Plantons le décor. Une jolie place pavée. Des tables de pic-nic. Un stand de barbapapas, un autre de confiseries diverses, comme des pommes d'amour. Des manèges. Montagnes russes, grand huit, petits chevaux... Et moi. Moi, seule au milieu de cette place. Incapable de me rappeler comment je m'étais retrouvée là. Incapable de m'expliquer pourquoi j'étais l'unique personne présente dans ce parc d'attractions, un dimanche après-midi. Je n'osais pas bouger. Peut-être cela allait-il arranger la situation ?
En réalité, pas vraiment. Alors je me décidai à marcher, chercher une quelconque âme dans ce désert humain. Mais je n'avais encore pas quitté la place qu'un cliquetis se fit entendre. Rapidement rejoint par un autre, puis encore un autre, jusqu'à ce que ce soit un véritable concert. Je me retournai et, surprise! tous les manèges étaient en route. Les wagons vides des montagnes russes tournaient inlassablement, sans même prendre le temps de ralentir à la fin d'un tour. Bien au contraire, ils accéléraient, incontrôlables. Même scénario du côté des petits chevaux, qui semblaient s'exciter sur leurs rails et oscillaient bien trop rapidement. Idem pour le grand huit. Même la machine à barbapapa tournait dans le vide !
Je ne comprenais rien, les évènements me dépassaient. Que faire ? Que faire ? Tout cela était si étrange. Bientôt, l'angoisse que j'avais senti naître en moi devint si grande que je dus m'agenouiller sur les pavés, ne sentant plus mes jambes. Ma mémoire était trouble, rien qui pouvait m'expliquer cette situation inconfortable ne me venait à l'esprit. Tout ce que je savais, c'est que j'étais seule au milieu de machines détraquées.
Puis, une voix. " Madame ? ". Je sursautai, et me retournai. " Madame ? ". Une voix juvénile. Apparut dans mon champ de vision une fillette. Neuf ans, tout au plus. De longs cheveux blonds bouclés venaient encadrer un joli visage au teint de porcelaine que sublimaient de grands yeux couleur océan. " Madame ? " insista-t-elle, s'approchant doucement de moi. Sous le choc, je me ressaisis à temps avant qu'elle ne répète une quatrième fois, tandis qu'elle était à présent à quelques mètres de moi seulement. Sa voix claire retentit de nouveau, posée.
- Avez-vous besoin d'aide ?
- Je... Oui ? Que se passe-t-il ?
Elle fronça les sourcils.
- Comment ça ?
- Et bien... Les manèges ? Pourquoi tournent-ils tout seuls ? Pourquoi personne n'est présent ? Pourquoi ?...
La fillette ne semblait pas comprendre, mais restait très calme, presque divine dans sa tunique blanche. Puis elle répondit mystérieusement :
- Etes-vous sûre de ce que vous voyez ? Etes-vous sûre que c'est la réalité ? Ou bien votre réalité ? Celle qui trahit vos plus profondes angoisses, pensées refoulées, sentiments enfouis...
Je ne comprenais pas. Pourquoi toutes ces phrases au sens profond ? Ce que je voyais semblait bien réel, pourquoi en douter ? Lorsque je relevai les yeux de nouveau, elle n'était plus là. A nouveau prise de panique, je criai :
- Où es-tu ? Reviens ! Ne me laisse pas seule...
Mais elle ne revint pas. Soudain, une lumière aveuglante envahit la place, et je me suis sentie attirée par une force invisible, qui provenait de tous les côtés. Flash de lumière. Noir intense. Flou coloré... Un visage ! Mes yeux parvinrent à s'ouvrir, et reconnurent Angelina, mon amie de toujours. Son visage était marqué par l'inquiétude.
- Tu vas bien ?
- Oui... Je... Enfin je crois...
Je parcourus du regard les environs, et constatai que tout semblait normal. Les wagons n'étaient plus vides, et filaient à vitesse normale. Des rires d'enfants résonnaient, des voix d'adultes s'élevaient puis disparaissaient à mesure des passages.
- Que s'est-il passé ?
- Juste avant que l'attraction ne démarre, tu as perdu connaissance. Alors on a appelé le personnel, qui a fait le nécessaire.
- Je suis restée dans cet état combien de temps ?
- Oh, quelques minutes tout au plus.
Etrange, les évènements précédents m'avaient paru tellement plus longs ! Je songeais, mais mon amie interrompit le cours de mes pensées lorsqu'elle parla au médecin qui était venu me procurer les soins lors de ma perte de connaissance. Ils parlaient d'ambulance, et d'examens approfondis. Mais je n'y prêtai plus attention. Les paroles de la petite fille résonnaient dans ma tête. Celles qui remettaient en cause la réalité. Avais-je été trop fermée d'esprit pour admettre que je délirais ? Tout paraissait si réel...
Puis on me plaça sur un brancard, afin de m'emmener à l'hôpital pour les " examens approfondis " dont il avait été question.
VOUS LISEZ
Sensations fortes
Short StoryLa réalité est-elle réellement ce que vous pensez voir ? Telle est la question posée à cette jeune femme dont les plus grandes peurs vont ressurgir sans crier gare au beau milieu d'un parc d'attractions on-ne-peut-plus normal. Enfin, tout dépend du...