London Girl.

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- Londres, Manoir Snape, 00h24 -

Il est minuit passé quand un énième cauchemar vint m'extirper d'un précieux sommeil. Sommeil dont tout enfant de dix ans doit avoir besoin. Je me réveille alors à bout de souffle, trempée de sueur. La chambre était plongée dans l'obscurité la plus totale. C'est à ce moment que je me rends compte que ma mère en a une nouvelle fois profité pour fermer les volets de ma chambre pendant que je dormais "paisiblement". Puis je me glisse hors de mon lit pour venir ouvrir ceux-ci et admirer le ciel étoilé. Mais tandis que mon regard traçait des constellations imaginaires, un éclair vif et puissant vint me faire sursauter. Je me retrouvai alors sur les fesses, encore plus paniquée qu'à mon réveil. Pourquoi le ciel est-il si en colère, me demandais-je. Puis un autre éclair encore plus bruyant que le premier me fit courir jusqu'à la chambre de mon frère jumeau. Sans frapper, je vint glisser ma petite tête dans l'encadrement de porte tandis que lui était assis, sous sa couverture. Cette couverture était un des précieux biens que nous possédions de notre père, mais j'ai toujours pensé que Zaffiro en avait plus besoin que moi. C'est après m'être glissée auprès de lui sous ce drap si doux qu'il vint fondre en larmes dans mes bras, me serrant tellement fort qu'il aurait certainement pu me briser une des mes côtes si fragiles à cet âge là. Mais comment aurais-je pu lui en vouloir d'avoir si peur ? J'étais tout aussi terrifiée que lui.

- C'est le ciel qui nous parle, confiais-je à mon frère à voix basse. Peut-être que papa est en colère !

Zaffiro était incapable de répondre. Il s'est contenté de relever la tête vers moi et de me fixer avec ses grands yeux. Je me suis toujours demandé si il était possible qu'un jour on puisse voir la mer s'agiter dans ses billes bleus, tant ceux-ci avaient la couleur de l'eau marine. Ou peut-être pourrais-je apercevoir un ou deux poissons se balader entre sa rétine et sa pupille. Et étrangement, cette idée apaisait mon esprit si tourmenté ce soir-là. J'en avais presque oublié l'orage grondant au dehors. Ce ne fût qu'après s'être raconté des histoires en tout genre que nous finissions tous les deux par trouver le sommeil. Fort heureusement pour nous.

- Londres, Manoir Snape, 9h37 -

- LILITH EILEEN SNAPE ! s'écria Nevaeh quand elle comprit au petit matin que je n'avais pas passé la nuit dans ma maudite chambre.

Je me précipitai alors hors du lit de Zaffiro et quittai la chambre en prenant mes jambes à mon cou. Cette voix si stridente aurait pu me tuer sur place. Sans réfléchir, je trouvai refuge dans un des nombreux placards qui jonchaient un des couloirs du Manoir. Je priais pour que cette folle qui me servait de mère ne me trouve pas. Plus jamais. Mais j'eus à peine le temps de terminer ma prière que les deux portes en bois qui m'entouraient vinrent violemment s'écraser sur chaque côté du mur. Elle se dressait là devant moi, sa baguette pointée sur mon petit front encore recouvert de quelques mèches brunes. Sa grande taille me donnait l'impression de me retrouver face à un géant. Ses cheveux noirs eux me donnaient l'impression d'affronter un des terribles monstres que je pensais trouver dans l'armoire de ma chambre si j'avais le malheur de l'ouvrir en pleine nuit. En bref, ma mère était sans aucun doute mon pire cauchemar. Dans un geste qui était loin d'être le plus doux, elle attrapa mon bras et me sortit de ce placard dans lequel je me sentais en sécurité.

- Tu fais mal ! criais-je à m'en casser la voix. Mais j'avais beau l'implorer à chaque fois, cela n'avait visiblement aucun effet sur elle. Et ce n'était pas non plus les cris de mon frère à cet instant qui allaient la faire changer d'avis.

Après m'avoir presque utilisé comme serpillière sur le sol, elle et moi nous retrouvâmes à l'extérieur. J'eus à peine le temps de constater à quel point il faisait beau dehors que Nevaeh me traîna jusqu'à l'endroit que je redoutais le plus ici. Le Vivarium, qui se trouvait au fin fond du jardin, caché entre quelques planches de bois abîmées. En effet, rien ne me faisait plus peur que les serpents, même ma mère ne les battait pas à ce niveau-là. Quand je fus à peu près stable sur mes jambes, ma mère vint refermer la porte de la cabane en bois et pointa du doigt les nombreux blocs en verre renfermant ces êtres vivants que je redoutais tant.

La prochaine fois, c'est ici que tu dormiras ! Aies-je été assez clair ?

Elle hurlait tellement que je fus obligée de plaquer mes mains sur mes oreilles bourdonnantes. C'était des cris encore plus puissants que ceux de l'orage cette nuit-là. Et je ne pus garder les yeux ouverts plus longtemps tant la vision de ces reptiles était insupportable. Ma mère m'avait tout raconté, absolument tout, concernant la mort de mon père. Et le seul mot que ma mémoire d'enfant ait retenu depuis tout ce temps, n'était autre que le mot "serpent". Je n'ai jamais sus pourquoi ils m'effrayaient autant, et à cet âge là, j'étais persuadée que je ne le saurai jamais. Et tandis que je ne pensais qu'à cela, ma mère continuait de me cracher des horreurs au visage, me forçant à retirer mes deux mains fébriles de par-dessus mes oreilles. Je la détestais, à tel point que j'en étais venue à me demander si je ressentais ne serait-ce qu'une once d'amour pour elle. Quel enfant en vient à se poser une question pareille ? C'était malheureusement mon cas.

Quand la porte de la cabane vint s'ouvrir, j'aperçus alors le visage effrayé de Zaffiro, qui implorait encore une fois ma mère de me laisser tranquille. Je profitai alors de cette occasion pour fuir, comme je le faisais à chaque fois avec elle. Et très étrangement, elle ne se mit pas à me courir après. Sans doute trop fatiguée d'avoir abattu toute sa haine sur moi. Je trouvai à nouveau refuge dans le placard du couloir, ayant décidé d'y rester une bonne partie de la journée. C'était ce à quoi se résumaient les lendemains d'orage.. À chaque fois.

I am made of stars.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant