Chapitre II

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« Il Magnifico »

        « Il Magnifico » C'est le nom le plus... décevant que j'ai rencontré dans ma vie pour un hôtel. Il aurait pu s'appeler « Il Maestosos » ou « Dormiamo e basta », non ? En fait, mes propositions sont encore moins originales que le nom initial. Je n'ai jamais été douée là-dedans, je ne sais même pas pourquoi je donne mon point de vue.

De toute façon, avec ce qu'il m'est arrivé depuis deux jours, je ne suis pas à ça après. J'emménage enfin dans un hôtel après avoir passé une nuit dehors. Je ne suis pas lavée, je suis pleine de poussières et cette nuit, j'ai trouvé le banc tellement inconfortable que j'ai sûrement la trace des planches de bois dans mon dos. Je n'ai rien fait pour mériter ça. Je suis irréprochable, de bonne famille, j'ai toujours respecté les règles, mais si mes parents me voyaient en ce moment, ils demanderaient sûrement à ce que je change de patronyme.

J'étais pourtant sûre de bien avoir réservé l'hôtel avant de partir et de l'avoir payé, mais non ! Je suis arrivée devant un cinq étoiles en plus, j'ai donné le numéro de la commande et on m'a dit « désolés, nous n'avons reçu aucun paiement, votre chambre a donc été réattribuée » alors que j'ai le numéro de commande ! Je ne comprends pas. Ces personnes me prennent pour qui ? Je viens d'une famille digne de ce nom ! Je ne suis pas n'importe qui à Busan, et en Italie... ah si... je suis n'importe qui ici. Ce n'est pas ça le problème. Il est sept heures du matin, je suis devant Il Magnifico et contrairement à l'autre hôtel, je le trouve pitoyable. Je sais que je ne devrais pas dire ça, mais c'est plus fort que moi. Je le répète, ma valise pèse cinq tonnes et demie, je suis même étonnée qu'on ne me l'ait pas volée cette nuit. La seule chose charmante dans cet hôtel, c'est qu'il est resté ancien, par rapport aux autres. L'enseigne rouge et dorée s'aligne bien avec la pierre claire de la façade. Au moins, les propriétaires n'ont pas mauvais goût.

Je fais des efforts pour rester calme, mais j'avoue que mes poils commencent petit à petit à se dresser. Je me vois dans le reflet de la porte en verre : au moins, ma robe bleue n'a pas bougé, mais je crains que mes cheveux soient dans un tout autre état.

Au lieu de rester plantée-là, je me lance et ouvre la porte. J'entends un grincement horrible. Ils ne peuvent pas mettre un peu d'huile ? Je m'avance vers le comptoir, une vieille dame dans la soixantaine me regarde avec de grands yeux. J'ai l'impression qu'elle me fait une grimace, elle n'a sûrement pas l'habitude de voir une telle jeune femme ici.

— Vous vous êtes perdue mademoiselle ? me demande-t-elle en pianotant sur son ordinateur.

— Hum... On va faire court ! J'ai réservé un hôtel et on m'a jetée à la porte. J'ai dormi dehors et par conséquent, il me faut un lit.

J'accélère le pas en me rendant devant le comptoir. Ma façon de lui parler est horrible, mais vu la nuit que j'ai passé, je n'ai pas envie de passer par quatre chemins. Mon porte-monnaie est déjà sorti, clairement, je peux payer à tout moment, mais je m'inquiète pour l'argent que j'ai perdu. Je suis sûre d'avoir payé, mais je ne sais pas où il est parti.

— Combien de temps voulez-vous rester ?

— Vingt-huit nuits ! dis-je en affichant un sourire béat sur mon visage.

Je suis tout excitée, je n'ai pas envie d'être jetée à la porte une seconde fois.

— Pardon ?

Elle se met à tousser plusieurs fois tout en me regardant. J'ai dit quelque chose de mal ? Ah non... ne me dites pas que je suis dans un hôtel de passage...

— Je suis désolée, mademoiselle ! Nous ne prenons pas de touristes sur une longue durée. Nous sommes un hôtel de passage où les touristes peuvent s'arrêter pour une nuit, voire trois.

[Sous contrat d'édition] Destination ItalieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant