Chapitre 4

1 0 0
                                    

Je passais une journée décevante et difficile. J'étais sans cesse harcelé par des demandes imprévues qui perturbaient mon projet principal. Le midi, je touchais à peine au repas que m'avait préparé ma chérie, je n'avais pas le temps ni la tête à faire une pause, je devais faire face à cette surcharge de travail. Je quittais le travail épuisé. Je m'assoupis dans le bus de retour.

 Je marchais à nouveau dans ce paysage à la féerie exubérante, les couleurs étaient si criardes qu'elles en devenaient écœurantes. Ce monde avait un je-ne-sais-quoi d'artificiel, c'était une beauté factice, une exubérance touchant à la folie. J'avançais dans ce paysage de collines fleuries lorsque je fus réveillé par l'un de mes voisins qui descendais lui aussi. J'oubliais immédiatement ces songes délirants et je rentrais dans notre immeuble.

Je passais la porte de notre appartement, je déposais les clefs dans le vide poche sur le buffet à coté de l'entrée et se faisant j'aperçus la boite en métal. Je haussais un sourcil en me souvenant de l'étrange épisode qui m'était arrivé la veille, mais ce dont je ne me rappelais pas c'était à quel moment j'avais sorti cette boite de mon sac pour la placer là ? J'avais du agir machinalement, ou bien c'était ma chérie qui avait peut être sorti la boite en y plaçant mon repas... Je haussais les épaules, il était tard et je n'avais ni l'envie, ni le courage de m'attarder sur cette question sans importance.

Je me changeais et je me préparais un plateau repas pour m'affaler ensuite dans le canapé. J'allumais la télé, je zappais quelques temps et je posais la télécommande pour manger avec un certain appétit. Je jetais un coup d'œil à la télévision sans vraiment l'écouter. Je finissais mon repas, mais je restais devant l'écran trop fatigué pour me lever. J'étais éreinté et mes paupières s'alourdissaient devant les images défilant devant moi. Les images s'agitaient de plus en plus vite, j'étais de plus en plus fatigué. Les images s'agencèrent en une multitudes de formes colorées, un paysage vallonné m'apparut.

J'étais encore dans ce monde fantasmagorique aux vives couleurs criardes, j'avançais sous les voiles chatoyants, dansants dans le ciel. Je marchais maintenant au milieu d'immenses fleurs, elles avaient une tige si fine et une tête si grosse que l'ensemble semblait être une grotesque caricature, les couleurs de ces végétaux étaient trop vives, l'herbe était grasse et d'un vert éclatant. L'ensemble semblait provenir d'un dessin d'enfant ou d'un esprit dément, c'était un monde naïf et pourtant écœurant.

Je gravissais ces rondes collines, je dévalais leurs pentes comme sur un toboggan, je traversais des ruisseaux d'un bleu criard dans lesquelles des poissons venaient à mes pieds et semblaient me sourire. J'arrivais enfin à un chemin peint en gris qui slalomait entre les buttes, je le suivais mais il semblait se dérouler à chacun de mes pas pour s'étendre à l'infini.

Je regardais devant moi et j'aperçus alors une forme venir en sens inverse, je m'arrêtais pour l'attendre. La forme avançait rapidement, ses enjambés étaient longues et gracieuses, elle semblait progresser en dansant.

A mesure qu'elle s'approchait, la forme se précisa, c'était un de ces êtres longilignes, mais à mesure que l'écart entre nous se réduisait je m'aperçus qu'il était particulièrement grand, c'était la plus grande des créatures que j'avais vu. Elle était aussi différente sur d'autres points de sa singulière apparence. Cet humanoïde était visiblement androgyne et il/elle était vêtu étrangement. Il portait une combinaison aux multiples couleurs mélangées qui pourtant m'apparaissaient bien dans leur individualité, ces couleurs changeaient, se lovaient les unes dans les autres pour disparaître et en former de nouvelles toujours aussi vives. Son corps moulé dans cette tenue laissait voir une poitrine qui ne permettait pas de déterminer si c'était de petits seins fermes ou de beaux pectoraux musclés. Sa taille était fine et ferme, ses longues jambes bien galbées. Cette vision m'hypnotisa autant qu'elle me repoussa. La créature portait des cuissardes vertes, une longue redingote transparente et un haut-de-forme légèrement penché d'un bleu marine constellé d'étoiles clignotantes. Son visage blanc et allongé, son nez droit et régulier, ses oreilles fines et longues, ses lèvres pourpres et ténues. Je contemplais cette beauté en scrutant chaque détail un-à-un avant de terminer par fixer son regard. Ses yeux étaient comme celui de ses semblables : de magnifiques yeux en amande. Mais à la différence des autres, ses yeux étaient emplis de couleurs, c'était un maelstrom de couleurs mouvantes qui semblaient vivantes, c'était des étoiles, des galaxies colorées qui s'agitaient, un univers semblait être contenu dans ces yeux là. Je ne pouvais sortir mon mes yeux de son regard. J'entendis alors une douce mélodie provenant de la créature.

L'ArlequinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant