De longues secondes. Minutes. Heures. Jours. Années. Combien de temps cela faisait-il, déjà ? Prisonnière d'un rêve éternel, d'un moment qui lui apparaissait comme tel, elle restait assise à longueur de journée. Assise dans une pièce vide, blanche, sans la moindre capacité de se mouvoir. Avait-elle toujours été vide et immaculée, cette pièce ? Avait-elle toujours été incapable de bouger ?
Elle cherchait et creusait au fond de sa mémoire pour en chercher la réponse, pourtant rien ne lui venait. Rien hormis un chiffre. « 235 ». Etait-ce son nom ? Sûrement... elle savait qu'elle l'avait entendu quelque part, qu'elle avait entendu qu'on le lui répétait, en boucle. Alors où ? Interroger et sonder ce qui restait à la surface de son inconscient ne donnait rien, malgré tous ses efforts. Parfois, elle pouvait espérer entrevoir quelques échos qu'elle distinguait à peine.
N'y avait-il pas auparavant une présence capable de la rassurer ? Capable de lui tenir compagnie ? Pourquoi restait-elle ici ? Pourquoi n'y avait-il qu'une porte verrouillée dans cette pièce ? Pourquoi avait-elle l'impression de perdre ses souvenirs ? Pourquoi ne ressentait-elle rien d'autre qu'un immense vide ?
Chaud, froid, soif, faim, sommeil ; rien de tout cela ne semblait l'atteindre. Tout ce qu'elle avait pour elle-même restait ces questions, ces questions auxquelles elle ne pouvait trouver réponse. Elle n'avait que ça pour distraction, dans cette longue et terrible attente. Quelque chose au fond d'elle se persuadait qu'il y avait une raison. Qu'elle la connaissait, mais qu'elle l'avait simplement oubliée.
Qu'était-elle au juste ?
Une humaine ?
Un robot ?
Une promesse ?
Un idéal ?
Une enveloppe ?
Un éclat ?
Elle continuait de se le demander. De questionner son subconscient sans espérer de réponse, simplement pour passer le temps. Elle ignorait ce qu'elle attendait, mais pouvait bien espérer un sauvetage.
Un jour, alors que sa réflexion se perpétuait, sa main se mit à bouger. Son corps entier. Surprise, elle se releva, observa ce qui lui appartenait. Pour la première fois, elle pouvait se mouvoir, alors elle fit un tour sur elle-même ce qui fit voltiger sa longue chevelure châtain foncé qui retombait au niveau de ses fesses.
Pour la première fois, elle fut enjouée, tellement enjouée qu'elle ne questionna pas ce miroir qui se tenait devant elle si soudainement. Elle se contenta simplement de le fixer, de fixer son reflet. Ces yeux écarlates, étaient-ce les siens ? Ils rayonnaient et pourtant, tout ce qu'elle arrivait à percevoir au travers n'était que le néant. Un creux dont elle ne se souvenait pas et qu'elle n'arrivait pas à combler.
Elle s'étonna lorsqu'elle vit une larme perler sur sa joue.
Elle qui se sentait si heureuse un instant auparavant, quelque chose semblait s'être déchiré au fond d'elle. Sa longue et profonde solitude, voilà ce sur quoi elle avait mis la main. Ce dont elle se rendait compte. Elle se rassit contre le mur, songeant à nouveau. Puis, elle ferma les yeux, et pour la première fois, elle s'endormit.
Dans le laboratoire du professeur Hakatsu au sein de l'immense complexe abritant les locaux principaux d'Etond, une sorte de société, d'entreprise ou de centre de recherche selon chacun, la panique régnait. Personne n'en connaissait la raison, pourtant le professeur, également superviseur de tous les projets du complexe, venait de ruiner des années d'efforts et de dure labeur en accélérant les finitions de son plus grand travail : la création du sujet « 235 ». Son assistante, une femme brune d'une quarantaine d'années à peine et qui l'accompagnait depuis plusieurs années maintenant, entra violemment dans son bureau, criant aussi fort que les sirènes s'affolant dans les couloirs.
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Ekeind
General FictionLorsque son père meurt, Louis Hakatsu, alors âgé d'une vingtaine d'années, prend la tête de la compagnie la plus influente et la plus importante de la Région, répondant au nom d'Etond. Il poursuit ainsi le labeur de son géniteur tout en étendant ses...