Le baiser des corps

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Un bar espagnol dans la chaleur délicieuse d'une nuit de printemps. La salle est toute en longueur, le bar sur la droite. Les néons bleus et roses balisent ce nouvel univers. Celui où personne ne se connait, mais tout le monde se touche. On se frôle, se bouscule, s'embrasse. Au milieux de cette effervescence, ou plutôt cette latence des esprits, noyés dans l'alcool, j'essaye de me concentrer. Mes camarades de bancs universitaires parlent politique. Quand on dit que les intellos sont moins chiants bourrés... A cette soirée, il y a cette fille, cheveux hennés, docks rouges. Je la connais depuis peu, mais suffisamment pour qu'elle rejoigne mes rêves nocturnes. Elle n'était rien, une enveloppe, un sourire, un visage. Inaccessible, mais si différente qu'elle m'a plu.

Les lumières, l'alcool, la musique délient les langues. Les corps se trouvent lorsque les rires finissent aux creux de l'oreille, que les lèvres caressent le lobe, puis le goûtent. Je me perds dans ces corps, dans leurs mouvement lascifs. Les hanches bougent, les verres se rencontrent, les têtes se renversent en arrière. Un jeu de séduction, de visages qui n'existent pas. On devient tous son personnage.

Un coup de coude me ramène à moi. Le groupe est figé. Elle a les yeux plantés dans les miens. Je vois dans son regard quelque chose de fort, de profond. Je comprends que j'ai raté quelque chose. Tous sont tournés vers moi, et vers elle. Une phrase a été lancée. J'ai peur de comprendre. Pourquoi j'ai pas écouté putain ?

Je comprends que quelque chose se joue ici. C'est le regard de Sarah, l'auteure du coup de coude, qui me fait comprendre. Celle qui me plaisait avait avoué l'impensable. Sa distance avec moi n'était pas de l'indifférence, au contraire.

Son regard se rempli de gêne, de tristesse. Elle le détourne et disparaît dans la foule. Mon sang ne fait qu'un tour. Hors de question que je laisse passer ma chance ! Je me lance sur ses talons. La progression est difficile, mes épaules rencontrent des masses humaines que je pousse sans complaisance. Elle est à moins d'un individu de distance. Je tends le bras, mais ma main se referme dans le vide, à quelque millimètres de sa capuche. Elle essaye de m'échapper, je vois presque de la terreur dans son regard lorsqu'elle se retourne.

Une nouvelle chanson est lancée, et elle se retrouve coincée entre une barrière de chairs infranchissable et le mur. La porte est trop loin. Elle essaye de longer la paroi pour passer. Mais mon bras la stoppe. Elle plante son regard dans le mien. Je n'y décèle aucun espoir, juste de la honte et de la tristesse. Je ne l'abandonne pas plus longtemps à cet état. Ma main vient trouver sa nuque, mon corps se colle au le sien, et nos lèvres se scellent. Passée sa surprise, l'étreinte devient fougueuse et douce à la fois. J'imprime la sensation de ses lèvres, de sa langues, de sa peau alors que je les découvre. Impossible de décrire un baiser. Son bras vient entourer mes hanches. Les souffles se rencontrent, les langues aussi. Et je comprends. Pour elle, ce baiser est un baiser d'âme. Une union où deux êtres se rencontrent, se lisent et se lient. Pour moi, ce n'est qu'un baiser de corps, de désir.

Dois-je lui dire, maintenant, que je ne l'aime pas ? 

Le baiser des corpsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant