Twisted Tale : Et si la marraine de Cendrillon n'était pas une bonne fée ?

Twisted tale

Cendrillon pleurait. Oh, bien sûr, ce n'était pas la première fois : sa belle-mère et ses deux horribles filles lui donnaient toutes les raisons du monde de le faire, et ce, plusieurs fois par jour. Mais la jeune fille avait le cœur pur et heureux, et avec le soutien de ses amis, elle parvenait à voir le plus petit rayon de soleil à travers les nuages sombres qui obscurcissaient sa vie. La bonté de son âme et la générosité de ses amis étaient les piliers de son existence, qui lui avaient permis de survivre jusqu'à ce soir. Jusqu'à ce terrible soir.

Lorsque la missive royale leur avait été livrée, toute la maison s'était tout à coup trouvée en ébullition. Une lueur sauvage avait illuminé le regard de lady Trémaine, tandis qu'Anastasie et Javotte s'imaginaient déjà fiancées au prince. Le courrier était inédit. Le prince rentrait tout juste de voyage et le roi, désespérant de marier un jour son fils, avait décrété l'organisation d'un bal pour le soir même, conviant toutes les filles à marier du royaume. Ce fut sur cette dernière phrase que l'attention de Cendrillon se focalisa. Toutes les filles à marier du royaume ? Elle en faisait partie. Elle pouvait se rendre au bal. Elle pouvait rencontrer le prince. Elle pouvait changer sa vie.

Mais c'était sans compter lady Trémaine. La marâtre avait eu la cruauté de laisser Cendrillon espérer aller au bal à deux conditions : que son interminable liste de corvées soit effectuée dans la journée et qu'elle ait quelque chose de convenable à se mettre.

Ces conditions ressemblaient à un défi, hors ; c'était une condamnation. Et même lorsque Cendrillon vint plaider non coupable avec pour preuve une maison parfaitement récurée et une jolie robe enfilée, le discours de l'accusation fut cinglant. Sanglant, même.

Sa robe, déchiquetée. Ses cheveux, arrachés. Son destin, broyé.

Et c'est ainsi que Cendrillon se retrouva dans la cour de la maison qui l'avait vu naître puis devenir sa propre servante, tandis que sa belle-mère et ses deux affreuses filles prenaient la route du château. La jeune fille s'effondra sur l'un des bancs de pierre et laissa exploser sa douleur en torrent de larmes.

Elle ne comprit pas tout de suite d'où venait le pic glacé qu'elle sentait s'enfoncer dans sa poitrine à chaque nouveau sanglot. Elle avait toutes les raisons du monde de sentir dévastée : elle était humiliée et tyrannisée par trois ignobles harpies qu'elle servait comme une domestique dans sa propre maison. Cette femme qui la forçait à l'appeler « mère » venait de briser une nouvelle fois la fragile bulle de bonheur qu'elle avait construite autour de ce bal. Ses « sœurs » l'avaient griffée, bousculée, réduite à néant. Oui, Cendrillon avait toutes les raisons du monde de sentir ce vent glacial dans ses entrailles.

Alors pourquoi avait-elle le sentiment que c'était à la fois tout cela et... bien plus ? Il y avait autre chose.

Ses épaules secouées par les larmes se crispèrent soudain et ses poings se fermèrent. Bien sûr qu'il y avait autre chose. C'était bien plus qu'un nouveau rêve de briser. C'était l'opportunité de prendre le contrôle sur sa vie et de la bouleverser. Et elles la lui avaient arrachée.

Cendrillon comprit alors qu'elle n'était pas simplement en train de passer à côté d'un bal, mais bien de son propre destin, et ce depuis des années. Elle contempla les lambeaux de sa robe à travers ses larmes et se perdit dans les reflets de soie. Elle vit défiler les jours terriblement mornes de son existence : servitude, humiliations, solitude. C'était tout ce qu'elle connaissait de la vie depuis la mort de son père, et lady Trémaine ferait tout pour garder cette servante si docile.

Cette constatation lui fit l'effet d'un tremblement de Terre. La jeune fille venait de comprendre qu'elle était condamnée à répéter inlassablement les mêmes taches et subir les mêmes traitements jour après jour. Elle s'imagina vieillir, les ravages du temps et d'un pénible labeur marquant son corps au fil des ans, les rides et les larmes creusant son visage au fil des chagrins.