Tu ne vengeras point

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Isaya rêvait. Il était immobile dans un couloir sombre devant une ouverture par où filtrait de la lumière. Il savait qu'il rêvait mais comme toutes les autres fois il lui était impossible de se soustraire au cauchemar. Condamné à rejouer son rôle encore et encore, il était là paralysé alors qu'une silhouette immense passa devant la porte sans le voir projetant son ombre démesuré sur lui. Après un temps qui lui sembla durer mille ans il entendit comme au premier jour les cris, les bruits de la chaire qui se déchire et des os broyés. Il ferma les yeux incapable de bouger incapable de se boucher les oreilles et de se soustraire à l'horreur. Puis ce fut son tour de bouger et ses pieds se mouvèrent l'emmenant vers une scène qui était si douloureusement imprégnait dans sa mémoire qu'il aurait pu la peindre dans le moindre détail. Il aurait pu resituer la lumière sur les cadavres sans omettre la moindre goutte de sang, les bouts d'entrailles et le plus petit caillou blanc d'os brisé. Puis ses yeux se levèrent et il le vit l'ombre horrible, le monstre de ses cauchemars, la créature qui lui avait tout volé mais sans laquelle il ne pouvait pas vivre.

Il se réveilla en sursaut. Il se réveillait toujours en sursaut à ce moment du cauchemar, mais le réveil loin de lui apporter enfin un peu de répit pour son âme le mit face à un nouvel ennemi.

-Apprenti Isaya, grinça la voix rauque et brisé de l'Asper.

Le jeune homme se redressa dans son lit. Dans sa robe de bure l'homme qui lui faisait face était si maigre et voûté que dans la nuit il ressemblait à une goule.

-Vous faisiez un rêve apprenti Isaya.

-Oui Asper Everet.

L'homme aveugle le vrilla de ses pupilles mortes.

-Non, cracha-t-il sèchement. Vous faisiez un cauchemar, celui de votre vengeance.

Si l'homme avait depuis longtemps perdu l'usage de ses yeux il avait en contrepartie obtenu le pouvoir de flairer les rêves. Isaya coula un regard vers la porte qu'ouvrit un frère en brandissant une torche tandis qu'un autre entrait en tenant dans ses poings de lourdes chaînes.

-Vous connaissez, les préceptes de notre ordre apprenti Isaya.

-Oui Asper Everet, répondit-il même s'il ne s'agissait pas d'une question.

Il se leva en repoussant les couvertures contourna l'Asper avant de se diriger vers la porte et de tendre les poignets. Il ne leur fit pas le plaisir de se plaindre quand on lui passa les chaînes et ne résista pas d'avantage alors qu'on l'emmenait seulement vêtu d'une chemise à travers les couloirs glacés de la citadelle.

Ses pieds nu foulèrent la pierre humide du sol des geôles, et il attendit alors que le frère préposé au clefs déverrouillait la lourde porte en fer qui fermait l'entrée d'une des cellules. Il s'avança au centre de la pièce et tendit à nouveau ses poignets pour qu'on lui défasse les chaînes. Il leva les bras pour permettre aux frères de lui retirer sa chemise et de lui attacher les fers qui pendaient depuis l'obscurité de la voûte.

-Vous resterez ici jusqu'à l'aube, dit l'Asper. Un frère vous libérera pour que vous puissiez assister à l'office.

-Oui Asper Everet.

L'un après l'autre les frères quittèrent la cellule, l'Asper fut le dernier à sortir.

-Répétez vos préceptes peut-être vous apporteront ils la paix.

La grille se ferma avec un lourd grincement et un bruit sourd qui résonna sous la voûte de pierre. Le silence qui succéda était troublé par le bruit des gouttes dégoulinant le long des murs de pierre. Isaya soupira et son souffle lui apparut comme un nuage dans le raie de lune qui filtrait depuis une meurtrière. Il maintint ses bras bien tendus en hauteur.

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