Chapitre unique

96 15 1
                                    

Le vent encore chaud balançait les branches des hêtres de la forêt de Kyûbi. La cime des arbres camouflait la nuit tombante, et Baguera regardait les derniers rayons du soleil s'échapper face aux ténèbres nocturnes. Son arc dans le dos, elle avançait furtivement de branches en branches, en sécurité dans les hauteurs, permettant de voir sans être vue, de chasser sans être la proie.

Telle une ombre silencieuse, elle avançait vers ce qu'elle pensait être une biche. Les gestes de la jeune fille étaient calmes et assurés, ainsi n'avait-elle aucune hésitation à bander son arc, guettant le moindre mouvement d'une zone située plusieurs mètres plus bas. Agitées par le vent, ses mèches noires dansaient devant ses yeux rivés sur sa cible.

« Allez, montre toi... »

La chasseuse était immobile, son arc tendu, sa concentration au niveau maximum. Le gibier n'allait pas tarder à bouger, c'était certain.

Comme pour lui donner raison, un son de pas léger parvint aux oreilles de Baguera. La jeune fille ne perçut d'abord que son ombre, puis vit sa tête, et bientôt tout son corps. Ce qu'elle pensait être une biche se révélait être un cerf majestueux, avec des bois magnifiques trônant sur le haut de son crâne. Ses iris verts reflétaient le peu de lumière que permettait la nuit presque installée, et son allure fière ressortait tandis qu'il s'avançait tranquillement, sans avoir conscience de la menace planant au dessus de lui.

Un frisson parcourut l'échine de la chasseuse. Elle allait prendre la vie de cet animal sans que celui-ci n'ai eut le temps de la voir. Mais ainsi était la loi de la nature, il faut tuer pour survivre, être le prédateur et non la proie. Il ne peut y en avoir qu'un seul en vie. Et aujourd'hui, ce cerf était celui des deux qui allait mourir.

Son pouls se fit plus fort et plus rapide ; chaque partie de son corps vibrait sous le coup de l'adrénaline, son souffle lent agitait doucement ses cheveux, et son regard était accroché à la bête. Son doigt lâcha la corde, et la flèche partit.

- Mwoooooooooooooooooooooooooooooo !!!!

Le cerf avait été touché sur le museau, et maintenant se hissait sur deux pattes, hurlant de douleur.

« Manqué. »

Baguera mis sa main dans son dos, voulant attraper une seconde flèche, mais s'arrêta en voyant sa proie se ruer vers l'obscurité.

Et là, le temps paru s'arrêter.

Accroupie du haut de son hêtre, elle vit les sauts du gibier entre les arbres, ses pattes retomber avec force contre le sol humide avant de remonter en envoyant de la terre aussi sombre que le ciel autour d'elles ; elle sentit la panique de l'animal chassé passer dans son regard ; elle vit la flèche encore plantée sur son museau ensanglanté, et, portant la main à sa ceinture, dégaina un poignard et sauta.

- Mwooooooooooooooooooooooooo !!!

La bête ne se laissa pas faire, et tenta de fuir l'emprise de sa prédatrice ; en vain. La chasseuse agrippa le cou de sa proie, et lui enfonça sauvagement le poignard dans la gorge. Sa victime hurla, son sang chaud coulant le long de la lame glacée jusqu'au poignet de la fille, avant de s'écrouler lourdement sur le sol, l'emportant dans sa chute.

La chasseuse fut écrasée par le poids conséquent de la bête, et se retrouva plaquée au sol. Rampant, se courbant, elle parvint non sans mal à se dégager et, se relevant, observa la scène à présent sous ses yeux. Le regard vide, le cerf était étendu sur le sol, une flèche dans le museau, le sang coulant à flot depuis sa blessure ouverte à la gorge ; inerte.

Ici, sous le ciel nocturne, au milieu des hêtres de Kyûbi, la mort avait frappé.


--------------------------------------------------------------------

La proieWhere stories live. Discover now