À la recherche d'un non-chômage

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Non, je ne suis pas désespérée. Naïve et un peu trop optimiste peut-être, mais je refuse de me considérer comme sans espoir. Ce n'est que mon 10ème mail de refus en plus, d'autres en ont certainement reçu une trentaine de plus avant de baisser les bras. Je croyais en moi. Je croyais en mes compétences, en mes études et à mon avenir brillant. Après tout, tous les grands noms de ce monde étaient passés par des phases très sombres avant de connaître la douceur de la réussite, comme ma reine J.K. Rowling quand elle avait créé ses détraqueurs. Moi qui avait toujours mené une vie facile, il ne me restait plus qu'à serrer les dents et attendre cette phrase qui finirait bien par finir un jour ou l'autre.

Retirant mes lunettes, je massais mon pauvre nez en soupirant, glissant chaque seconde un peu plus de ma chaise de bureau. J'avais toujours été dans l'état d'esprit « le chômage, c'est pour les autres ! », mais je me retrouvais chaque jour un peu plus poussée à reconsidérer mes croyances. J'étais pourtant pleine de bonne volonté, j'avais toujours eu de bonnes notes, j'avais un beau sourire et yeux pétillants de vie, d'après ma grand-mère. M'avait-elle menti ? Reprenant courage, je repoussai mes verres sur mes yeux, et commençais à faire de nouvelles recherches, me dirigeant vers des sites d'annonces de plus en plus douteux. Je n'étais pas prête à travailler au McDo. Même si je respectais beaucoup les gens travaillant dans les fast-foods (PewDiePie avait bien commencé en vendant des hot-dogs), je voulais encore m'accrocher à l'espoir de décrocher un job pour lequel j'avais trimé les cinq dernières années.

Parmi les nombreux onglets qui figuraient à présent sur ma fenêtre de navigation, 5 se révélèrent être des fausses pistes. Le dernier onglet m'amena sur un site web qui devait dater du début d'Internet. J'avais mal aux yeux rien qu'à regarder le rouge et le vert fluorescent sur le fond noir de la page. Aie. Alors que je m'apprêtais à couper, le bas de la page attira mon attention :

« Cherche libraire, avec ou sans expérience, urgent. Venez déposer votre C.V. directement à la librairie, notre boîte mail est cassée »

Notre boîte mail est cassée ? Misère, où est-ce que j'étais encore tombée moi. Je jetai un coup d'œil à l'adresse de ladite librairie : à peine à trente minutes de chez moi. Je sentis mon sourcil se hausser presque malgré moi et m'empressais de le redescendre. Non, non et non. Ce site web n'augurait rien de bon. Si la librairie était à son image, je ne pourrai pas dire que je n'avais pas été prévenue. Par une simple curiosité détachée, j'inscris sur Google le nom de la librairie, histoire de voir si elle existait vraiment. Rien. Il n'y avait rien. Pas une image Google, aucune indication sur Google map, pas de revue d'un seul client, rien, nothing, nada. C'était bizarre, mais apparemment trop bizarre pour être vrai. Frustrée, je coupai Internet et rejoignit mon lit, me réfugiant dans ma lecture de la semaine : « Le Pacte d'Emma », de Nine Gorman, mais même dans ce livre, un poste rêvé d'une libraire me narguait.

*

Quelques jours étaient passés. Rien de très productif n'était ressorti, sauf si l'on considère que terminer trois séries Netflix est productif. Ce soir était différent, j'allais enfin revoir des amies que je n'avais plus vues depuis trop longtemps. Excitée rien qu'à cette idée, je m'étais apprêtée et avait pris mes bus une heure en avance, et je me retrouvais en ville. Annonçant mon arrivée, je reçus rapidement les habituelles réponses « Je serai en retard, pardooon ! ». Décidant de rentabiliser mon temps, je commence à déambuler autour de notre point de rendez-vous lorsque je me fais soudain bousculer par un gamin. Celui-ci ne s'excuse même pas, ne se retourne pas et s'éloigne à de grandes enjambées. Aaah, la jeunesse de nos jours, pensais-je du haut de mes 25 ans.

- Mademoiselle ! Mademoiselle ! Il vient de prendre votre portefeuille ! Me hurle une femme en pointant le gamin.

Mon premier réflexe, bien qu'un peu idiot, est de lui sourire et de lui dire bonjour. Puis, mon cerveau ayant fini d'analyser sa phrase, mes jambes s'élancent à la poursuite du gamin. ARG. Et dire que ça ne m'était encore jamais arrivé un truc comme ça ! Comme si j'avais le temps ! Bon, en l'occurrence, il me restait trente minutes, mais je n'avais pas prévu de faire un jogging. Je sentais déjà mon maquillage baver et me transformer en méchante Disney (quoi que moins charismatiques peut-être).

- STOP ! Criais-je alors qu'il tournait dans une petite allée sombre. Arrête !!! J'ai même pas de monnaie !

Bien évidemment, ça ne lui suffit pas. M'engageant à mon tour dans l'allée, je ne faisais même plus attention aux flaques jaunâtres sur les pavés et à l'odeur qui s'en dégageait. Seul comptait ce gamin et mon foutu portefeuille. Contre toute attente, il finit par lâcher son butin au milieu de la rue, se tourna vers moi, me tira la langue avant de reprendre sa course et de disparaître. C'est en remarquant la porte devant laquelle le gamin avait lâché mes précieuses pièces et cartes de réduction que je commençais à rigoler. C'était franchement trop comme dans les livres. La porte allait maintenant s'ouvrir et on m'accueillerait dans un univers qui coexiste avec le nôtre depuis toujours et auquel je venais de gagner l'accès sans raison apparente. Remettant mon bien dans mon sac, mon cœur rata un battement. La porte venait vraiment de s'ouvrir, laissant apparaître une meuf bizarre avec un cache-oeil et des cheveux de sorcière, comme tirée d'un film de Tim Burton, une pile de livres impressionnante au bras gauche.

- Bienvenue mademoiselle ! Vous êtes là pour le poste?

La médecine des motsWhere stories live. Discover now