Toshinori Yagi

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La rage. Il n'y avait que ça. C'était le seul sentiment qui rampait dans ses veines. Elle s'insinuait en lui comme pourrait le faire un poison. Non, après mûres réflexions, même le plus puissant des venins ne pouvaient être aussi terrible et meurtrier sur un homme. Le poison ne détruit qu'une seule chose : la vie de la victime. Mais la victime, ce n'était pas lui ; c'était le cadavre d'un jeune garçon gisant à ses pieds. Il ne s'était même pas acharné -un coup sur la nuque avait suffi à le faire taire pour toujours.

Le regret. Maintenant que cette sensation, ce serpent qui lui entourait le cœur, venait de s'asseoir sur ses épaules, il se rendait compte que les regrets étaient pires que la rage. Il avait parlé à suffisamment de personnes, de vétérans, d'apprentis, pour savoir que si l'envie de sang était passagère, les conséquences étaient tenaces.

Mais là, c'était pire. Il n'était pas un de ces petits fermiers cultivant sa parcelle dans son coin dont personne ne se souciait ou bien un noble trop encombrant dont la mort arrangerait quelques monarques. Non, il était celui pour qui rien n'était impossible, il était celui qui était censé apporté chaleur, joie, sourire et réconfort dans le cœur des habitants de tous les pays, il était le symbole de la paix. La Paix. Celle avec un P majuscule, celle pour qui toutes les nations se faisaient la guerre.

Mais il n'était pas là pour parler du cynisme des contrées avoisinantes.

Il était le chevalier le plus admiré et il avait un cadavre sur les bras. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, il n'avait pas la moindre idée de la façon de cacher un corps. Devait-il le brûler ? Le jeter dans un fleuve ? Simplement l'enterré ?

Les relents de sa rage continuaient à se battre dans ses poumons contre les regrets et le sentiment d'être perdu. Beaucoup de combattants vous diront que la colère est la meilleure conseillère des pires décisions. Mais à présent, Toshinori Yagi savait que c'était faux. Ce qui enserrait sa poitrine était bien pire décisionnaire.

C'était pour cette raison que lorsqu'un homme, bien plus petit que lui, lui a proposé de s'occuper du corps en l'échange d'un service, il a accepté. Pourtant cet homme n'avait pas une apparence digne de confiance. Bien sûr, juger la valeur d'un homme sur son image n'était pas honorable, mais tous les êtres peuplant ce monde n'ont pas les deux tiers de leur peau recouverts de marque de brûlure. Mais plus encore, tous les êtres peuplant ce monde n'ont pas les yeux brillants de joie en portant un cadavre.

Concernant le service qu'il lui faudrait rendre, le symbole de la Paix n'avait pas tout de suite su en quoi il consistait. Il lui semblait que l'homme gardait simplement la possibilité dans un coin de la tête. Mais à bien y réfléchir, il aurait dû faire plus attention aux dires de ce garçon étrange.

-La fausse balance est en abomination à l'Éternel, mais le poids juste lui est agréable. *

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*C'est un extrait de la Bible, Proverbes 11:1

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