Même s'il ne levait pas le regard, il savait que la salle d'audience était pleine à craquer. Il entendait les piétinements de ceux qui cherchaient une place, les capes qui glissaient sur le sol, les raclements de gorge, les murmures excités et les remarques déplacées, il entendait chaque putain de conversation comme si on la lui avait criée dans l'oreille ; un capharnaüm digne d'une salle de classe qui faisait bourdonner ses oreilles de la même façon que si une ruche logeait dans son crâne, et ce, depuis qu'il était entré, vingt minutes plus tôt.
Lorsqu'il entendit un rire dans l'assemblée, ses poings se serrèrent si fort qu'il pensa s'en briser les os. Comment quelqu'un pouvait-il même songer à sourire, alors que son monde s'était arrêté de tourner d'une façon aussi brutale ?
- Silence, dans la salle. Silence, j'ai dis ! Nous allons reprendre l'audience.
Enfin une bonne idée. Plus tôt cette torture finirait, plus vite il serait à ses côtés.
- Nous allons donc à présent écouter le témoignage de Drago Malefoy, concernant les actes de Monsieur Caspar.
Cette fois, le silence devint assourdissant. Ses paupières retombèrent, il ferma les yeux comme s'il pouvait oublier cette mascarade appelée procès, comme s'il pouvait oublier tout le mal qui avait été fait, toutes les pertes qu'il venait de subir en si peu de temps. Non, l'obscurité ne lui serait d'aucun secours. Dans le noir, il pouvait imaginer ses traits courageux, discerner la blancheur de sa peau, mais pouvait-il sentir sa chaleur sous ses doigts ?
Jamais il n'aurait pensé qu'elle signifiait autant à ses yeux. Jamais, jusqu'à ce qu'il la perde.
Drago releva les yeux, non pas vers l'assemblée, mais vers sa gauche. La chaise était vide, comme lui, coquille creuse de muscles, d'os et de peau. Il sembla, pendant un instant, chercher quelqu'un du regard. Oui, on eut dit qu'il s'attendait à trouver quelqu'un sur cette chaise, quelqu'un qui aurait pu le conseiller, lui dire quoi faire, une personne trop intelligente pour son propre bien qui lui aurait soufflé quelques mots à dire devant cette sombre assemblée. Toutefois, ses yeux ne rencontrèrent aucune chair, et il les ferma de nouveau, comme si ne découvrir personne lui était trop insupportable.
Une main se posa sur la sienne et il tourna le visage vers sa droite. Pansy le dévisageait avec une horrible gravité qu'il n'avait jamais vu sur son visage. Il eut l'impression qu'on venait de le pousser d'un pont trop haut. Ses tripes se nouèrent, il eut envie de crier. Bordel, il avait besoin de vomir cette sensation de manque. C'était ça qu'on éprouvait quand on perdait ? Ce sentiment de chute infinie ?
- Dis quelque chose. Ne le laisse pas s'en tirer. Fais-le pour elle.
Il serra la mâchoire pour ne pas craquer et il inspira profondément, avant de relever la tête pour plonger ses yeux striés de vaisseaux éclatés dans ceux de Caspar, l'homme qui avait osé lui prendre la seule personne qui lui avait donné envie de se battre.
- Ce qu'il lui a fait n'est pas suffisant ? Demanda-t-il d'une voix rauque. Faut-il mon témoignage pour que cet enfoiré soit condamné ? Votre héroïne de guerre n'est plus et c'est lui le coupable, il n'y a rien d'autre à dire.
Sans dire un mot de plus, Drago se dégagea de l'emprise de Pansy, puis sortit de la salle d'audience, sous les chuchotements outrés de tout ce beau monde hypocrite. La porte se referma dans un claquement sourd derrière lui. Dehors, à l'abri des regards, il se sentit partir, s'effondrer en un millier de petits morceaux insignifiants. Bordel, il se sentait tellement usé, tellement vide... Il avait envie de hurler, de frapper ! Il avait le sentiment que quelqu'un creusait son cœur en permanence et le trou qui y grandissait jour après jour menaçait de le faire tomber définitivement, d'ici peu. C'était un cauchemar, un mauvais rêve, il allait se réveiller... Sans qu'il ne puisse se contenir, il se retourna d'un geste vif et planta son poing avec force dans le mur. La douleur fit vibrer son bras, mais il n'en eut cure. Elle n'était rien, comparée à celle de la perte de Granger.
Il allait devenir fou. Il allait devenir fou. Complètement. Fou.
Il serra les dents, se mordit la langue jusqu'à ressentir le goût de son propre sang dans sa bouche, puis il fit volte-face et se mit à courir, comme si sa propre vie en dépendait. Il voulait fuir, maintenant qu'elle n'était plus à ses côtés, il voulait partir aussi loin que ses jambes le lui permettraient. Il voulait sentir l'air être expulsé de ses poumons, quand il serait épuisé, et ses muscles devenir aussi raides que du bois. Non, en fait, il en avait besoin. Se voir mourir d'épuisement, et non pas écrasé par le fardeau trop lourd qu'était toute cette souffrance dont il n'avait pas envie, tout ce bagage émotionnel qui l'encombrait... Vital, nécessaire. Mourir, maintenant. Non, non, non ! Il pouvait se reprendre. Qui était-elle, après tout, pour lui faire un tel effet ? Sa vie n'allait pas être bien différente sans elle. Ce n'était pas une seule personne en moins qui allait tout changer.
Il se mit à rire, incapable de mentir à sa propre conscience.
Hermione Granger. Sa véritable calamité, voilà qui elle était.
Oui, bordel, il était fou. Fou d'elle.
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Ultraviolence
FanficUne sorcière brillante et un mangemort en devenir, voilà ce qu'étaient Hermione Granger et Drago Malefoy, avant la chute de Voldemort. Et à présent ? Elle est captive, hantée. Il est damné, maudit. Été 1998. Deux personnes aux âmes écorchées, dont l...