CHAPITRE NEUF - INTERDICTION DE TIRER

42 10 5
                                    

Le pick-up filait à toute vitesse. Dans ses oreilles, Haven entendait Charlie guider Milo à travers le labyrinthe qu'était cette fausse ville. En même temps, elle surveillait les environs : son regard scannait les rues qui défilaient devant elle.

— T'es bien installée ? demanda Avery.

— J'ai connu mieux, répondit Haven en agrippant un peu plus la paroi de la plateforme du pick-up.

— Quelle drama queen, celle-là.

Haven roula des yeux et Avery rit comme si elle l'avait vu faire.

L'arme que Milo lui avait confiée se trouvait sur sa gauche : assez proche pour qu'elle n'ait qu'à tendre la main pour l'attraper en cas de besoin mais assez loin pour que son corps arrête de frissonner à sa vue. Le compteur sur son verre de lunette affichait un peu moins de huit minutes. Cela ne l'inquiétait cependant pas : Milo roulait à une si grande vitesse qu'ils arriveraient sans aucun doute dans les temps.

Quelque chose la dérangeait tout de même – une sensation si étrange qu'elle lui donna la nausée. Seul le bruit de leur véhicule rompait le silence de cette ville terne et fantôme. Elle n'entendait ni explosion ni coup de feu. Les cris de leurs adversaires avaient disparu.

— Il y a combien de soldats dans la seconde unité ?

Elle entendit les doigts de Charlie s'activer sur son clavier avant qu'il ne réponde :

— Vingt-deux. Pourquoi ?

— Milo en a affronté qu'une petite dizaine. Ils sont où les autres ?

Personne ne lui répondit. Personne n'eut le temps de le faire avant que leur véhicule dévie sur la gauche pour s'engouffrer dans une allée. L'arme posée à côté d'elle glissa hors de sa portée alors qu'elle s'agrippait à la paroi pour ne pas être éjectée du véhicule.

À la seconde où elle releva la tête, elle remarqua que deux pick-up les suivaient.

— J'ai besoin d'une nouvelle route, dit Milo avec un calme qui la déconcerta.

— À gauche à la prochaine puis tout droit. Vous êtes à quatre minutes du colis, répondit Charlie.

— Je viens en renfort ? ajouta Avery.

— Tu ne seras pas là à temps.

Des coups de feu furent tirés alors qu'elle avait encore les yeux rivés sur l'arme. Certaines balles tapèrent contre le métal de leur véhicule alors qu'elle se recroquevillait sur elle-même. Milo donna un coup de volant vers la gauche avant de faire de même vers la droite. L'arme glissait hors de sa portée avant de revenir au niveau de sa main. Elle semblait la narguer, lui dire qu'elle ne trouverait jamais le courage de la saisir pour se défendre. Et Haven avait beau savoir qu'elle devait agir, elle n'arrivait pas à se décoller de la paroi du pick-up.

Le rétroviseur gauche vola en éclat.

— On ne va pas les semer si tu restes à ne rien faire, l'interpella Milo. On n'a plus beaucoup de temps.

L'évidence dans les paroles de Milo l'agaça.

Sa main droite agrippa un peu plus la paroi alors qu'elle tentait de calmer sa respiration. Elle aurait voulu fermer les yeux pour retrouver ses esprits mais avec deux véhicules remplis de soldats armés jusqu'aux dents à leur trousse, elle n'était pas certaine de vouloir les quitter des yeux.

Haven posa sa main sur l'arme. Elle frissonna alors qu'elle combattait le dégoût qui remontait le long de son estomac. Malgré ça, ses deux mains se murent naturellement sur le métal, comme si elles avaient toujours su manipuler un tel engin. Elle développa instantanément un sentiment de répulsion pour elle-même.

Elle plaça la crosse dans le creux de son épaule, posa un genou à terre alors que son autre pied était à plat sur la plateforme. Tu peux le faire, se répéta-t-elle tout en inspirant longuement. Le canon pointé sur le soldat sur le siège passager, Haven posa lentement son doigt sur la gâchette.

L'idée n'était pas de le tuer, se rassura-t-elle, mais seulement de le blesser, assez pour qu'il ne puisse plus les attaquer. Il était hors de question pour la jeune femme de rajouter un nom sur la liste des personnes qu'elle avait tuées. Un seul et unique nom était suffisant.

Haven bloqua sa respiration et appuya sur la gâchette.

Silence.

Rien.

Absolument rien.

Sous son doigt, la gâchette était bloquée.

L'arme refusait de tirer. 

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : 20 hours ago ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Ce qu'ils cherchentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant