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Ils ne disent jamais réellement le mot cancer. Ou peut-être que si, mais ce n'est qu'après avoir entendu le terme astrocytome de grade 4, ce qui est mille fois pire. Ils fixent la boîte lumineuse au mur affichant les résultats de l'IRM de Louis et il n'est certainement pas expert, mais la tâche blanche envahissant son lobe frontal n'est certainement pas censée être là et tout son corps tremble, son esprit s'excitant car tout devient plus clair. Merde, merde, merde.

Louis n'a même pas le temps de réagir avant que Harry ne prenne la parole, la voix tremblante. "Alors, quelles sont les options ?" Sa main se serre instinctivement autour de celle de Louis.

Il s'avère qu'il n'y en a pas énormément, car Louis a un cancer, un cancer incurable qui lui bouffe le cerveau et putain, depuis quand il fait si froid ici ? Il n'arrive pas à s'arrêter de trembler et tout tourne autour de lui. Le Docteur Allen parle toujours avec un sourire sombre et serré, et Louis veut lui enlever ce foutu sourire parce qu'il utilise des mots comme mauvais, mais pas sans espoir, sauf que c'est sans espoir parce que, eh bien... Il peut leur faire fouiller dans sa tête et le bourrer de médicaments par des tubes en plastique, mais l'essentiel de cette conversation est qu'il va mourir.

"C'était censé être juste des maux de tête," gémit-il impuissant, voulant disparaître quand Harry laisse échapper ce petit sanglot étouffé à côté de lui, la main enroulée autour du bras de Louis et le tirant près de lui, mais Louis récupère son bras. Il ne veut pas qu'on le touche. Sa peau le démange, comme s'il avait besoin de la retirer et de recommencer à zéro. Il veut s'enfoncer dans le sol et disparaître au cœur même de la Terre, faire partie du sol, de la roche et de l'herbe, exister partout et nulle part à la fois.

Au lieu de ça, il se lève lentement et dit très doucement : "Je crois que je vais vomir," avant de sortir de la pièce et de tituber dans le couloir blanc de l'hôpital menant aux toilettes, s'enfermant dans une cabine et tenant le lavabo en porcelaine avec des mains tremblantes. Mais il ne vomit pas. Il reste assis là, l'estomac lourd mais jamais assez pour arriver à vider son contenu et bon sang, il voudrait pouvoir parce que la peur lui tord le ventre, et il appuie son front sur le siège des toilettes.

C'est dégueulasse, mais il s'en fiche. Il a soudainement l'impression que toute trace de vie a quitté son corps et il reste assis là, immobile et sans émotion pendant très longtemps, jusqu'à ce que Harry frappe à la porte, le suppliant de le laisser entrer. Sa voix est grave et brisée et Louis sait qu'il a pleuré. C'est comme si le monde entier s'effondrait autour de lui. Quand il ouvre finalement la porte, tremblant comme une feuille, il s'effondre dans les bras de Harry.

"Ça va aller," chuchote Harry contre sa tempe, laissant des larmes couler dans ses cheveux. Louis n'est pas convaincu, mais il suit quand même Harry dans le bureau du docteur, car qu'est-il censé faire d'autre ?

Une fois installés sur les chaises en plastique inconfortables et après que Harry ait rapproché celle de Louis tellement près qu'il est presque sur ses genoux, le docteur sourit avec professionnalisme. Louis se demande à combien de personnes il a dû dire qu'elles étaient en train de mourir. Il a probablement beaucoup de pratique à en juger par son regard, mais le regard coupable dans ses yeux le trahit. L'estomac de Louis se déchire violemment.

"Donc, le traitement," recommença le docteur, croisant ses mains sur la pile de dossiers sur son bureau. "Le traitement le plus courant est la chirurgie. On peut mieux examiner la tumeur et ainsi en retirer une bonne partie, bien qu'il soit difficile de déterminer combien nous pouvons enlever de cette tumeur pour le moment."

Louis ne veut pas l'entendre. Harry écoute avec attention cependant, et Louis s'attend presque à ce qu'il sorte un stylo et commence à prendre des notes. La pensée lui donne envie de pleurer. Il prête attention de temps à autre à la conversation, trop conscient de sa colonne vertébrale qui se presse contre le dossier froid de la chaise et du fait que sa chaussette gauche ait glissé de son talon, lui laissant le pied froid et inconfortable. En revenant à la réalité, il tente désespérément de comprendre ce que dit le médecin. "-la chimiothérapie est toujours une option," explique-t-il les lèvres pincées, et le cœur de Louis remonte dans sa gorge. "Malheureusement, il a été prouvé par le passé qu'elle avait très peu d'effet sur l'espérance de vie ou même sur le confort des patients atteints d'une tumeur du cerveau."

Un gémissement se fait entendre et il faut un moment à Louis pour se rendre compte que c'est lui qui le produit.

"Encore une fois, Louis," dit le Docteur Allen, ce qui le surprend car jusqu'à présent, il ne l'appelait que Monsieur Tomlinson. "Cela ne tient qu'à vous."

"Je peux..." commença-t-il, sentant la douleur dans son ventre grandir et venir ramper dans sa gorge, comme si elle allait sortir et fermer sa bouche avant qu'il ne puisse finir, mais il continue, désespéré de faire passer les mots. "Je peux avoir quelques jours pour y réfléchir ?"

Le docteur acquiesce. "Absolument. Cependant, comme pour toutes les formes de tumeur cérébrale, le temps presse." Louis sait qu'il a vu et entendu ça cent fois auparavant. Combien de personnes décédées connait-il ? Louis se le demande. Combien de morts a-t-il annoncé ?

"Tu veux en parler ?" Demande Harry dans la voiture sur le chemin retour, les yeux rouges, se mordillant la lèvre avec inquiétude, et il tend la main vers celle de Louis. Ce dernier l'évite presque instinctivement, mais le regard blessé sur le visage de Harry suffit à le faire changer d'avis.

"Pas vraiment," marmonne-t-il, pressant son nez contre la vitre et glissant sa main dans celle de Harry. Un silence, puis : "Et le groupe ?"

"On s'en fout du groupe," lâcha-t-il et Louis rigola presque à quel point Harry ne ressemblait pas tout du tout à lui-même. "Désolé," ajoute-t-il rapidement, le regard désolé et un peu gêné. "C'est juste... tu sais. Tu es plus important."

"Ça n'a même pas de sens," grogne Louis en levant les yeux au ciel. "Ils vont pas aimer ça." Il n'a pas besoin de préciser de qui il parle. Harry sait.

Serrant la main de Louis, Harry répond, "On verra bien."


°°°


Louis fait beaucoup de recherches, faisant défiler les articles sur son téléphone ou son ordinateur de la minute où il se lève jusqu'aux premières heures de la matinée, la lumière de l'écran lui faisant mal aux yeux et ne faisant certainement rien pour soulager la douleur à sa tête.

Mais ce n'était pas comme si quelque chose allait vraiment aider à ce stade.

Et le médecin avait raison, ils ne peuvent pas faire grand-chose. Il peut prendre des médicaments pour soulager le gonflement de la tumeur et ils peuvent en retirer une partie, mais même s'il en supprime la majeure partie, il mourra quand même ; la retirer ne lui fera gagner qu'une année supplémentaire, s'il a de la chance. Une année de radiothérapie et de chimiothérapie et de visites constantes à l'hôpital, il n'en veut pas, il ne veut rien de tout ça. Il veut voir ses frères et sœurs grandir, veut acheter une maison avec Harry, veut avoir le droit de lui tenir la main dans la rue. Il veut repartir en tournée l'année prochaine, il veut voyager plus, il en veut tellement et il n'a pas le temps de faire tout ça, même avec un traitement.

La durée de vie moyenne des patients atteints de glioblastome sans traitement est de quatre mois. Peut-être cinq.

Ça effraie Louis quand son cerveau fatigué murmure, c'est plus que suffisant.

Il est tellement fatigué.

Hoping this cold blue water scrubs me clean and spits me out again[Brain Cancer]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant