Chaos

4. Ultimum

  L'atmosphère était glaciale, humide, oppressante. L'eau ambiante s'infiltrait jusque sous ses vêtements et dans ses bronches. Les ténèbres contrôlaient ce lieu vide, elles n'autorisaient aucune lueur d'espoir et accaparaient les âmes condamnées à demeurer dans cet espace. Les lourdes chaînes autour de ses poignets, ses amarres, tintèrent lorsqu'elle bougea. Hormis ce bruit métallique, aucun son n'était perceptible. Elle était seule, dans le noir. À tâtons, elle découvrit son environnement, en quête d'un interrupteur, d'une allumette, de la moindre source de lumière possible. Sous ses doigts glacés, la douceur d'une fourrure se fit promesse d'un peu de chaleur. Elle l'attira sur elle, resta immobile quelques instants et écouta les battements de son cœur qui menaçait d'exploser sa cage thoracique. Il voulait lui aussi fuir cet endroit. Elle tremblait de froid, de peur.

La terreur lui oppressait l'esprit et l'air humide complétait l'effroi en imprégnant son corps. Elle ne voyait plus rien, était-ce ses yeux ? Était-ce ce lieu ? Elle ne saurait conclure à ce sujet. Sa propre vie était sujette au questionnement, existait-elle encore ? Une larme tomba sur les chaînes d'acier, suivie par une pluie de sanglots. L'enfer était tombé sur Terre au beau milieu d'une belle soirée d'été.

Sa vie insouciante s'était achevée dans un immense fracas, sous un déluge de feu pourpre. Elle stimula sa mémoire, mais son cerveau lui répondit par une atroce migraine. De douloureux et chaotiques flashs s'imposèrent à elle tandis qu'elle se prenait la tête entre les mains. La douleur cuisante brouillait ses sens et le peu d'esprit qu'elle avait encore. Elle ferma les yeux et sombra dans l'inconscience.

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— Le stade est plein ! Viens ! Il faut qu'on trouve nos places !

Alix, un énorme sourire aux lèvres, s'engouffra dans l'un des longs couloirs de béton que comptait le stade Ultimum. Elle tirait derrière elle son amie Hélèna, tout aussi excitée. Comme des dizaines de milliers de personnes, elles venaient assister à la course de l'année : l'intersphère ultimum, ou Ultimum. Trois tours, seize compétiteurs et compétitrices, toutes les couches terrestres et de l'atmosphère à traverser à une vitesse folle. Circuit unique où la moindre erreur pouvait être fatale, l'Ultimum était visible depuis l'espace. Une musique entraînante associée à une centaine de spots lumineux et épileptiques divertissait la foule amassée sur les gradins en attendant le départ. Cette course de vaisseaux tous terrains rassemblait l'élite de la planète et une plèbe venue acclamer ses champions. Certains économisaient toute une vie pour assister ne serait-ce qu'une fois, à ce spectacle sans égal. Pour le vainqueur, rien ne serait plus trop beau ni trop cher, la gloire éternelle l'attendait après le dernier virage, et les derniers rejets d'une terre au noyau en fusion.

— J'adore cette chanson ! hurla Hélèna en se déhanchant dans les escaliers tandis qu'elles gagnaient leurs places.

La foule était en furie, mais rien de comparable avec la ferveur qui s'emparerait d'elle lorsque le signal du départ serait donné. Les deux jeunes femmes se trouvaient face à l'un des immenses écrans et juste au-dessus du gouffre, ce grand puits dans lequel plongeraient les participants après une virée dans l'atmosphère.

— Je crois que c'est la plus belle journée de ma vie ! s'écria Alix tout en regardant les publicités défiler sur les écrans.

— Ce sera vraiment le cas si ton mec gagne cette course ! lui répondit Hélèna. Je suis tellement heureuse qu'il nous ait eus ces places ! Regarde-moi ça ! Nous sommes dans le carré VIP. Nous voyons tout le stade ! Enfin ce qu'il est possible d'en voir.