La fête était géniale, il y avait à manger, à boire, le jardin était tout illuminé avec des jolies bougies et de la bonne musique. Mais voilà, il a fallu que j'aille chercher cette foutue veste dans ma chambre et dans le noir. Personne ne s'est rendu compte de notre absence ni du fait que j'avais les yeux rouges à force de pleurer ainsi qu'une lèvre éclatée à force de la mordre. J'ai prétexté un mal de ventre ainsi qu'une migraine à causée par l'alcool alors que je n'en avais pas bu une goutte pour m'éclipser et me retrancher sous ma couette. Le lendemain matin, mes bleus et mes courbatures étaient là pour me rappeler que ce n'était pas un cauchemar mais bien la réalité.
Mon père a vu que quelque chose n'allait pas, mais j'ai sorti un tissu de mensonge pour lui éviter des inquiétudes qu'il ne méritait pas d'avoir. Car mon petit frère à l'hôpital, et dans un état critique lui donnait déjà bien assez d'anxiété comme ça. Du coup j'ai inventé une chute dans l'escalier pour ma lèvre et mes bleus reliée au mensonge d'hier sur ma sobriété. La seule personne qui aurait pu voir ma détresse derrière ce masque, c'est ma maman, elle me connaît par cœur et aurait tout de suite compris. Mais elle n'était pas là et je ne peux pas lui en vouloir pour ça, mon petit frère avait besoin d'elle auprès de lui, plus que moi.
Je crois que ça a été la rentrée des classes la plus salvatrice pour moi. Le fait de partir de cet endroit, qui n'aura plus jamais le même charme que dans mon passé, et le fait de retrouver mon univers à moi où il ne peut pas s'immiscer : mon Lycée. Revoir mes amies du lycée me redonne un souffle d'air frais et me motive à attaquer la terminale pour me changer l'esprit. Je parviens à passer un peu à autre chose la journée, même si la nuit il revient de temps en temps.
Le pire ça a été après quelques mois, lorsque que j'ai rencontré quelqu'un, et c'est à cause du fantôme de mon été que je n'ai pas pu construire quelque chose avec lui. Et cela a duré presque deux ans avant que je puisse rencontrer une personne avec lequel je peux laisser ce traumatisme de côté, car il m'a appris à me retrouver avec mon corps mais également à reprendre confiance. Il est celui qui a passé du baume sur ma marque meurtrie, sans poser la moindre question.
Mais voilà, histoire de continuer dans la lancée, il s'est avéré que c'était également une personne torturée. Je n'étais au final qu'une étape dans sa vie et lui dans la mienne. Nous ne devions pas rester ensemble, mais il m'a apporté beaucoup pour la suite. Il m'a fallu du temps avant de pouvoir accepter ma cicatrice, elle était de plus en plus discrète et moins douloureuse, mais toujours là. Elle est là pour me rappeler ma bêtise, ma faiblesse et mon manque de rébellion à l'époque.
Mais maintenant je sais comment me défendre, je sais comment décharger ma haine et mon mal-être sans blesser qui que ce soit. La danse a toujours été une partie de moi, mais là c'est devenu plus qu'une échappatoire, c'est devenu mon langage codé. Je peux passer des heures seule, enfermée dans cette salle de danse, les yeux rivés sur ce miroir à me défouler sur n'importe quel son. Des fois je hurle, je pleure, je ris, j'arrive même à me sentir à nouveau femme, à nouveau sexy.
Aujourd'hui, trois ans après cette épreuve, je suis avec une personne merveilleuse qui m'a acceptée comme je suis et qui a su m'ouvrir et m'aider à combler cette coquille vide avec de l'amour, des rires et de l'affection. Je vis avec et non contre cette cicatrice. Cette marque fait désormais partie de moi c'est un stigmate qui n'est pas physique, mais c'est là pour me montrer qu'on peut guérir de n'importe quelle blessure et quelque soit le temps que l'on met à s'en remettre, c'est possible.
Je suis une survivante du fer rouge, et j'espère aider les autres victimes à s'accepter, et à se prouver qu'elles sont des personnes merveilleuse et non des personnes souillées par cette marque.
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LE FER ROUGE
Short StorySe sentir souillée, brûlée, répudiée, voici ce que j'ai ressenti après ce carnage. Je souhaite à personne de se sentir comme cela, seulement je ne suis malheureusement pas la seule à l'avoir vécu. ma reconstruction, ma renaissance.