CHAPITRE 4 - AIDEN

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Debout devant l'immense baie vitrée, j'admire la vue sur tout New-York et le soleil qui se couche derrière ses buildings.

— T'en fais pas fiston, je te fais confiance sur ce coup-là ! s'exclame Monsieur Timberson à l'autre bout du fil, de sa voix rauque digne d'un gros fumeur septuagénaire.

— Merci, Timberson, je ne vous décevrai pas.

— Je n'en doute pas une seconde !

Après de brèves salutations, nous raccrochons. Je soupire et fixe mon téléphone un moment, satisfait. Encore une affaire conclus. Bon, il n'y a pas de quoi être fier, avec Monsieur Timberson, pas la peine de verser du sang et des larmes pour obtenir un contrat.

Il est comme un père pour moi. Il m'a appris toutes les ficelles d'une bonne gestion d'entreprise, comment être un excellent patron et a été mon premier investisseur. Grâce à lui, j'ai pu monter mon entreprise d'aéronautique à la sortie de l'université avec mon meilleur ami, Noah.

En fait, je le considère même plus comme un père que celui qui m'a élevé. Je ne me souviens pas quand mon géniteur m'a félicité pour la dernière fois – en supposant qu'il l'ait déjà fait une première fois. Par contre, mes erreurs, il ne les loupait pas. J'avais une bonne note ou je gagnais un match de football, il en restait indifférent. Mais à chaque échec, il m'attendait au tournant.

J'aurais pu mettre son manque de soutien sur le compte de son caractère, s'il n'était pas à fond derrière mon frère. William, de quatre ans mon aîné, a beau eu le même père que moi, son éducation était totalement différente. Il n'y en avait que pour lui – et c'est encore le cas aujourd'hui.

Je vis dans un penthouse de deux cent mètres en plein Manhattan avec vu sur Central Park, mais regardez William ! Il a signé un contrat avec Mark Zuckerberg pour qu'il vienne dans sa banque.

J'ai des clients des quatre coins du monde, des plus grands PDG jusqu'au héritiers royaux, en passant par les stars hollywoodiennes les plus en vogue, mais William lui, a épousé la fille parfaite alors que je ne dépends que de trois plans-cul réguliers.

À cause de tout ceci, nous ne sommes pas proches. Il y a toujours eu une constante compétition entre nous.

Et pourtant, quand la sonnette retentit dans mon bureau, je peux voir par la caméra à la réception de l'immeuble, mon frère qui vient sonner chez moi.

J'allume l'interphone et Will me devance :

— Ouvre-moi, petit con ! 

Quel connard ! Rien que pour ça je vais le laisser planter là.

— Aiden, se rattrape-t-il. C'est bon, excuse-moi. Allez ouvre-moi, maintenant, s'impatiente-il.

Je n'ai pas envie de le voir surtout s'il traîne avec lui sa mauvaise humeur d'enfant pourri gâté, mais ma curiosité se demande ce qu'il me veut. Je le laisse donc entrer dans l'ascenseur qui le mènera à mon étage.

J'arrive dans le vestibule pile au moment où les portes de l'ascenseur s'ouvrent et je découvre mon frère dépareillé, sans cravate, la chemise légèrement ouverte. Il passe une main dans ses cheveux en pétard et surtout, ses yeux sont injectés de sang.

— Merde, tu as bu ?

Il est à peine vingt-et-une heure, pourtant ; ça ne lui ressemble pas.

— Qu'est-ce que ça peut te foutre ? crache-t-il en passant devant moi pour rentrer dans l'appartement.

Il sent effectivement l'alcool mais il n'a pas l'air d'en avoir abusé au point de ne plus marcher droit.

Il est encore habile pour trouver une bouteille de whisky quinze ans d'âge et un verre dans le bar, et se servir.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? T'as l'air de t'être battu avec un ours.

— C'est ça... marmonne-t-il avant de boire son verre cul sec.

Je m'approche de lui et me perche sur un des tabourets devant le bar.

— Si tu viens pour boire, tu aurais pu aller au bistrot en bas ou rester chez toi.

Will secoue la tête et réplique d'une voix pâteuse et enrouée :

— Je veux plus rentrer chez moi.

— Pourquoi ?

Pourtant sa maison est splendide et il a une jolie petite épouse– oh merde !

— Il s'est passé quelque chose avec Camellia ? Est-ce qu'elle va bien ? m'empressé-je de demander.

Un peu trop empressé d'ailleurs, ça en devient tellement louche que Will me regarde travers. Mais il se met à ricaner ensuite.

— Ouais, t'inquiète pas pour elle. Elle va super-bien, répond-il avec une pointe de sarcasme en fixant le fond de son verre.

— Vous vous êtes engueulé alors ?

Je sens une certaine excitation monter dans ma poitrine.

Will se perd dans ses pensées un instant avant de m'avouer, sur un ton totalement neutre :

— Elle a demandé le divorce.

Traitez-moi de connard, c'est mérité, mais ma première réaction a été de chanter We Are The Champions de Queen dans ma tête à ce moment.

Je viens de passer un nouveau gros contrat qui me fera gagner des millions ET le mariage parfait de William est un échec. Le William O'Brien, petit favoris de papa, a échoué.
J'ai envie de faire une danse de la joie avec des lunettes de soleil mais je me retiens, tout comme je me retiens de sourire. Je racle ma gorge pour prendre une voix sérieuse.

— Et... pourquoi ?

William souffle mais ne me répond pas. Tout me laisse croire que s'il ne veut pas expliquer, c'est que c'est de sa faute. La superbe Camellia a dû se rendre compte que mon frère pouvait aussi être un loser et on doutera tous de lui après ça.

Il se dirige ensuite vers le salon et se laisse tomber sur le canapé, en prenant ses aises comme s'il était chez lui. Il m'insupporte quand il fait ça mais pour ce soir, je le laisse faire. Je veux en savoir plus au sujet de ce divorce.

— Donc... j'imagine que tu n'as pas d'endroit où dormir.

— Je veux pas rentrer dans cette maison si elle y est pas.

Ok, donc elle est partie alors il est venu ici dans le seul but de faire son caprice.

— Quoiqu'il se soit passé, c'est fini pour de bon ? Tu es sûr ?

Il soupire et répond simplement « Ouais... ».

— Tu l'as dit aux parents ?

Will secoue la tête. Je me doute bien qu'il n'a pas envie de l'annoncer à maman. Elle vénère littéralement Camellia. Je suis presque certain qu'elle est persuadée de l'avoir mise au monde. Heureusement que ce n'est pas le cas.

Ouais, heureusement parce que je suis moi-même fou de Camellia depuis ses six dernières années.

Uɴʀᴇꜱᴛ WᴀᴛᴇʀꜱOù les histoires vivent. Découvrez maintenant