Hong

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De nos jours, Wenzhou est une ville-préfecture située à 400 km au Sud de Shanghai, dans la province du Zhejiang. En termes de superficie, elle est comparable à celle de la région Campanie, au Sud de l'Italie. Sous la dynastie Qing, non seulement ce territoire, mais aussi tout l'empire chinois avait connu la plus grande période de prospérité de l'histoire. En 1750, dans l'un des nombreux petits villages perdus dans cette vaste ville de la préfecture, Si HongMei s'interroge souvent sur le sens de sa vie.

Aînée des trois, contrairement à ses pairs, elle était une enfant prodige: bandée aux pieds à l'âge de 6 ans et incapable de marcher ou de courir comme les garçons de son village, elle a rapidement développé d'autres intérêts très rares pour le genre féminin de l'époque. Elle a appris secrètement des idéogrammes et, après un court laps de temps, à lire des textes simples empruntés secrètement à la bibliothèque familiale. L'initiative lui est venue lorsque, pour la première fois, elle a entendu son père lire à haute voix le discours qu'il s'était préparé pour célébrer la naissance du deuxième fils d'un son ami proche et collègue de travail. Il avait prononcé des phrases courtes mais riches, encore à elles inconnues, qui ont ému sa curiosité. Elle n'osait jamais en demander le sens à son père, qui n'avait jamais fait preuve de patience et ne montrait aucune affection pour ses deux filles, du coup Hong préférait, même si le dynamisme de ses jambes commençait à s'épuiser, à apprendre en tant qu'autodidacte.

Comme vous l'auriez peut-être deviné, elle était une petite fille coquine, à l'âme rebelle, qui, incapable de sortir pour jouer, après avoir appris suffisamment d'idéogrammes, se réfugiait dans les délicates illustrations des rouleaux représentant des paysages et les brèves et fantastiques poésies concernant ces peintures. Les femmes n'étaient pas autorisées à toucher aux écrits et aux papiers des hommes de la famille.

Elle devait tenir les pieds constamment bandés, chose qu'elle trouvait très douloureuse. Pendant la nuit, elle pleurait et criait à cause de la douleur qu'elle ressentait. Ponctuellement, le père allait la taper et la punir pour le bruit excessif qu'elle produisait et qui se sentait partout dans le petit palais. Une fois frappée, elle ne criait plus mais continuait à pleurer en silence à cause de la douleur lui infligée.

Elle trouvait frustrant voir de loin les garçons ramper, nager, jouer et s'amuser sur la rive de la rivière juste en dessous de sa maison, après la rue.

Elle trouvait injuste voir sa mère, surtout sa grand-mère, dans ces conditions: elles marchaient avec difficulté en traînant lentement les pieds, en faisant de petits pas et en se plaignant parfois de douleurs aux jambes, tandis que les serveurs et les hommes de la maison étaient libres de courir normalement, sans ces limites.

Tout semblait injuste aux yeux de la petite Hong.

Sa mère n'avait jamais été en mesure de lui donner une raison valable pour cela. Elle lui avait toujours dit, sans hésitation, que le monde était comme ça et qu'elle devait en suivre les règles. Au bout d'un moment, l'enfant cessa de lui poser des questions, découragée.

Hong commença à penser que c'était la faute des hommes qui, depuis l'origine des temps, ayant toujours été physiquement le plus fort entre les deux sexes, en avaient profité pour soumettre et dominer les femmes. Selon elle, ceux-ci n'avaient en tête, parmi leurs priorités, que la conquête et le contrôle, rien d'autre. D'autre part, seuls les hommes ont fait la guerre et se sont tués. Lui suffisait de voir les garçons de son village se battre pour des raisons insignifiantes ou de regarder les illustrations concernant la guerre dans la bibliothèque de son père pour se faire une idée du monde masculin de l'époque.

Elle a commencé à détester tout le monde, y compris les femmes et les hommes, du fait qu'ils étaient d'accord avec ces pensées, cette façon de voir la société et que rien ne pouvait changer pour elle, pour le genre féminin. Tout le monde était aveugle. Les hommes dominaient et les femmes se tenaient dessous, et à force d'être soumises, elles étaient devenues passives. Pas qu'elles puissent faire quoi que ce soit parce qu'à l'époque, pour une femme, juste prononcer deux mots contre le genre masculin était, moralement, un crime.

Rouge est la soie Où les histoires vivent. Découvrez maintenant