Le souffle de la vie {Snamione}

4. Le souffle de la jeunesse

Hermione partie, Rogue se retrouva seul avec ses pensées. Voldemort était mort. Qu'allait devenir le monde sorcier à présent que des jours meilleurs s'annonçaient ? Et surtout, qu'allait-il devenir ? Aux dernières nouvelles, il était toujours celui qui avait tué Dumbledore, et même si Potter savait qu'il était plus ou moins innocent, le monde sorcier n'était sans doute pas prêt à l'accueillir à bras ouverts. Certes, il avait lancé le sort à la demande du vieux directeur qui était de toute façon mourant, mais c'était tout de même lui le responsable de la fin de sa vie.

Le professeur de potion soupira, ses réflexions divaguant vers les paroles de la jeune sorcière. Lui, un métamorphomage ? Il l'aurait su, depuis le temps. Après tout, il avait eu 38 ans 4 mois plus tôt, et ce genre de don était présent chez les sorciers dès leur naissance. Il attrapa le miroir que la jeune fille avait laissé et fixa son reflet. Non, décidément il était toujours le même, avec son air contrarié et son nez bien trop présent à son gout. Seuls ses cheveux persistaient dans leur blondeur. Il fronça les sourcils et s'adressa mentalement à son reflet avec un ton méprisant.

« Hors de question de rester avec cette couleur digne de Lockhart ! »

Il se concentra, et au prix d'un effort qui lui sembla surhumain, ses cheveux redevinrent noirs. Il s'assit, mi-dépité, mi-rassuré. Il avait tout de même plus ou moins le contrôle sur cette nouveauté, qu'il devait se résoudre à accepter.

Il en arrivait à cette conclusion lorsque la porte s'ouvrit vivement, laissant entrer une Hermione chargée de livres dans les bras et dans son sac. Rogue ne se retint pas de soupirer en se disant qu'elle aurait pu rétrécir ses livres pour les transporter, les faire léviter, ou mieux, lire à la bibliothèque. Mais il n'eut pas le loisir de lui faire la remarque, autant parce que sa voix n'était pas revenue que parce que la sorcière lui adressait la parole en un flot continu de mots qui lui arrivaient dans une oreille et ressortaient de l'autre.

« ... mais j'ai aussi pris L'Etude des pouvoirs héréditaires, de Magna Choyer, Les Métamorphomages, de Bénédicte Plumier, ... »

La jeune fille débita ainsi toute une liste, ne s'arrêtant qu'en voyant à nouveau les cheveux de Rogue redevenir blonds. Cela lui paraissait surréaliste, et donnait au professeur un peu de fraicheur, qui n'atténuait pourtant pas son air renfrogné. Elle regarda le changement, amusée et curieuse, ne fit aucun commentaire et posa ses livres à côté de son lit, à portée de main de Rogue.

« Miss Granger, ôtez-moi cet air moqueur de votre visage, et dites-moi plutôt pourquoi vous avez rapporté tous ces livres au lieu de les lire à la bibliothèque. » C'est ce qu'il aurait dit si sa voix était revenue. Mais il dut se contenter d'un air interrogateur vers Hermione, qui comprit plus ou moins la question.

« Je pensais que vous seriez curieux et que vous n'oseriez pas descendre pour lire avec moi. Je vous ai aussi apporté du jus de paliron, je me suis dit que peut être cela vous aiderait à retrouver votre voix. »

Rogue leva un sourcil mais ne fit aucun commentaire supplémentaire - il ne pouvait de toute façon pas. Il avala sans hésiter le contenu de la fiole que lui tendait la jeune fille, confiant sur les capacités de cette dernière.

Elle n'avait pas tort. Depuis qu'il avait été soigné par la première potion de la jeune fille, il n'avait pas osé mettre un pied en dehors de la chambre, redoutant de découvrir l'état du château ou de croiser quelqu'un. Il prit un livre au hasard et commença sa lecture pour se donner de la contenance. A son grand étonnement, le livre était bien écrit, clair et détaillé mais sans propos inutiles. Il leva un œil vers Hermione, la soupçonnant d'avoir choisi ce livre pour lui et de l'avoir mis en évidence pour qu'il le choisisse instinctivement. Cette dernière, plongée dans sa lecture, ne vit pas le sourire en coin que fit Rogue avant de se reconcentrer sur sa recherche.

Après quelques heures de lecture, et alors que le ventre d'Hermione commençait à crier famine, la jeune fille poussa un cri de victoire.

« Professeur, j'ai compris ! »

Rogue retint un sursaut et prit sur lui pour lever la tête lentement vers la Gryffondor. Il réussit à lui parler d'une voix faible.

« - Miss Granger ?

- Je pense que j'ai compris pourquoi vous ne saviez pas que vous étiez métamorphomage. Sans vouloir vous offenser, vous êtes quelqu'un de très retenu, vous n'exprimez pas vos émotions facilement, et...

- Les faits, Miss Granger.

- Eh bien je pense que vous avez tellement le contrôle sur vos paroles et vos pensées à cause de votre infiltration auprès de Voldemort que vous avez empêché votre pouvoir de s'exprimer. C'est un pouvoir instinctif, certes régi par la volonté, mais surtout par les humeurs. Le contrôle des émotions signifie le blocage du pouvoir. »

Hermione ne voulut pas en rajouter, mais maintenant que Harry lui avait parlé du passé de Rogue, elle savait que le professeur avait dû faire preuve de beaucoup de contrôle depuis sa jeunesse. Son pouvoir n'avait donc tout simplement jamais eu l'opportunité de s'exprimer.

Rogue, lui, réfléchissait à toute vitesse. La théorie de la jeune fille était plus que réaliste. Ce qui l'inquiétait maintenant, c'était que le pouvoir se manifeste, car cela signifiait qu'il n'avait plus le contrôle sur lui-même. Même si la menace Voldemort n'était plus présente, il avait l'habitude de se contrôler et ce relâchement était effrayant.

« Professeur, c'est une nouvelle chance pour vous. »

La phrase coupa les pensées de Rogue. Une chance ? Cette perte de contrôle ? Il lâcha un petit rire moqueur mais ne dit rien, attendant que la Miss-je-sais-tout continue dans sa lancée de génie. Il lui devait bien cela, après sa découverte.

« Si vous vous métamorphosiez, vous pourriez recommencer à zéro. Devenir un autre sorcier, changer de voie, de vie. »

Rogue se leva brusquement et se mit à faire les cent pas dans la pièce. Il n'avait pas le droit à une autre vie. Il n'avait pas su protéger Lily, Dumbledore, Drago, Potter Junior et sa clique, pas plus que tout le reste de l'école. Alors non, il ne recommencerait pas une nouvelle vie comme si rien ne s'était passé. Pour quoi faire d'ailleurs ? Même si son apparence changeait, son caractère resterait le même. Il serait aussi seul qu'avant, si ce n'était plus, maintenant que Dumbledore n'était plus de ce monde. Et pour quel métier ? Il aimait enseigner, voir la lueur de compréhension dans les yeux de ses élèves, rire intérieurement de leurs échecs, les voir retenter, étudier, chercher. Il était fier de leur enseigner. Même s'il ne l'aurait jamais admis.

« Vous pourriez même redevenir professeur de potion. »

La remarque d'Hermione lui fit se demander s'il avait pensé à voix haute. Elle le comprenait un peu trop bien à son goût. Depuis quand était-ce le cas ? Le regard de l'homme se teinta de tristesse. Il ne comprenait pas pourquoi la jeune Gryffondor persistait à l'appeler « Professeur » et à le traiter avec respect. D'où lui venait cette bonté ? Est-ce que Potter lui avait tout dit ?

« - Je ne veux pas de votre pitié Miss Granger.

- Ce n'est pas de la pitié, Professeur. C'est mon amitié que je vous offre. Nous vous sommes tous redevables pour ces années que vous avez sacrifiées pour nous. Harry m'a raconté... Vous êtes une bonne personne. Vous savez professeur, je suis contente que vous soyez vivant. »

Rogue, qui tournait le dos à la Gryffondor, afficha un air ahuri à cette remarque. A 38 ans, il découvrait qu'une jeune femme de 19 ans pouvait balayer sa solitude en quelques mots. C'était sans douce cela, ce que Dumbledore appelait : le souffle de la jeunesse.

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