Cher toi,
J'ai des choses à dire mais pas le talent nécessaire pour les exprimer.Je noircis des pages de mots qui n'ont de sens que pour moi, gâche de l'encre et du papier inutilement.
Je pensais être douée mais chaque jour je comprends un peu plus que je n'aurai jamais rien de spécial. Je suis et resterai banale, moyenne, transparente.
On me disait intelligente mais les notes qui s'accumulent prouvent le contraire. "Vous n'êtes pas votre note" pourtant c'est ce qui me définit. Sans ces notes suffisantes, je ne vaux rien, ou du moins pas grand chose. Sans elles, je ne mérite pas leur intérêt. Si je ne n'arrive pas à analyser correctement un texte ou résoudre une équation, cela fait-il de moi quelqu'un de stupide ?
Peut-être bien.
Le droit à l'erreur est une illusion, n'existe pas. Mes faux pas collent à mes semelles et impriment leurs empreintes sur mes traces.
Je suis ce qu'on appelle une gamine paumée. Pas assez écorchée pour être plainte et trop perdue pour trouver sa voie. Ni monde imaginaire, ni Peter Pan saupoudrant sa poussière de fée sur les âmes esseulées. Rien de plus qu'une gamine paumée. Toujours révoltée contre on ne sait quoi, en conflit contre l'univers tout entier. Pourtant, je ne ressens pas particulièrement de colère contre ce monde. Je ne le comprends juste pas.
Je gravite autour de lui, vis à côté des autres. Les conversations, les rires, sont vides de sens.
J'essaye, tu sais.
Ce monde continue de me rejeter ou alors c'est moi qui suis une incapable, trop bête pour s'y intégrer. Je ne parviens pas à penser comme eux, ce que je ressens est différent de ce que je devrais normalement ressentir. Et tout en moi me hurle que je suis le problème.
Peut-être bien.
Je me fonds malgré moi dans la masse. Les autres me transpercent de leur présence comme si je n'étais rien, un vide où ils s'engouffrent avec indifférence. Si bien que j'ai songé avoir réellement existé un jour.
Je ne marquerai jamais le monde, partirai sans rien laisser derrière moi qu'un souvenir flou et éphémère. L'univers m'oubliera bien assez tôt.
Je vivrai une vie monotone identique à tant d'autres. Comme seule compagnie mes regrets de jeunesse et l'ombre sur les murs de mes rêves brisés dont j'étais indigne. J'inonderai le parquet de larmes, me noierai dans ma propre tristesse. Je finirai par devenir ce que j'ai toujours redouté, fui.
Je deviendrai comme eux, le sang amer qui coule comme un fardeau dans mes veines.
Tu sais ce qu'est une comète ? Internet la définit comme "un petit corps céleste constitué d'un noyau de glace et de poussière en orbite autour d'une étoile".
On se ressemble. Un coeur poussiéreux et glacé, je sème les miettes de mon petit organe vital.
Un jour, sûrement, je vais détruire ce monde. Ou peut-être bien que ce sera lui qui me détruira.
Dis, la collision entre ma comète et cet univers est inévitable ? Notre impact cosmique imminent ?
Peu m'importe au fond.
Mais, si ce monde venait à brûler, je te promets d'admirer les flammes le consumer d'en haut, avec toi.
Si je suis une comète, tu es incontestablement mon étoile. En orbite, je tourne autour de toi. Tu es mon monde, mon univers tout entier.
Et si je me perds complètement, éclaireras-tu mon chemin jusqu'à toi ?
Tout ce que je t'écris est un désordre sans nom. Tout se bouscule, s'entremêle, s'enchaîne sans logique, sans lien. Je t'avais prévenu, je n'ai aucun talent pour m'exprimer.
J'espère que tu vas bien.
Affectueusement,
Moi
P.S : Aujourd'hui le ciel n'est qu'une vaste étendue noire. Aucunes étoiles ne brillent, la Lune est pâle et pleine. La nuit est sombre.
