Chap. 2 : POT DE COLLE = RACHEL

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~Ambassade du Bénin près le Canada.

Je tourne mon bic dans tous les sens en mémorisant mentalement chacune des phrases que prononce la DRH.

Je triture, chaque cinq minutes, certains mots dans mon carnet de note, pour une récapitulation personnelle plutard, avant de retourner à ma contemplation désintéressée de la table de réunion tout en écoutant attentivement notre interlocutrice.

- Bien, ponctue t-elle au bout de quelques heures de jabotage incessant. Ceci étant dit, j'aimerais finalement ajouter que nous aurons l'honneur d'acceuillir, dans les prochains jours, le nouveau directeur financier. Je ne vous cache pas ma peine de voir Jacques partir après de si longues années de collaboration. Mais, il nous manquait un regard plus jeune, ma foi !

Tout le monde monde se met à rigoler, sauf moi.

J'aime bien Jacques, moi et je suis totalement contre l'idée qu'il s'en aille. De tout le personnel de cette institution, ce fut le seul capable de m'aborder avec simplicité et avec sincérité. Ce qui m'a le plus plu chez lui, c'est qu'il a toujours de petites attentions envers moi comme un père envers sa fille. Son attitude ne m'a jamais laissé croire le contraire.

Une profonde tristesse m'envahit et je ferme les yeux. Je n'aurai plus le privilège d'aller m'asseoir dans son bureau pour lui demander un conseil. C'est dommage qu'il parte aussi vite. Mais je suis heureuse pour lui. Il a de grands rêves. Et il compte les réaliser avant de mourir. Je ne peux que l'encourager.

- Nous avons quand même pensé à un départ digne de ce bon vieux Jacques, elle continue. Il y aura une petite réception en son honneur le vendredi prochain et je vous prierais, tous, de bien vouloir y faire acte de présence.

Je ne manque pas de faire une grimace lorsqu'elle appuie sur le "tous". Personnellement, je me ferai un réel plaisir de ne pas y assister. Même si j'aime beaucoup Jacques, j'ai horreur d'être entourée de monde.

Le regard sévère que me jette ensuite la DRH, en dit long sur ses intentions. Elle ne va pas recommencer !

- C'est tout pour aujourd'hui, dit-elle en fermant son porte-document. Je vous remercie pour votre attention et vous souhaite une bonne continuation.

Je ramasse mon carnet et sors en premier de la salle de réunion. En marchant silencieusement dans le couloir, je réfléchis à l'excuse que j'avancerais pour ne pas assister à cette fête, jusqu'à atteindre mon bureau. J'entre et referme la porte derrière moi. Je tire le fauteuil à roulettes, m'assois et dépose le carnet dans un de mes tiroirs. À peine ai-je le temps d'allumer mon ordinateur que je sens qu'on m'observe. Je lève les yeux et remarque une silhouette dans l'embrasure de la porte d'entrée.

- Bou ?

Je souffle doucement. Sérieusement ?

La DRH, Rachel, comme on l'appelle communément, me regarde les bras croisés, adossée à l'un des poteaux. Je me fiche de savoir comment elle fait pour apparaître comme ça. Tout ce que je veux, c'est qu'elle me laisse tranquille.

- Je peux comprendre pourquoi tu n'aimes pas les sorties. Mais il s'agit d'une petite réception et il n'y aura que quelques personnes. Il est, donc, hors de question que tu ne sois pas présente.

Je fronce les sourcils.

Je ne comprends pas pourquoi elle est toujours après moi, cette femme. Quand je dis toujours après moi, c'est qu'elle est TOUT le temps sur mon dos.

C'est une femme d'un certain âge ; la quarantaine, je crois. Mais elle a l'air fichtrement plus jeune et déborde d'énergie; je pense que c'est pour cela qu'elle est constamment derrière moi à me demander ce que je fais, à me poser des questions plus que personnelles... Bref, je ne comprends absolument rien. Elle et moi ne sommes pas vraiment de la même génération mais elle s'acharne à vouloir être mon amie.

" Je veux être plus proche de toi. Apprendre à te connaître parce que tu es une énigme que je n'arrive pas à résoudre. " m'a-t-elle dit un jour.

Mouais, c'est ça.

Je me tourne vers mon ordinateur et commence à travailler. Je n'ai pas envie de lui faire la causette. Il vaut mieux qu'elle parte avant que ma chef n'arrive. Rachel soupire avant de murmurer quelque chose d'incompréhensible et tourne les talons. Je ne la retiens pas. Je suis désolée pour elle mais je ne pense pas que ça puisse le faire. Je ne suis qu'une assistante, pour l'instant; elle est chef de son service. Nous ne marchons pas sur les mêmes épines. À quoi bon vouloir de mon amitié ?

Ce que je sais, c'est que je n'ai nullement envie d'être son amie. Les gens comme elle je ne les connais que trop bien. Ils vous montrent une face d'ange pendant les bons jours. Mais lorsqu'arrivent les mauvais, ils se transforment en satanés diantres pour vous pourrir la vie; pile poil au moment où vous avez le plus besoin d'eux. J'ai eu ma dose avec ma mère, Farah, mes cousines, ma tante... De plus, être "seulement" amie avec une femme, c'est creuser sa propre tombe, surtout quand elle est hypocrite.

* Venez me frapper si je mens.

En ce qui concerne Rachel, je préfère garder mes distances. Le Directeur du service consulaire, Mr Donald, en pleine conversation avec le Directeur du service Juridique (ma supérieure), Mme Lépis, entre en premier dans le bureau. Je fixe l'entrée à l'entente de leurs voix et une panique extrême m'envahit instantanément. Noyée dans mes pensées, je n'ai pas eu le réflexe d'aller refermer la porte d'entrée, connaissant bien le caractère horripilant de ma chef.

- Rachel, je murmure lentement avec un sourire crispé plaqué sur mon visage.

Ma supérieur lève un sourcil devant la porte ouverte. Et dès qu'elle me voit, ses yeux me lancent des éclairs.

Du genre "tu ne perds rien pour attendre. " Je me confonds en excuse faciale, ce qu'elle ignore superbement en pénétrant dans le local, à la suite de son second.

- Miss BOCCO, comment allez vous ? Me demande Mr Donald.

- Je vais bien monsieur, et vous? Je lui réponds.

Mme Lépis relève le menton, me dépasse et rentre dans son bureau juste derrière moi.

- J'en suis ravi. Je me porte comme charme. Merci.

Sans un mot de plus, il passe aussi sa route et va rejoindre ma chef. À l'instant même où il ferme la porte, je bondis hors de mon siège et vais fermer la porte d'entrée.

Peine perdue. De toutes façons, je vais me faire laminer.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 12, 2023 ⏰

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