2 février 2010. 6h35.... le réveil-matin scintille juste devant mon front et me brule les yeux... Encore un réveil difficile, et en plus le temps est pourri, j'entends la pluie dehors... Je paye cher mes excès de la veille ; j'ai mal aux cheveux et j'ai envie de dégueuler, tous ces mélanges hasardeux d'alcools forts, et tout ça pour fêter le départ d'une interne vers l'hopital général de La Pitié... Une fille que je ne connaissais même pas ! Non mais quelle connerie !
J'ai beaucoup de mal à me remémorer ma soirée. Un grand flou après le repas, 2 ou 3 verres d'apéritifs divers, des petits fours, des mains serrées, quelques bises échangées à droite à gauche avec des gens que je ne connais pas pour la plupart.... Allez ! La journée commence, L'hosto n'attend pas !
C'est ma cinquième année, surement la plus dure, commencée dans le doute avec une mise à l'écart de la part de mes camarades de campus et je ne sais même plus pourquoi... en fait, je ne cherche même plus à comprendre. Cette année, j'ai même pensé en finir avec la médecine, et reprendre là ou s'était arrété, ma "vie d'avant", j'étais serveur dans un petit bar du centre de Lille et quand j'y repense, ça me convenait.
Les études, les nuits blanches, la mal-bouffe, la fatigue, tout ce mal que je me donne pour y arriver, toutes ces nuits sans fins, penché sur mes livres de morpho ; os, vaisseaux sanguins, vésicule, estomac, hypophyse, cerveau... j'en peux plus ! Je m'imagine une vie meilleure, peut-être plus centrée sur mes amis et ma famille, mon père oublié et laissé à la maison pour me consacrer à ma future carrière... Oui, ma carrière.
Une douche rapide ; peu ou pas d'eau chaude comme toujours, un petit déj avec pain sec et verre de lait même pas froid, et c'est parti. Casquette vissée sur le crâne et sac à dos chargé ; un casse-croûte bon marché et ma bouteille d'eau de la veille... A voir l'heure qu'il est déjà, je vais me remuer et me presser vers la sortie du bâtiment, y a la pluie qui crépite, il fait froid et mes chaussures sont humides, la pluie d'hier... Putain ! Ça commence bien ! Quelle journée de merde je vais encore me taper ? De nouvelles brimades de la part de mon chef de service, la mauvaise humeur et l'agressivité latente des patients de la salle des urgences ? Une journée de 14 à 15 heures ne se programme pas, elle s'improvise et le plus important surtout, elle se supporte !
8h30, après presque 2 heures de transport en commun calamiteuses, j'arrive enfin au service des urgences. A vue d'oeil, je dirais une bonne soixantaine de personnes en salle d'attente, ça promet une journée bien merdique ! A les voir là, comme des imbéciles en sursis sur les fauteuils décrépis du service, je me dis qu'à tout moment quelqu'un peut nous claquer dans les pattes, ou se jeter sous les roues des pompiers juste devant l'entrée, par dépit, et peut être même par envie aussi...
Regardez moi ce petit vieux, là, en train de frotter ses lunettes avec son pull... vieux dégueulasse... et cette fille et ses trois mouflets, incapables de rester plus de 2 secondes le cul sur leur fauteuil... Oh oui ! Ça va être une jolie journée ! Et tiens... voilà déjà le vieux Brigou, mon chef de service et maitre de thèse, qui va encore m'en mettre plein la gueule parce que : "JE N'AI PAS NETTOYÉ LE LAVABO DE LA SALLE DE PAUSE !"
De toute façon, c'vieux con a toujours quelque chose à me reprocher. 2
- "DECLERC !! Venez me voir !" J'suis à peine arrivé qu'il gueule déjà... toujours aussi aimable... il doit me voir comme son jouet ou son toutou. Du délire !... mais bon, je vais fermer ma gueule et encaisser. Courage, je n'en ai plus que pour 4 ans minimum... De mon point de vue, les jours se ressemblent et j'ai de plus en plus de mal à gérer cet environnement malsain et tous ces gens constamment sur le fil. La patience, je ne l'ai plus, il faudrait que quelque chose se passe dans ma vie, que les choses changent, que mes habitudes volent en éclats, que mon destin fasse son chemin dans une autre direction ! Peut être qu'un moment.. un jour...
9h37. J'ai un premier patient ; un problème de dos, mais pas de quoi s'affoler, il s'agit juste de colliques néphrétiques ; palpations, questions, direction au bon service pour traitement, et je passe au suivant ! Voilà le deuxième ; juste un doigt coupé, la phalange dans un sachet de glace, allez ! Direction traumatologie, Monsieur va se faire recoller le doigt gentiment, et puis l'heureux troisième ; alors lui il a fait fort ! Il a foutu le feu à sa cuisine ; brulûre au deuxième degré sur la main droite, pas de quoi s'alarmer pourtant le type donne l'impression qu'il va crever dans les cinq minutes...
une heure, deux heures, six heures à traiter des cas plus ou moins graves, cette journée passe à une lenteur et les gens sont toujours aussi nombreux. Une journée comme celle là, j'en ai vu et revu.. il est 19h20, et j'ai l'impression que ma journée débute seulement... Cruel. 19h30 ; Accident de voiture sur l'A1, quatre bagnoles pliées, neuf personnes arrivent blessées avec des jambons abimés, des mains broyées, et quelques mauvaises fractures de çi de là, des tronches marquées à vie, trois gosses en traumato, une femme dans un état critique, et pour les autres je dispatche dans les autres services : c'est juste la routine, une journée comme les autres !
•••••••••Un éclair ! Je reprends conscience après deux heures de sommeil vite consommées entre deux patients, l'orage gronde au dehors. Le flash a réussi à m'éblouir, j'ai pourtant les yeux fermés. La fenêtre est restée entrouverte, je jette un oeil prudent ; des nuages se confondent dans les rayons blancs d'un quartier de lune qui se découpe sur un ciel couleur d'encre noire, la foudre frappe au hasard et le vent se déchaîne. Si seulement... ils pouvaient se déchaîner dans la salle d'attente, et nettoyer toute cette pouillerie !
Je m'approche d'une fenêtre et observe le ciel. A bien y regarder, cet orage a tout de même quelque chose de bizarre. Les éclairs frappent toujours aux mêmes endroits, il ne pleut pas, et une phénomène d'électricité statique plane dans l'air, j'ai les cheveux qui dressent sur ma tête. Au sol, y a des marques bien visibles, comme d'intenses perforations dans les surfaces en dur et rougies par l'extrême chaleur provoquée par la foudre. Je remarque que quelques voitures dans la rue ont morflé sévèrement. Y a une vieille Fiat je crois bien, qui a été traversée de haut en bas, du toit jusqu'au bas de la roue arrière droite. Le pneu a éclaté, la perforation est nette et pas un éclat, pas une trace autour.. Le feu n'a même pas pris, alors que le réservoir a été transpercé de part en part !? J'ai jamais vu ça ! Mais bon, plus rien ne m'étonne, je vois tellement de choses bizarres ici.
Le courant des immeubles voisins n'a même pas été coupé... les gens sont sortis, certains curieux, d'autres furieux simplement pour constater que leur véhicule en avait pris un coup dans la gueule. En somme, la journée catastrophe se termine dans une certaine normalité ; des dizaines d'emmerdeurs à traiter à la suite, deux sandwichs fromage-jambon-beurre bouffés au lance-pierre, deux ou trois prises de tête avec Brigou, et pour finir un orage qu'on croirait sortit de la "Guerre des Mondes".
22h44, ma journée est semble t'elle, terminée. Je me change à vitesse grand V, remplis mon sac de mes vêtements de garde, tourne un peu dans le vestiaire pour réfléchir à ce que j'aurai pu oublier, et reprends enfin la route des transports en commun. Ce n'est jamais que deux bonnes heures minimum entre tram et bus, et surtout à cette heure, où les rues ne sont pas sures. Et y a jamais personne ici pour me déposer à la maison !
Le traim s'arrête, il est vide comme les rues. Il semblerait que les gens aient pris peur, peut être à cause des échardes de foudre tombées il y plus de quatre heures maintenant. Le temps semble s'être suspendu. La nuit est toujours aussi noire, certains éclairages urbains ont éclaté sous la violence des frappes, mais il n'y a pas un souffle de vent, pas une goutte de pluie. Au loin des nuages, allant du gris au sépia, séparent le ciel dans un enchevêtrement de couleurs extraordinaires, presque démoniaque voir surnaturel !
Mon smartphone est resté dans mon sac. Deux coups de fil ; un du banquier, et l'autre de Claire, ma meilleure amie. Un texto également de sa part, "Salut Louis. Pas pu te rappeler hier, j'ai .. "message incomplet". Tiens donc, message incomplet. Je la rappellerais plus tard, là, j'ai qu'une envie c'est de rentrer me coucher, et passer ma nuit à ronfler, les amis peuvent attendre... Merde qu'est ce qu'il fout ce tram ? Il se passe quoi ce soir ? Y a pourtant du courant bon dieu ! Les écrans de quai sont allumés et tout à l'air de fonctionner ! Qu'est ce qui cloche ? Mais pourquoi je ne me suis jamais acheté de voiture ? Ca aurait été tellement plus simple ! 23h18... le bouquet ! Allez encore quelques minutes d'attente, et après je taille la route à pinces.
De toute manière, je ne suis qu'à un bon neuf voir dix kilomètres... Seclin, c'est pas si loin finalement. N'empêche, c'est trop bizarre ce calme. Pas un zonard dans les rues et depuis que je suis sorti de l'hosto, j'ai pas vu une seule voiture sortir d'un parking. C'est comme si... comme si tout le monde avait disparu. Il y a pourtant encore de la lumière à certaines fenêtres, les télés fonctionnent dans les appartements, je pige pas.
Troublé par ce qu'il était en train de vivre, Louis ramassa son sac et s'engagea le long de la rue.
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Möendral, les Pierres du Temps.
ParanormalLe jeune Louis Declerc, interne en médecine urgentiste à la vie transparente va vivre l'expérience de sa vie. Le jeune homme va faire la connaissance de Baboo Mkombozi, une jeune femme venue accidentellement du futur et expédiée dans notre épo...