perdue...

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Je sors enfin de cours avec le reste de ma classe. Tout le monde se précipite vers la sortie, normalement je fais partie du lot mais pas aujourd’hui.. Aujourd’hui spécialement je n’ai pas envie de sourire, je ne veux pas faire semblant encore une fois, juste aujourd’hui, pour cette journée spéciale je ne retiens pas ma peine et je ne me dépêche pas. Je marche au pas et espère que jamais je n’atteindrais la sortie. Au portail je retrouve Ella et Mae, on prend les vélos et on part. Sur toute la route j’essaye de pédaler le plus lentement possible mais je sais que, quoi que je fasse je serais obligé de rentrer tôt ou tard. Je quitte Mae et Ella au tournant, elles m’ont parlés pendant tout le trajet mais je ne sais même pas ce qu’elles m‘ont raconté. Une fois que je suis en dehors de leurs champs de vue je m’arrête. La campagne me sourit, les oiseaux chantent et les arbres semblent me parler. Je ne sais pas combien de temps je reste assise là mais le ciel s’assombrit et, à mon plus grand désarroi je suis obligée de faire demi-tour et de rentrer.

Avant d’arriver je prends le soin, à l’aide d’un clou, de crever le pneu de mon vélo et d’aller le mettre dans la remise. Je passe par la porte de derrière, je traverse la cuisine et arrive dans le corridor où j’entend déjà les voix de mes parents entrain de se crier dessus. Je sais comment tout cela va finir et pourtant, une fois de plus je supplie le ciel de faire en sorte que quelqu’un passe par là et entende ces éclats de voix. Mais je sais que même cela ne résoudrait rien. Je monte dans ma chambre en essayant de faire le moins de bruit possible mais, trop tard, mon père m’aperçoit et crit  :
“Ariana, viens ici! Pourquoi tu as mis autant de temps pour rentrer?”
Je sursaute et fait demi-tour. Je vois le bras de ma mère tout rouge et qui commence même à virer au bleu, demain encore elle ne pourra sûrement pas aller travailler. Je ne comprenais pas pourquoi est-ce que elle n’appelait pas la police, j’aurais tellement aimé le faire mais elle me disait que mon père lui a pris ses papiers à notre arrivée en France et qu'elle ne peut donc pas justifier sa présence ici contrairement à moi, elle avait donc peur de se voir renvoyer en Colombie où elle n'avait plus aucune famille.
J'explique à mon père que mon pneu a crevé sur le chemin et que j’ai été obligée de rentrer à pied, je lui demande ensuite ce que je peux faire pour lui ?
Je ne veux même pas entendre la réponse et pourtant, pour une fois il ne donne pas de coup sur le mur et ne me crie pas dessus il me dit simplement :
“mets la table s’il te plaît je suis fatigué”
alors, sans répondre je retourne dans la cuisine, soulagée et je me dépêche de tout mettre en place puis je file dans ma chambre. J’essaye de me concentrer sur mes devoirs mais les cris qui, d’habitude m’empêchent de travailler ou dormir, ce sont dissipé. Curieuse, je descends doucement les escaliers et vois simplement mon père assis sur le canapé entrain de lire le journal et ma mère entrain de regarder la télé avec une poche de glaçon au bras. Est-ce que je rêve là ? Il s’est passé quoi? J’ai du louper un truc, heureuse je remonte et arrive à terminer mes devoirs puis je me pose sur mon lit et je lis le livre que j’ai acheté ce matin. La lecture me permet de m’évader et d’oublier le reste du monde, mais aujourd’hui je me plonge encore plus que d’habitude dans mon livre, je voyage et découvre un monde merveilleux. Est-ce le livre qui me donne cette sensation ou alors la tranquillité qui règne dans la maison? Je ne sais pas mais en tout cas il faudra que j’achète la suite.
Ma mère me stop dans ma lecture pour aller manger.

Je sers à manger vu que ma mère ne peut pas et l'aide à s'installer. À ma plus grande surprise mon père vient s’installer avec nous, je n’avais mis le couvert que pour deux mais j’en rajoute un immédiatement avant qu’il ne crie, mais il ne fait rien. Je pose son plat à une distance respectable de nous, il me regarde et il sourit.
Il se passe quoi là ?
On commence à manger dans un silence pesant, même si ça fait plus de quatre ans aujourd’hui qu’on avait pas mangé tous ensemble je dois admettre que je préférais même quand mon père resté à l’écart. Il est le premier à briser le silence et il me demande comment s’est passé ma journée, je ne comprends pas… mais je fais mine que tout est normal et lui raconte mes cours. Je mets le moins de détails possible puisque je sais que ça peut très rapidement l’énerver si ça l’ennui et puis je n’ai pas du tout envie de raconter ma vie à cette personne qui n’est pour moi qu’un simple étranger, puisque je considère que mon père est mort il y a quatre ans aujourd’hui, avec mon petit frère.
Contrairement à ce que je m’attendais mon père semble s'intéresser à mes cours, il me pose des questions sur ce cours de physique que j’ai eu l’air de tant apprécié. Il va jusqu’à me demander ce que je voudrais faire plus tard. Bien sur je lui répond que je ne sais pas, ce qui n’est pas complètement un mensonge étant donné que je n'en suis pas encore sûre mais il est vrai que j’ai tout de même une idée de quelle branche je vais choisir mais ça, évidemment il en est hors de question que je le lui dise, je n’ai plus confiance en lui depuis nôtre arrivée en France.

Ma mère n’a pas ouvert la bouche depuis le début du repas, elle semble pourtant en redouter la fin. Je débarrasse et m’apprête à retourner m’enfermer dans ma chambre comme chaque soir mais à mon plus grand désarroi mon père me demande si je peux rester regarder la télé avec eux. Je n’ai pas le courage de refuser, et je m’assieds donc devant le téléviseur. A un moment, alors que je me lève pour aller aux toilettes j’aperçois les mains de mes parents entrelacé. À vrai dire je ne comprends toujours pas et j’en veut aussi à ma mère d’aimer cet homme qui a détruit sa vie et la mienne avec. Je lui en veut de ne pas avoir le courage d’appeler la police à chaque fois qu’il lève la main sur elle, je lui en veut de penser qu’il l'aime, je lui en veut tout simplement d’encore l’aimer.
Au moment où l'émission se termine et que je crois enfin être libre de retourner dans ma chambre c’est ma mère qui me demande de rester. J’ose enfin leur demander ce qu’il se passe.
Ma mère baisse les yeux, mon père ne montre aucune expression et esquive mon regard appuyé, mais enfin elle me dit :
“Ariana...J’ai un cancer des poumons...”

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 30, 2019 ⏰

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