Prologue, "L'inconnu de la Cathédrale"

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C'était un soir de décembre, je pense, il devait être une heure du matin. Le ciel était encore noir, et tout le compté de ZiziFarceur, à l'époque capitale de la Bavière et du Saint Empire Romain, était également plongé dans l'obscurité. Les rues étaient prises par un silence de mort, seul les bruits insignifiants du fleuve et des petites bêtes pouvaient être entendus. Mais pendant que la ville ronflait, un homme lui marchait, une torche à la main. Il était vêtu d'une longue cape, son visage était en majeure partie caché, seul son nez crochu et long pouvait être distingué. En le voyant ainsi, même si personne ne put le voir, on peut lui attribuer l'âge de cent ans. En effet, il n'avait pas la figure d'un jeune homme sportif et dynamique, mais plutot d'un vieux croulant. Son dos était anormalement courbé, mais il n'était pas bossu. La main qui tenait sa torche était osseuse, tout son corps aussi. Il avait une démarche comparable à celle d'un canard, ses pieds avaient entre eux un écart considérable, et étaient pivotés à plus de 10 degrés, cela lui donnait un air complètement grotesque, mais tant qu'il pouvait marcher il ne se plaignait pas. 

Devant lui, il y avait une cathédrale, elle avait été batie deux bonnes dizaines d'années auparavant par le Roi Arnulf, afin de célébrer la victoire de la croisade contre les musulmans en ibérie. Elle faisait au moins 20 mètres de haut, sûrement plus. Il décida de s'y aventurer, entrouvit la porte et éteigna sa torche. Un homme récitait une prière, ou quelque chose dans le style au moins. Il portait lui aussi une longe cape, mais son capuchon était retiré, l'on pouvait voir ses longs cheveux gris et clairs. 

" Ô civilisateur, ta suprême malice 

   Inventa la morale et l'humaine justice 

   Qui vers le ciel sanglant font fumer le supplice. " 

Le prieur agenouillé et les bras pointés vers le toit continuait à réciter ses vers de sa voix roque et presque éteinte. Notre homme-canard lui s'assit à la troisième rangée, admirant le spectacle tout en ne faisait aucun bruit. 

"Tu rives tour à tour et tu brises nos fers, 

  Martelant sans relâche aux forges des enfers 

   La contradiction, pivot de l'univers."

Il remarqua peu après le corps sanguinolent d'un prêtre, et de ses disciples, cependant cela ne sembla pas le choquer. Le prieur était entouré de sang,  et également recouvert de rouge. Il hurlait avec ferveur les mots qu'il avait visiblement appris par coeurs.

"Sans ta rébellion Dieu n'aurait pu rien faire.
  Tous les êtres sont nés du feu de ta colère. 

   Nous te glorifions, Satan, notre vrai père !" 

Le spectateur ne put pas s'empêcher de rigoler en entendant le dernier vers. Le lunatique remit sa capuche ensanglantée et se retourna.  Il cria, " Quel vil coquin ose donc interrompre le rituel sacré que je suis en train de faire?", il avançait vers l'interlocuteur insolent, une dague à la main.

"Ne croyez vous pas, mon cher ami,  qu'il est assez ironique de votre part de me traiter de vil coquin ? La seule chose dont je suis pour le moment coupable est d'avoir mis fin à votre sombre et immense action sans aucun doute, de nature coquine." répondit l'accusé, d'un ton plus que moqueur.

"Espèce de..." le personnage tourné en ridicule, ne fût pas du tout amusé. Il s'approcha de son adversaire immobile, et une fois la dague au dessus de son crane, donna un coup brut et sec vers le bas. Il ferma les yeux pendant une seconde, et quand il les réouvrits, il ne vit non pas un crâne percé par sa lame, mais un homme parfaitement sain, ayant tout simplement esquivé ce coup qui devait être fatal.

"Crève !" Il cria encore plus determiné à l'achever. Cependant le résultat ne fût pas meilleur. il le traita de " Musulmalin" " Chrétin " ou encore "Grossexien" ce qui fit encore rire sa cible. Il tenta de le poignarder ,encore et encore, donnant lieu à une course poursuite des plus cocasses. Cependant le vieillard épuisé trébucha, et en se relevant son visage fût révelé. Il avait les yeux bleux, un nez des plus respectables, des lèvres symmetriques ni trop fines ni charnues et des pommettes saillantes. Il était vieux, très vieux, mais il devait être beau dans sa jeunesse. En moins d'une seconde son identité fût identifiée par l'homme au dos courbé, il le lui fait comprendre assez rapidement. " Bon sang, qui aurait cru que vous faisiez ce genre de choses ?" il ricanna, " Je ne savais pas que c'était vous, excusez moi mon seigneur." il révéla également son visage.

 Il avait des yeux bruns d'une clarté exceptionelle, ils étaient presques oranges. Comme mentionné plus tot, son nez crochu était proéminent, et ses oreilles étaient grandes. Il avait les joues extrêmement creuses, probablement dû à sa maigreur. Ses lèvres, elles presque indercernables étaient formées d'une façon bien étrange, le côté droit était plus élevé que l'autre ce qui donnait l'impression qu'il souriait constamment, mais plus d'une façon moqueuse que joviale. Il devait avoir une bonne trentaine d'années.

"J'imagine qu'être Empereur est un travail bien épuisant et qu'il n'est pas tout à fait anormal de se mettre à des pratiques questionnables, cependant je me pense bien obligé de vous dénoncer.Je toucherai sûrement une bonne prime de la part de votre fils." il rajouta, toujours en souriant.

En effet l'homme qui était devant lui était bel et bien Arnulf Karling, surnommé " Le feu purificateur" pour avoir servi Dieu par son épée et pour avoir chassé les infidèles d'Andalousie. Quelques personnes à sa cour avaient entendus des rumeurs sur ses croyances, cependant la réputation qui le précède était assez à leurs yeux pour juger ces ragots absurdes.

Démasqué, le vieil empereur vacillait. était-ce donc la fin ? Il tomba au sol sur son dos, et ferma les yeux. Il s'endormit, n'esperant jamais se réveiller. Il revoyait dans son rêve ses myriades d'amantes, ses enfants, ou même ses parents. Il revoyait aussi ces champs de batailles, ou armé de son arme il trencha des gorges de maghrebins. Il revoyait aussi son chat, et ses yeux verts et ronds mis en avant par ses poils d'un noir abyssale. Le soir pluvieux ou il vint gratter à sa porte pour la toute première fois il décida de le baptiser " Nègro ", et ils ne se quittèrent jamais depuis ce jour. Ce félin serait sans aucun doute la seule chose qui manquerait à Arnulf, c'était son seul ami, son unique raison de vivre. 

Après ces visions, qui le rendait déjà nostalgique de son existence, il se retrouva dans une pièce obscure. Il n'arrivait pas à voir ses mains, ou même ses jambes, mais arrivait cependant à se sentir. Il marchait, mais ne voyait rien devant lui, ce qui ne l'empecha pas de continuer. Il marcha pendant ce qui semblait pour lui être une heure, et tout à coup, à nouveau épuisé, il s'arrêta. Il décida de se laisser tomber au sol, et contemplait, allongé, l'obscurité totale. "C'est donc ça. L'enfer." il murmurait, et s'entendit parfaitement, comme dans les cavernes qu'il explorait dans sa jeunesse, le son de sa voix faisait écho, et comme dans ces cavernes, y rester trop longtemps provoquait des visions, parfois très étranges. Il fut pris de panique lorsque qu'il aperçut son ancienne femme au loin, qui se rapprochait, lentement, tout en le fixant. Le visage était flou, mais il l'a reconnu, ses lèvres, inoubliables furent les seules qu'il voyait clairement. Bientôt elles s'ouvrirent, et le bruit harmonieux de sa voix faisait également écho. " Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi?" elle répéta, encore et encore, tout en accelérant le pas, et, lorsque sa main vint toucher le visage osseux et appeuré de son mari, l'orage éclata. La foudre s'abattait partout, mais n'éclairait pas cet étrange endroit dans lequel il était, et bientot un éclair vint écraser celle qui autrefois était l'être le plus cher à ses yeux. Il voulait fermer les yeux, mais une force lui en empechait. Un "Pourquoi" se fit encore entendre, cette fois-ci sous la forme d'un cri stridant, qui força Arnulf à se retourner, ne voulant pas assister à ce spectacle funeste, mais partout ou il regardait il la voyait. Ne pouvant plus supporter la douleure qui l'envahit, il poussa un cri, énorme et plein de regret. Sans savoir comment, il était à présent allongé dans son lit.

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⏰ Last updated: Apr 14, 2019 ⏰

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