumière parvenaient à la percer avec une précision presque déconcertante. C'était une journée désagréablement banale. Après cette journée accablante de travail, elle pouvait enfin ! Enfin ! Rentrer chez elle (pour travailler). Elle se demanda alors comment elle allait procéder, puis un petit rire lui échappa: est-ce que ça n'était pas le genre de choses auxquelles les gens pensaient en premier? Le ciel était d'une lourdeur étouffante, et, malgré une recherche approfondie par ses yeux, aucun nuage ne laissait entrevoir un bout de bleu. Les réverbères s'allumèrent ensuite un à un telle une symphonie magistrale dirigée par la peur. Le pas cadencé, les jambes dynamiques, elle décida d'accélérer pour arriver plus vite. Elle pouvait déjà distinguer sa maison au loin. Elle s'arrêta pour admirer le paysage: que la nuit était belle ! Le sourire aux lèvres, elle prit une grande inspiration, et continua son trajet. Distinguant le premier étage, puis la porte, pour finir par les escaliers qui menaient à celle-ci, elle fut prise d'une joie si grande que ses jambes accoururent avec une force inouïe au portail massif. Concentrant sa force sur la poignée, un grincement sonore se fit entendre. La clef tourna ensuite dans la fragile porte en bois. Elle déposa son lourd sac sur le sol de l'entrée, et se dirigea vers la cuisine. Trois pommes en main, elle en croqua une avec délectation. Elle monta a l'étage après avoir récupéré son sac, comme à son habitude. Concentrée sur son travail, elle ne vit même pas les heures passer. Elle finit alors son dernier devoir, les yeux rivés sur sa feuille. Toutes les idées étaient flouent dans sa tête, et son texte ne ressemblait qu'à un flot de mots sans aucun sens, dans lesquels elle se noyait. Elle se mit à pleurer: une unique larme coula. Les yeux hagards, la bouche tremblante, ses sens n'en restaient pas pour autant aussi affûtés qu'auparavant. Elle avait l'illusion de tout ressentir: le bruit de ses battements de cœur, de sa respiration, l'odeur de sa chambre, et même chaque particule constituant ses trognons de pommes. Elle ferma les yeux un instant, puis renifla. Tout était clair à présent. Elle se leva, déplaça sa fidèle chaise en bois, fit son sac, arrosa ses plantes, et se dirigea vers son tiroir. Celui-ci était entrouvert. En le tirant fermement, la poignée grinça, et son contenu vola sur le sol de sa chambre. Elle connaissait ses prochains gestes par cœur, tant elle les avait répétés. Elle avait finalement choisi sa manière de procéder, après de longues hésitations internes. Quand tout fut disposé selon sa volonté, elle éteignit la lumière. Un nouveau sourire illuminait son visage: Que la nuit était belle ! Elle monta sur sa chaise, et passa autour de son cou, la corde qu'elle avait préparée. Son regard était vidé de son essence.

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