Cette cinglée de nymphomane m'a présenté à toi, le sourire aux lèvres, quelques jours avant les fêtes de fin d'année.
Tu te souviens ?
Drogué à ta merde, tu me regardais d'une sinistre vénération...
Tristement fougueuse et imperturbable, je ne me suis pas posée de questions et, accompagnée de quelques amis, adolescents indomptables, nous avons tranquillement discuté.
Au moment de nous séparer, tu m'as gentiment proposé de me rapprocher de mon village ; m'évitant ainsi de rouler en stop. Tu en as bien sûr profité pour me suivre jusque chez moi.
Le jour de l'an, tu as sonné à ma porte et, malgré ta dégaine de branleur, mes parents t'ont ouvert et t'ont directement envoyé dans ma chambre.
Tu es donc entré, tu m'as violée et tu es reparti.
Durant le mois qui a suivi, tu me harcelais littéralement au téléphone. Tu ordonnais, à travers les grilles du collège, que les élèves aillent me chercher en vitesse. Ils me faisaient passer le message, me mettaient en garde contre toi. Tu étais apparemment connu... Je ne t'obéissais évidemment pas. Tu m'attendais alors à l'arrêt du bus qui me ramenait de l'école, puis tu me poursuivais dans la rue. Tu escaladais le portail de mon jardin, tu forçais les portes. Tu t'invitais chez mes voisins, pour m'observer de là-haut. Cependant, lorsque tu parvenais à m'approcher, tu restais calme, doux, certes invasif, mais presque affectueux ; puis tu repartais.
Ces quelques semaines passées, tu es revenu et cette fois, tu m'as emmenée.
Tu m'as enfermée et, à nouveau, tu as abusé de mon corps.
Une fois la première journée du premier mois de l'année, vers midi, et deux fois la deuxième journée du deuxième mois de l'année, vers minuit, puis deux heures trente du matin.
Rituel ou simple coïncidence ?
J'avais quatorze ans.
L'agoraphobie, la phobie sociale, les envies suicidaires, le rejet de mon corps entraînant une anorexie devenue, avec le temps, de plus en plus complexe et dangereuse. Je ne dormais plus. Je n'allais plus à l'école, je ne sortais plus. Je ne mangeais plus, je ne voyais plus personne, je ne parlais plus.
J'étais juste sale, souillée, détruite.
Le temps s'écoulait.
Honteuse, apeurée, en sécurité nulle part.
Je restais simplement immobile, souvent en pleurs.
Je vivais terrifiée à l'idée de te revoir, que tu reviennes, que tu recommences, encore.
Tu aurais dû m'achever, entièrement, mais tu es resté lâche, me condamnant à errer, à porter lamentablement mon fardeau dégueulasse.
Mes amis ont voulu en finir avec toi, me guérir. Ils ont voulu couper cette partie infâme de ton anatomie, celle qui t'a permis de prendre plaisir à m'anéantir.
Ils ont monté ce plan qui aurait pu servir à t'isoler, à te séquestrer jusque là-bas et à te dessouder correctement, à t'abattre à leur façon.
Mais la vengeance ne sortira jamais une victime de ses interminables années en enfer.
Tranquillité illusoire...
Tu vis néanmoins avec une épée de Damoclès au-dessus de ton crâne ; tu ne t'en doutes certainement pas.
Tu me crois trop fragile, peut-être. Trop douce, sûrement.
J'ai essayé de dompter ces démons qui, maintenant, m'accompagnent et me hantent partout où je suis. Mais le corps à sa mémoire, le mental aussi. Dix années se sont écoulées, pourtant mes angoisses et terreurs reviennent toujours démesurément durant cette période.
Je t'écris ce soir car, dans une semaine, ce sera à nouveau le jour de l'an... Je prierai le diable en personne pour qu'à la première heure de ce premier jour, de cette nouvelle année, l'épée s'effondre enfin sur ton corps obscène.
Et que tu ne t'en relèves pas.
Lettre parue dans mon livre autobiographique "Toi qui m'as violée", édité par Evidence Editions
YOU ARE READING
Lettre à toi qui m'as violée
No FicciónCette lettre est devenue le prologue de mon livre autobiographique « Toi qui m'as violée », paru chez Evidence Editions