Comment j'ai gâché ma vie.

126 13 4
                                    

Toute ma vie, j'ai cherché à satisfaire tout le monde. J'ai essayé d'être parfaite. Toute propre, toute nette. Tout carré, tout bien droit. Un sourire permanent. Bonjour papa, bonjour maman. Alors, forcément,  quand la vie nous fais un coup de pute, on comprend pas. On analyse, on réfléchit. Alors qu'on a passé toute sa vie à dire oui. A tout accepter. Par  amour, par dépit, par faiblesse. On se retrouve seule. Abandonnée. On se rend compte qu'on vivait dans un monde en  papier maché. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, certes. Mais dans le dos, les coups de couteaux ne vous effleurent pas. Ils vous lacèrent la peau. Ils vous arrachent la vie, sans dire un mot. Vous font tomber bien plus vite que n'importe quel coup, que n'importe quelle balle, que n'importe quel souvenir. Et c'est quand on est seule, face aux murs des regrets, accompagnée par sa seule douleur, qu'on se rend compte que tout ça ne servait à rien.

On est juste une fille un peu lourde, un peu moche, un peu chiante, un peu tout. Qu'en voulant faire le bien partout,  on ne s'est amené que de la souffrance. Et que c'est de notre faute.

Alors je suis partie. Encore une fois, accompagnée de ma seule douleur, en escaladant ce mur des regrets. En oubliant tout.      

 Les gens veulent toujours se présenter. Moi aussi, avant,  je l'aurais fait. Mais plus maintenant. Plus rien à dire. Plus rien a faire. Plus rien à prouver à personne. Juste une envie de fuir, peut être fugace, mais forte. Quoique maintenant, je n'ai plus le choix. Je fuis, ou je meurs.    

Cette errance dura longtemps. Peut être deux jours, peut être deux semaines, peut être 2 ans. Je ne sais pas. Et à vrai dire, je m'en fous. Pas besoin de la notion du temps. Ça fait bien longtemps que je l'ai perdue. En même temps que celle du bien et du mal.

Je dis que j'erre sans but. C'est peut être vrai. C'est du moins la seule part de vérité que je souhaite montrer. Ou la seule que je peux montrer. A vous de choisir.

J'allume ma clope face au soleil qui se couche. Lumière rose qui s'éteint lentement. Elle fait pas de bruit quand elle meurt, elle, au moins. Les fesses contre le mur, un pied au sol, enfoncée dans une veste de cuir trop grand. Mèches bleues, faux piercing au nez. Rebelle. Ou j'essaye. Les gens qui voient ça, cherchent même pas à comprendre. Une fille paumée en plus. Qu'est ce que ça change? Encore une enfant qui a grandi trop vite, elle a accouché à 15 ans, d'un bébé au père absent. Ou alors elle est lesbienne, chassée de chez parents. Peut être qu'elle est juste là, comme ça, posée là depuis toujours, la même clope incandescente à la bouche, le même regard abattu mais fier. Au fond tout le monde s'en fout. Et ils ont bien raison. Vaut mieux pas regarder dans mes placards. Il y a de quoi avoir des cauchemars.

Juste une vie de plus.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant