Le monde est quelque chose de difficile à qualifier, tantôt une sphère, tantôt un pays, une ville, ou même un peuple. Sans vraiment savoir l'exprimer comme une entité indépendante, on a davantage tendance à l'assimiler à l'Homme. On ne le voie plus selon sa propre existence mais plus comme un moyen de décrire la société, comme s'il n'était en fait qu'un biais, un moyen, et non plus un être lui-même complet, une finalité. On voit souvent ces phrases, resservies à toutes les sauces, comme si leur répétitions abusives allaient apporter un semblant de vérité à une suite de mots pathétique : " C'est un monde de merde, de toute façon", "ce monde ne vaut pas le coups", etc.
La réalité est pourtant simple : nous ne voyons pas le monde pour ce qu'il est. Il n'a rien de complexe, il ne s'apparente qu'à un espace. C'est un domaine que nous pouvons juste fouler des pieds sans vraiment le comprendre. Car la compréhension n'a rien à voir dans cette histoire. Si le monde était une tête, nous serions les quelques poux perdus entre deux quartiers chevelus. Nous serions ces bestioles minuscules qui se contentent d'user jusqu'à la moelle les ressources sur place.
Mais je m'égare, il est évident que je ne veux pas parler du monde et de la vie des poux dans la jungle capillaire d'un anonyme lambda. Je vais vous parler de la société telle que je la perçois à travers mon filtre optimiste et naïf.
De base notre société se veut neutre, avec une connaissance posée depuis des générations du bien et du mal, et c'est par notre action, à nous, que la balance penche d'un côté ou de l'autre. Nous sommes tous responsables de ce qui se passe et le nier ne changera rien. Peut-on blâmer le serpent qui nous mord alors que l'on tente de lui faire goûter la semelle de nos Adidas hors de prix ? Partons donc de ce principe et posons nous quelques questions. Tant de personnes se plaignent de la société, de ce qu'elle est et de ce qu'elle représente, mais pourquoi devrait-elle être si néfaste et si corrompue ? Toutes ces personnes qui la voient comme le mal - ce serpent bon à manger des coups de savates au moindre sifflement inopportun ; ces personnes ne devrait-elles pas la monter vers le haut, l'élever vers une société bien pensante ? Peut-on simplement élever la voix en espérant que la situation change, ou devons-nous évoluer nous-même ?
J'observe ces gens qui blâment "le monde", "la société", "l'univers", "la patriarchie" et que sais-je encore. Je les vois au quotidien, emmitouflés dans le bien fondé de leur libre pensée normalisée par des décennies de télé-réalité, de représentants politiques véreux, de changements de sexes parfois hasardeux. Je les vois se complaire dans leur vérité, et ça me fait peur. La crainte d'une chute irrémédiable, que quelque chose de mauvais se prépare et que personne ne saura stopper.
Ils critiquent, se plaignent, et viennent geindre à la première occasion quand leur liberté est bafouée, avant d'appeler à l'aide quand cette même liberté devient trop grande à assumer. Ils font des choix, des actions aux multiples conséquences , et quand la pire de ses dernières vient frapper à leur porte pour dire : "Il est temps de passer à la caisse", il font comme si de rien n'était :
"C'est la mauvaise porte. Vous aurez peut-être plus de chance chez le voisin."
Pleurer sur "un monde qui pourrait être" ne fait pas parti de mes qualités, j'en ai peur, et vous avez dû vous en apercevoir. La masse larmoyante qui nous vends du "je rêve d'un monde où ..." ne m'atteins pas. À mon sens, ils sont comme ces idiots qui voient un nid de vipères et vont y foutre le boxon sans s'attendre à être mordus. Il n'y a pourtant rien de bien compliqué. Quand on se fait mordre par un reptile, il existe un remède à son poison. Il suffit d'en capturer un, de lui faire cracher son venin et de créer un antidote à partir de l'échantillon. La logique est simple et à partir de là on peut balancer ses pieds où on veut. Mais quand une société vient nous pondre les mêmes merdes que les précédentes et que certains ne s'y attendent pas, je ne peux m'empêcher de les voir comme ces fanatiques de la morsure idiote. Ils en arrivent à ce point de jubilation masturbatoire quant à leur malheur que le simple fait de leur exprimer une idée nouvelle, voire fantaisiste (et pourtant juste dans le fond), revient à s'attaquer à leur croyances. "Arrêtes de vivre dans un monde de bisounours", qu'ils disent en guise de réplique ...
Mais pourtant le changement ne vient pas de la société mais des individus qui la composent.
Et qui sont ces individus, si ce n'est nous ?
La nouveauté fait peur. Et bordel, ces gens ne savent pas l'appréhender. Leur honnêteté devient hypocrisie dans un cercle infernal d'une imbécillité sans nom. Ils deviennent eux-mêmes des serpents cherchant à se bouffer la queue, comme s'il tentait de se réinventer en s'avalant. "Regarder davantage son nombril pour devenir meilleur", est-ce vraiment possible ?
J'en serais dégoûté si la tristesse ne prenait pas le pas sur mes soubresauts intestinaux.
Je pense que c'est en réalité dans cette complaisance que réside une grosse partie du problème. Se plaindre pour se faire entendre et pourtant ne rien changer. Les paroles sont belles mais les paroles s'envolent au gré du vent ou se perdent dans les sifflements du serpent. Elles sont éphémères et n'ont de sens que dans l'instant où elles sont prononcées. S'il n'y a pas une action pour les faire perdurer alors elles sont comme cette flatulence que je vient de lâcher devant mon écran : elle file dans le temps et l'espace, en silence, avant de mourir dans le néant, inutile.
L'injustice fait partie de notre quotidien. Regardez le clochard sous votre porche : est-ce qu'il fait partie des exclus alcooliques et instables au passé douteux, ou fait-il partie de ceux qui ont manqué de bol et qui ont fini à la rue malgré leur bonne volonté ?
Alors ?
Vous n'en savez rien.
Vous ne le regardez même pas.
On parle changement, on parle améliorations, mais on ne connaît même pas son voisin. On veut le meilleur pour une nation quand on ne pense qu'à nous-même. On veut une révolution, un monde nouveau, mais le monde n'a rien à voir là-dedans, c'est nous qui en sommes la cause. On désire arrêter de se faire cracher dessus par notre supérieur alors qu'on le fait sur notre subalterne ?
Où est la logique ?
Les gens ont du pouvoir quand on le leur accorde. Regardez les serpents : c'est en ne sachant rien d'eux, en agissant en irresponsables qu'on finit par se faire mordre, puis vient la jambe qui gonfle, les yeux qui se révulsent, et parfois la mort pour dernière étape. Ont-ils un quelconque pouvoir ? Non. Il se défende comme ils le peuvent. Et la société a de nombreux moyens de se défendre, moyens que nous lui avons apportés nous-mêmes au fil des années.
Les choses pourraient changer, certes. Un rêve, une idée folle, peut-être même une nouvelle réalité sont possibles. Mais entre temps, je ne vois que des reptiles qui s'entortillent et se contorsionnent dans l'espoir de se manger la queue, le tout baigné de larmes hypocrites.
Et la seule chose que je puisse faire est de perdre ma mue, évoluer, et rire et pleurer de mes congénères qui se reniflent le cul comme si leur existence dépendait de cela.
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Reflexion
Non-FictionQuelque réflexion qui trotte dans ma tête, que j'écris pour les laisser filer au grès du vent.