les gens sont gentils avec ROSE. ils pensent que ça la rendra heureuse, que ça pourra lui acheter un sourire. mais ROSE n'aime pas la gentillesse: ça lui tiraille les tripes, ça la fait vomir des mots qu'elle ne ressent pas, ça la fait gerber son dernier repas qui date de 3 jours.
ROSE s'ennuie de sa vie, s'ennuie du monde, s'ennuie de BEIRUT. on dit que c'est la ville qui ne meurt pas, mais ça ne change pas le fait que ROSE y meurt comme ses poumons meurent dans sa cage thoracique.
ROSE n'aime pas les gens qui peuplent BEIRUT durant la journée. ils ont la tête baissée, des rides entre leurs sourcils, des écouteurs coupant le monde fourrés dans leurs oreilles, des yeux camouflés par des lunettes, des lunettes qu'ils sont obligés de porter à cause des téléphones qu'ils chérissent plus que tous leurs amis réunis.
ROSE aime les gens qui peuplent cette ville durant la nuit. ils regardent les étoiles et le sourire bienveillant de la lune, ils ont des rides aux coins de la bouche, ils montent le volume de leur musique au maximum, ils se font écraser, éclater, écrabouiller par les voitures parce qu'ils ont oublié leurs lunettes à la maison, et leurs entrailles massacrées viennent créer une éclipse lunaire.
les gens essaient toujours de tirer ROSE de leur côté, du côté du jour ou de la nuit, mais elle ne bouge pas. elle pense avoir déjà tout connu de la vie, du haut de ses dix-sept ans.
mais puis les gens commencent à avoir marre d'attendre, d'attendre que ROSE se rende compte que la vie est belle, que la vie est comme un jus trop sucré, à prendre la matin et le soir, qui dégouline sur le menton mais qui fait sourire à pleines dents.
la vie n'allait pas attendre ROSE. la vie n'attend personne.
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LE SPLEEN DE BEIRUT
Short Storyla plus belle des ruses du spleen est de vous persuader qu'il n'existe qu'à paris [mai 2019]