Bas les crocs [Sous contrat d'édition chez Plumes du Web]

Prologue

Le premier jour, rien n'avait changé. Il y avait ces sons, ces odeurs, ce soleil. Tout paraissait si naturel...

Le quotidien n'est pas insolite, ou rarement. Il peut y avoir cette paysanne qui apporte des légumes incroyablement beaux, ou bien même ces grands guerriers qui reviennent de bataille. Il peut y avoir l'horizon obscurci par une flotte prête à accoster, un mari dans les draps de quatre hommes en même temps, mais combien de fois en une existence entière ?

Je n'avais jamais réalisé à quel point ce quotidien m'était précieux.

Mes habitudes disposaient de quelque chose de réconfortant. De la chaleur sur ma peau à la sensation de l'air qui caressait mes poumons, d'une faible douleur lorsque je tombais aux frissons que je ressentais lorsque j'avais froid. La simple préparation du repas, les nuits les plus chaudes, tout avait ce goût sucré d'une vie comblée.

La même qui pouvait prendre fin subitement, ou s'allonger pour l'éternité.

Le premier jour, rien n'avait changé. Le soleil brillait, les odeurs de soupe flottaient, les rires fusaient, les oiseaux chantaient, la mer respirait.

Mais le dixième, tout semblait plus fade. Je regardais les habitants passer dans la rue, incapable de m'y mêler, incapable de manger, un linge étendu au-dessus de ma tête. Le simple contact du soleil avec ma peau n'avait plus l'étreinte réconfortante d'avant mais celle d'une morsure empoisonnée prête à attaquer les chairs à vif.

Trouver le réconfort dans une telle existence m'était difficile. Je me trouvais étrangère à mes méfaits. Les dieux pouvaient m'en vouloir, j'avais pourtant exécuté chacun de mes rituels avec soin. Alors peut-être ma mort était-elle attendue, et que je n'avais qu'à patienter pour que, le jour où ils l'eussent décidé, mon âme leur appartînt.

Le trentième jour, je me contentais d'observer ces gens aux existences inaccessibles, du haut de l'agora de Thèbes. Leurs odeurs m'étaient plus attrayantes qu'un bon fumet, leurs peaux brillaient d'une attraction hypnotique. Je détaillais avec une douceur mêlée d'amertume leurs corps à l'apparence nouvelle, aux joyaux cachés depuis des années.

Tout me paraissait si étonnant, si merveilleux. Dans mon malheur, je trouvais la beauté cachée dont parlait Aphrodite, celle qui ne se voyait pas au premier regard. Le grain d'une peau parfaitement aérée, homogène, ces petites bosses adorables que les veines créent lorsqu'elles ont besoin de plus de pression. Ce jeu mécanique et anatomique avait fini par me fasciner au point que jamais je ne me lassais de l'observer.

Le cinquantième, je ne pouvais plus toucher un Homme sans ressentir la souplesse du sang dans ses veines, la chaleur envoûtante qui pourrait couler dans ma gorge. Chaque rayon menaçait de me faire fondre, chaque éclat de lumière de me réduire en poussière. Tout me condamnait à n'être que le monstre avide de sang qui créerait le malheur de son peuple.

Et le centième, je me mis à implorer les dieux de l'Olympe.

La malédiction qui s'était abattue sur moi m'empêchait de vivre ce quotidien tant aimé, rongeant mon être jusqu'au plus profond de mon cœur. Mes supplications désespérées ne touchaient ni Zeus, ni Athéna, ni même Hygie. J'avais été une fidèle des plus dévouées, je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. J'avais toujours pris soin d'être aussi propre qu'une perle marine, aussi élégante que le nacre des coquillages. Chaque fois que j'allais au marché, je passais par le temple pour y déposer une fleur, un peu de farine ou du vin. Ma foi n'avait pas une seule fois été ébranlée, mon cœur appartenait aux dieux et ma vie n'en était que comblée.

Mais à cet instant, la femme heureuse et rayonnante que j'étais s'était transformée en une créature de la nuit, avide de sang, que toute lumière et pureté se refusait de préserver.

Le premier jour, rien n'avait changé. Et le dernier n'arriva jamais.

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Salutations et bienvenue sur mon nouveau projet, "Bas les crocs !"

Avant d'entrer plus profondément dans l'histoire, je pose ici un avertissement : le contenu qui suivra peut heurter la sensibilité. L'histoire est classée en "Mature", et ce n'est pas pour rien. Les TW sont mis pour l'ensemble de l'histoire, vous êtes prévenus !

Comme d'habitude, n'hésitez surtout pas à me dire ce que vous en pensez, et chiper les coquilles qui me passent sous l'œil ! Elles s'échappent tout le temps... Si vous souhaitez aussi échanger de façon constructive sur nos histoires communes, n'hésitez pas à demander. Je vais avoir besoin d'avis pour pouvoir améliorer cette histoire :3

Un grand merci à Mevandil toujours fidèle au poste pour me soutenir dans la réécriture et la correction des chapitres que vous lisez ♥ (cœur sur toi)

Merci d'avoir lu ce prologue et cette petite note d'entrée ! La publication se fera deux fois par semaine, le dimanche et le jeudi. On se retrouve donc jeudi pour le chapitre 1 "Le domaine des morts" !

Votre fidèle saucisse ♥