1- Première lettre

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Chère Marie,

J'ai tant à vous dire. Du moins, c'est ce que je pensais jusqu'à ce que je prenne cette plume et cette feuille. Et voyez,ma mie,je ne sais plus ce que j'avais de si important à vous dire. Pourquoi donc mon âme me pressait-elle de prendre cette plume ? Pourquoi ? Je n'en sais rien. Mais maintenant que j'écris, il me vient à la pensée que je veux juste trouver un prétexte de quérir de vos nouvelles. Au vu des évènements de ces derniers jours, je n'ai plus l'âme en paix et,  vous savoir à des lieux de moi ne soulage point le tourment qui me submerge. Je me noie de craintes pour votre vie, belle reine.

Que ne donnerais-je à la vie pour vous revoir? Que ne donnerais-je au diable pour un baiser de vous? Les rois tombent,votre roi est tombé. Depuis combien d'années n'attendais-je ce moment ? Cette nouvelle m'attriste au plus profond de moi, mais je ne pus ignorer qu'elle est la libération de nos deux consciences souillées par le caractère immoral de ce que nous faisions vous et moi, à la cour de France, dans le palais même de votre feu époux le roi. Je vous aime encore Marie,et cet amour a nombre de fois failli me coûter ma tête, et vous,votre couronne et le soutien de Rome. Le roi, aujourd'hui, est tombé. Je suis noble et possède des titres, mais je ne suis ni roi, ni même prince. Je possède des terres mais pas de sujets. Peut-être fais-je fausse route en m'imaginant qu'une aussi charmante dame que vous,ma reine, puisse trouver autre intérêt à homme tel que moi si ce n'est celui d'une aventure d'un soir.

Je sais que la situation politique actuelle du pays ne permet pas que vous laissiez votre cœur être le gouvernail de vos sens. Le royaume est fragile. Votre couronne tangue et pourrait tomber à tout moment. Et moi, que le diable m'emporte, j'ose vous parler de futilités telles que le cœur. Mais qu'y puis-je ? Voyez ma lettre comme la fièvre d'un amant,qui ivre de tourment, se sent obligé de parler de ce qui,depuis maintenant plusieurs mois, le rend mourant.

Oui, Marie,je suis mourant. Que ne puis-je donc pas risquer maintenant ?Ma vue faiblit, mon nez et mes oreilles saignent. Les médecins me damnent à une mort certaine. J'ai la gorge brûlante, enflammée. Le diable y a mis la braise. Je ne sais quand ma lettre vous atteindra. Mon messager devra contourner tout le pays pour vous l'apporter afin d'éviter que les hommes du roi ne le prennent ou que la lettre tombe entre de mauvaises mains. Il risquerait la potence,moi d'être noyé et vous votre couronne. Rome ne saurait pardonner à une reine son infidélité. Pire,une idylle avec un protestant. Ma lettre pourrait vous compromettre, je ne le sais que trop, mais je ne pus m'empêcher de l'envoyer ou ma mort serait précipitée. L'Eglise Catholique a commis tant de crimes au nom de Dieu que j'en arrive moi même à espérer que Dieu soit plus Catholique que Protestant. Cas contraire,je ne m'imagine comment malgré toute sa miséricorde,il pourrait pardonner tant de méchanceté. À cette lettre,je joindrai bien d'autres. Vous n'avez nul besoin de répondre à ces lettres. Vous dire celà empêche mon cœur d'être dans l'attente de vos lettres. Ainsi,je pourrai me réconforter en vous imaginant la lire. Ces pensées contenteront plus que je ne le mérite,mes derniers jours. Je suis épuisé. Je ne pus écrire plus aujourd'hui. Je vous aime Marie,et les larmes qui mouillent cette lettre en ce moment, m'en sont témoins. Recevez mes hommages ma très chère.

"Qui vous savez"

Lettres d'un amant mourant Où les histoires vivent. Découvrez maintenant