My lovely prey.

Chapitre 6 :

  

  Lorsque ses yeux rencontrent à nouveau les miens, ils sont embués et au point de déborder. Je la prends dans mes bras et la sens sangloter silencieusement.

- Je dois déménager...

Un mouvement de recul me prend. Non !

- Je ne comprends pas, j'avoue, les sourcils froncés.

- Mon père a vu l'état de notre compte. On est en faillite. Il veut que je déménage à l'autre bout du pays pour être le plus loin de toi possible... Je le hais.

Mes bras tombent le long de mon corps avec fatalité. Je ne vois rien à dire de plus. Il nous avait prévenues. Mais un arrière-goût me reste en bouche... quelque part au fond de moi je ne peux m'empêcher de penser que c'est en partie à cause de la relation qu'elle entretient avec Kole.

- Et tu ne peux pas dire non ? tenté-je tout de même.

- Tu connais la réponse...

Alors c'est tout ? Une amitié aussi forte qui se termine en un seul petit coup de vent. C'est impossible. Même si la distance ne va pas l'effacer si rapidement, elle va s'effriter petit à petit et ce serait pire que tout que de voir cette relation me glisser des doigts sans que je ne puisse rien y faire.

- Je déménagerai aussi dans ce cas, je déclare. J'irai m'installer incognito à côté de chez toi.

- Tu n'en as pas les moyens... La distance ne va rien changer. On s'appellera souvent et je te rendrai visite dès que je pourrais.

Elle s'en va, les larmes aux yeux, me laissant seule face au choc. Je sais très bien qu'elle pense réellement qu'elle va faire tous ces efforts. Mais je sais aussi que ce n'est qu'une croyance naïve et erronée. Elle va me laisser choir peu à peu, me noyant dans le déclin avec une entreprise qui ne fonctionne plus. Elle va profiter de la place que j'ai laissée pour la donner à son petit-ami. Je le sens. Que vais-je faire pour empêcher ça ? Comment vais-je devoir m'y prendre ? Surtout qu'elle ne cherche même pas à arrêter ce qui se produit. Je suis perdue.

***

J'hésite. Deux costumes s'offrent à moi : soit Mercredi Addams –mais je vais devoir porter une perruque- soit en calaveras –mais le maquillage va me gratter toute la soirée. Je n'ose pas demander de choisir à Alice étant donné la discussion de tout à l'heure. D'habitude c'est elle qui m'aide à trancher. Aedan ne répond pas donc...

J'envoie une photo des deux déguisements à Charlie qui me répond derechef. Ce soir, je serai Mercredi Addams.

J'enfile la petite robe noire, mets la perruque sombre, la tresse et pâlis mon visage avec de la poudre blafarde. J'ajuste les derniers détails et prends une pastille de menthe. Je ferme, descends et en passant devant l'appartement d'Alice je marque un temps d'arrêt. Ce n'est pas sa faute.

Je balance ma fierté dans les orties et monte toquer à sa porte. Elle m'ouvre, les yeux remplis de fatigue engendrée par les larmes. Elle inspecte mon accoutrement et une moue rieuse se forme sur son visage.

- Viens avec moi à la soirée.

- Tu n'es pas déguisée ?

- C'est ça mon déguisement, je suis un fou criminel : il ressemble à n'importe qui, je réponds, attrapant l'immense perche qu'elle vient de me tendre.

Nous gloussons brièvement suite à l'évocation de cette référence puis j'entre de force chez elle.

- Alors, voyons ce que tu pourrais mettre... me lancé-je en quête de la tenue adéquate.